samedi 16 mars 2024

Jean-Luc Le Cleac’h, L’Hiver, saison de l’esprit : « Nos lectures sont toujours des marqueurs temporels ».

Jean-Luc Le Cleac’h, L’Hiver, saison de l’esprit : « Nos lectures sont toujours des marqueurs temporels ».

 

« Un espace limité qui contient le monde, c’est peut-être la meilleure définition d’une soirée d’hiver ».


 

Jean-Luc Le Cleac’h, auteur breton originaire de Concarneau et qui parcourt l’Europe depuis trente-cinq ans emmène le lecteur, avec L'Hiver, saison de l’esprit, publié en septembre 2021 aux éditions de La Part commune, au cœur de ses pensées autour de la saison hivernale : « Dans le silence de l’hiver, c’est là que l’on entend le plus distinctement le cœur battant du monde ».


L’Hiver, saison de l’esprit tend à une ode à l’hiver, prenant la forme d’un essai à tendance philosophique, découpé en huit chapitres thématiques.


Accepter le changement des saisons, c’est aussi accepter le temps qui passe : […] le passage des saisons, la rassurante rotondité du temps que procure la répétition, le cycle des saisons, est venu me délivrer de cette sensation mortifère d’une fuite inexorable du temps ».


    L’évocation de la lumière et de l’obscurité est omniprésente :

«  L’hiver est une saison de peu de couleurs, qui tend parfois au noir et blanc ».L’hiver, souvent associé à la grisaille et la tristesse, est ici transformé en éloge, éloge du temps qui permet de s’adonner à la lecture et à la réflexion, au coin du feu.

Aussi cite-t-il Flaubert afin d’étayer ses propos :

« Voilà l’hiver, la pluie tombe, mon feu brûle, voilà la saison des longues heures renfermées. Vont venir les soirées silencieuses passées à la lueur de la lampe à regarder le bois brûler et à entendre le vent souffler. Adieu les larges clairs de lune sur les gazons verts et les nuits bleues toutes mouchetées d’étoiles. » (À Louise Collet, le 28 septembre 1846. Lettres à sa maîtresse, Tome 1).

    L’auteur recourt à de nombreuses références historiques et littéraires afin d’asseoir et de préciser ses pensées. L’ouvrage est organisé selon différents chapitres tels que « Lumières d’hiver » ou « Voyage en hiver ». Il défend l’idée que l’hiver constitue la saison pendant laquelle il est possible de prendre son temps. C’est aussi celle de la redécouverte de la lecture et celle où il y a le moins d’obligations extérieures :

« Si la lecture évoque l’hiver, c’est sans doute aussi que toute lecture agit comme un renforcement de notre intériorité ; dès lors que nous passons plus de temps à l’intérieur de notre domicile, les deux notions, nouent ainsi, presqu’à notre insu, des liens subtils. »

    Ainsi, l’hiver permettrait une sorte de communion littéraire avec la nature, loin du chaos de la société, et représenterait, à ce ce titre, la saison de la tranquillité et donc de l’esprit :

« J’habite l’hiver, lové dans les mots qui le décrivent, le constituent et lui donnent corps. Je me sens bien dans la chaleur et la senteur du bois sec qui brûle, et laisse sur les objets et les vêtements, une odeur discrète, un léger parfum, qui est celui-là même de l’hiver, mieux encore de l’idée d’hiver. ». Cette idée est notamment omniprésente au sein du chapitre « L’hiver : du temps pour soi… et pour les autres. »

    L’omniprésence de la nuit en hiver est ici loin d’être anxiogène, bien au contraire. Ces propos de Michèle Perrot, extraits de Histoire de Chambres, résument parfaitement l’idée que se fait l’auteur des nuits hivernales : « Opposé au jour discipliné et soumis, la nuit représente la liberté ».

    Aussi l’auteur exprime-t-il avec ses propres mots : « L’imaginaire de la nuit… toutes ces sensations nées ou liées à l’absence de lumière, et qui font que la nuit, toujours, est bien plus vaste que le jour. La raréfaction de la lumière fait naître une profusion de sensations, d’une étendue et d’une profondeur que le jour pourrait à juste titre lui envier. » Il poursuit en écrivant que « la nuit, l’hiver, se renforcent mutuellement l’un l’autre. […] Toujours est-il que le desserrement des contraintes sociales qui accompagne la venue du soir et de la nuit, se conjugue dans ma perception avec les plages de temps libres qu’offre généreusement l’hiver. »


    Jean-Luc Le Cleac’h parvient avec brio à emporter le lecteur avec lui dans ses plus profondes pensées et réflexions. Chers lecteurs et chères lectrices, si comme comme beaucoup, l’hiver est pour vous interminable, triste et angoissant, lisez ce petit ouvrage qui vus fera apprécier cette saison avec toutes les vertus cachées qu’elle comporte et que l’auteur parvient à nous transmettre.