jeudi 26 décembre 2024

Novembre, Philippe Le Guillou

 
     "La mort de mon père en plein mois noir, à la ligne de fracture de ce novembre historique qui dépasse largement cet évènement douloureux et intime, correspond avec cette plongée dans des temps et un monde de haute incertitude. Le 13 et le 17 novembre 2015 m'ont touché comme peu de dates et d'évènements auparavant. Je me sens à jamais orphelin d'une stabilité, d'une espérance définitivement perdues."
 
    Publié aux éditions Gallimard en 2017, Novembre, de Philippe Le Guillou, livre un témoignage très touchant sur le décès de son père au moment des attentats du 13 novembre 2015. La violence produite à Paris et la violence du deuil de son père se mélangent. Outre le fait de se souvenir des bons comme des mauvais moments avec son paternel, il donne au lecteur une véritable enquête sur qui était réellement cet homme discret, acharné de travail.  
 
    

lundi 11 novembre 2024

Virginie Hamonnais : un témoignage qui ne laisse pas indifférent.

 

    En 2019, Virginie Hamonnais publie Noyée dans l'alcool aux éditions Max Milo. Elle nous livre un témoignage et non un roman. Elle raconte au lecteur sa descente aux enfers lorsqu'elle devient alcoolique à l'âge de 35 ans, suite à la séparation avec Julio, le père de leur enfant Timéo, qui ne s'occupe pas du tout ee ce dernier. Alors pour se détendre, Virginie prend un verre de en temps après le travail le soir. Puis deux, puis trois... Son corps s'y habitue et il lui en faut toujours davantage. Les bouteilles de vodka y passent tous les jours, jusqu'à e qu'elle en vient même à perdre la garde de son fils, placé à l'ASE, pendant plusieurs années. 

    Entre cure sur cure, urgences à l'hôpital, centre psychiatrique, la protagoniste ne trouve rien d'adapté à sa pathologie. Elle attend se fameux déclic qui la fera arrêter de boire afin de reprendre une vie saine et normale, et de récupérer la garde de son fils qu'elle ne voit pas grandir et qui lui en veut terriblement. Elle a la volonté e s'en sortir, mais elle explique que l'alcoolisme est une véritable maladie incontrôlable qui la ronge de culpabilité. Heureusement, sa famille est présente : son frère et ses parents, puis elle rencontre son petit ami Clément, qui l'aide, comme il le peut à surmonter son addiction.

    Le livre se termine par une postface de l'étude de l'alcoolisme, notamment chez les femmes, par le docteur Fatma Bouvet afin de mieux faire comprendre le lecteur sur cette maladie.

    Un témoignage des plus juste et des plus poignants.

David Zukerman, San Perdido : un premier roman réussi avec brio.

 

     

    Véritable coup de cœur pour ce premier roman de David Zukerman, publié au éditions Calman Lévy, qui plonge son lecteur dans les aventures émouvantes de Yerbo Kwinton, à San Perdido, petite ville côtière imaginaire du Panama de la fin des années 40. 

    Plus qu'un roman, San Perdido, c'est aussi une fresque historique et sociale du Panama, de la condition des habitants des bidonvilles accolés aux quartiers riches. Un roman sur fond de toile historique, haut en couleurs, où le lecteur est propulsé en Amérique centrale et dans lequel il ne peut que s'attacher au destin de Yerbo, dont il suit les aventures et le parcours, de l'enfance à l'âge adulte : "Et qu'est-ce qu'un héros, sinon un homme qui réalise un jour le rêve de tout un peuple ?" 

    Outre l'épopée dépaysante que constitue ce roman, le style de l'auteur est d'une fluidité absolue et un pur bonheur pour le lecteur.

dimanche 25 août 2024

Mélissa Da Costa, Tout le bleu du ciel

 

  

    Tout le bleu du ciel, premier roman de Mélissa Da Costa : un livre qui donne tout simplement envie de vivre ! Cet ouvrage est un véritable bijou. Emile, 26 ans, condamné prématurément en raison d'un Alzheimer précoce, décide de fuir l'essai clinique auquel il doit participer, afin de vivre pleinement les derniers moments de sa vie. Il poste une petite annonce sur internet pour trouver un compagnon de route qui accepterait de partir avec lui à l'aventure, en camping-car. Joanne, jeune bretonne énigmatique de 29 ans, lui répond immédiatement de façon positive. Tous deux, ils vont sillonner les Pyrénées, le Sud de la France. Il ne se connaissent pas, ils sont très différents, mais vont beaucoup s'apporter émotionnellement et intellectuellement. 

    " La vie n'en a jamais terminé. Il l'a bien compris. Tant qu'il décidera qu'il n'est pas mort, elle continuera de lui jouer de drôles de tours. Et il n'est pas encore mort. Au contraire. Il ne s'est jamais senti aussi vivant."
De belles rencontres les attendent, de magnifiques paysages et une renaissance s'installent pour les deux personnages qui se reconnectent à l'essentiel, aux petits plaisirs du quotidien et de la nature : à la vie, tout simplement.

dimanche 18 août 2024

Agathe Ruga, Sous le soleil de tes cheveux blonds

 

    Sous le soleil de tes cheveux blonds, premier roman d'Agathe Ruga, constitue un long monologue intérieur dans lequel la narratrice, Brune, s'adresse à Brigitte, son amie de toujours, de qui elle n'a plus aucune nouvelle depuis plusieurs années, à la fin d'ultimes vacances passées ensemble. Brune n'a jamais compris les raisons de cette rupture dont elle souffre terriblement : "Tu m'as quittée, tu nous as quittées. Pas un jour ne passe sans un souvenir de nous et de nos fêtes intérieures. Tu es ma plus belle robe de soirée, mon champagne le plus euphorisant, mon plus long SMS. Mon plus bel amour inachevé." Enceinte, c'est l'occasion pour elle, voire le besoin, de se remémorer leurs vies, leurs amours, leurs études, les bons et les mauvais moments d'une amitié fusionnelle qui s'est éteinte sans explication. 

    À travers ce récit touchant où Brune s'adresse directement à son amie, le lecteur revit pleinement la jeunesse et l'évolution des deux amies, avec beaucoup de nostalgie, d'émotions, dans lesquelles il ne peut que se reconnaître dans l'une des péripéties ou des émotions, dans un style fluide, touchant et emprunt d'humour.

dimanche 11 août 2024

Rosella Postorino, La Goûteuse d'Hitler

    1943. Rosa vit chez ses beaux-parents en Prusse Orientale et est recrutée en tant que goûteuse d'Hitler. A chaque repas, qui paradoxalement lui permet de se nourrir en cette période de guerre, elle et les autres goûteuses savent que chaque repas porté par les SS peut être le dernier. La boule au ventre, elles s'exécutent. Une heure suffit pour savoir si elle seront toujours en vie.

    Pour son quatrième roman, Rosellla Postorino s'est inspirée de l'histoire vraie de Margot Wôlk. Son ouvrage ne prétend néanmoins pas être un récit historique, mais plutôt une fresque de la vie d'une jeune femme de 26 ans, dont le mari est parti à la guerre en Russie. Un monologue intérieur de la protagoniste se mêle au rituel du réfectoire, notamment au cours de cette fameuse heure interminable de l’éventuelle bouchée de la mort. Rosa revient notamment sur son enfance à Berlin, la rencontre avec son mari. De plus, des liens amicaux se tissent avec les autres goûteuses, plus ou moins forts et parfois emprunts de jalousie et de tension. La romance qui rythme le quotidien de goûteuse fait de ce livre, au style très fluide et agréable, une œuvre touchante et originale sur cette thématique des goûteuses d'Hitler, tout en finesse et pleine de sensibilité.

mercredi 31 juillet 2024

Le Parfum de Patrick Süskind : un roman olfactif

     Patrick Süskind publie Le Parfum, roman olfactif, en 1985, puis en 1986 pour la traduction française de l’allemand par Bernard Lortholary, en 1986, aux éditions Fayard.

    La vie de Jean-Baptiste Grenouille commençait mal : il naît derrière l’étal de la poissonnerie de sa mère qui l’abandonne. Il est confié à une première nourrice, qui ne veut plus de lui, car le trouve étrange. Notamment, il n’a pas d’odeur, et elle a le sentiment qu’il la regarde non pas avec les yeux mais avec le nez. Mme Gaillard, elle, accepte de le prendre. Elle est sans foi ni loi et ne fait pas dans la dentelle. A l’arrêt de la pension qui lui avait été attribuée pour l’enfant, elle le laisse chez un tanneur où il travaille dur, dans des odeurs et des conditions abominables. En grandissant, à l’âge de six ans, Grenouille ne ressent aucun sentiment. Il ne ressent que les odeurs olfactives de manière exacerbée : « À six ans, il avait totalement exploré olfactivement le monde qui l’entourait. » À treize ans, « l’instinct de chasse le prit ; Il avait à sa disposition la plus grande réserve d’odeurs du monde : la ville de Paris. »

    La première fois que Grenouille se sentit véritablement vivant fut le 1er septembre 1753 lors du feu d’artifice pour l’anniversaire de l’accession au trône du roi Louis XV. Grenouille s’apprêtait à rentrer car « il s’avéra bien vite que, sous le rapport des odeurs, ce feu d’artifice n’avait rien à lui apporter ». Mais soudain il sentit un parfum subtil qui l’enivra. Il le le lui fallait à tout prix : « Il fallait qu’il l’ait, non pour le simple plaisir de posséder, mais pour assurer la tranquillité de son cœur. Il se trouve presque mal à force d’excitation. » Il marche alors, suivant le parfum, sans trop savoir où il va lorsqu’il tombe sur une jeune fille dans une arrière-cour : « Cette source était la jeune fille. […] Il ne parvenait pas à comprendre qu’un parfum aussi exquis pût émaner d’un être humain. […] Pour Grenouille, il fut clair que, sans la possession de ce parfum, sa vie n’avait plus de sens. » C’est alors là qu’il commit l’irréparable en étranglant et tuant la jeune fille qu’il renifla des cheveux aux orteils afin de s’imprégner de son parfum : « [...] il lui semblait savoir enfin qui il était vraiment : en l’occurrence, rien de moins qu’un génie ; et que sa vie avait un sens et un but et une fin et une mission transcendante : celle, en l’occurrence, de révolutionner l’univers des odeurs, pas moins […] ». Quant au meurtre, il n’est pas certain qu’il se soit rendu compte de la gravité des faits : « Car enfin, il avait conservé d’elle et s’était approprié ce qu’elle avait de mieux : le principe de son parfum ».

    À partir de ce moment, Grenouille ne vivra plus que pour une quête olfactive. Lui qui n'a aucune odeur, il cherche même à fabriquer son propre parfum. Après moult péripéties, il continue ses mélanges et apprentissages, non sans refaire de victimes puisqu’il va encore tuer 24 jeunes filles.

    Afin de rendre compte de tous ces détails olfactifs, l’auteur s’est extrêmement documenté sur les parfums et senteurs. De même, ses recherches sur l’époque sont très précises, que ce soit dans le contexte de Paris ou la pensée des personnages, sans anachronisme. Le Parfum constitue un roman hybride : à la fois historique, d’apprentissage et un conte philosophique. Le lecteur s’attache au personnage tout en condamnant ses meurtres.