vendredi 17 janvier 2020

André Gide : Le communisme comme doctrine culturelle

    Gide a sa propre conception du communisme, qu’il voit comme une doctrine d’État, comme un nouveau modèle de société. Dès lors, son engagement se fonde sur des valeurs universelles : « Dans nos cœurs et dans nos esprits nous attachions résolument au glorieux destin de l’U.R.S.S. l’avenir même de la culture ; nous l’avons maintes fois répété1. » Le communisme gidien prend sa source, non pas dans les écrits fondateurs du marxisme ou dans les textes politiques des dirigeants soviétiques, mais dans les Évangiles et l’art de manière général, pour lequel il a toujours éprouvé un grand intérêt. Au-delà de la recherche d’un nouveau modèle sociétal, c’est tout son univers culturel que l’auteur tente de transposer au soviétisme. Cette étude sera consacrée à l’analyse des réverbérations chrétiennes, puis humanistes et culturelles, dans la perception gidienne de l’U.R.S.S. et, par-delà, de la doctrine politique communiste.

Les sources chrétiennes


    Gide voit dans le communisme l’accomplissement de la transmission des valeurs chrétiennes, là où l’Église a selon lui totalement échoué, et n’a fait qu’éloigner l’homme de l’Évangile. Ces quelques lignes de son Journal datées du 13 juin 1932 sont très parlantes en ce sens : « Mais communiste, de cœur aussi bien que d’esprit, je l’ai toujours été, même en étant chrétien. Et c’est bien pourquoi j’eus du mal à séparer l’un de l’autre et plus encore à les opposer. Il a fallu gens et événements pour m’instruire2. » Ces propos de la plume d’un auteur qui se revendique communiste sont pour le moins inattendus, la religion étant formellement bannie par Moscou. Gide connaissait-il la répression envers le clergé qui avait été initié dès les premiers mois de prise de pouvoir par Lénine ? Il est à se demander si ce n’est pas à ces meurtres des prêtres que font allusion les lignes qui suivent :
Définitivement déçu par le christianisme, j’adhère à ce vaste mouvement qui du moins tend à créer un monde plus semblable à celui que souhaitait le Christ que le monde chrétien. Et pour cela j’accepte le sang versé, bien que le Christ ne l’acceptât point, parce qu’il n’y a pas moyen de faire autrement3.
    À noter également que Karl Marx écrivait en 1843 que « le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple4 ». L’auteur du Capital n’entendait pas le terme « religion » uniquement au sens clérical, mais dans son intégralité, c’est-à-dire au sens spirituel et de croyance qui, selon Gide, « habite tous les hommes ». Cependant le tout nouvel engagé dans la voie communiste semble loin de la perception de cette réalité politique : « J’ai écrit et je pense profondément que si le christianisme s’était imposé, si l’on avait accepté l’enseignement du Christ, tel quel, il ne serait pas question aujourd’hui de communisme. Il n’y aurait même pas de question sociale5. »

    Mais la question n’est jamais approfondie, seul le mythe d’un communisme évangélique revient constamment. Il voit dans le communisme l’idée de communauté : « Véhiculé par la tradition chrétienne, le terme renvoie à un univers social où les activités des individus sont organisées en fonction d’un bien commun, tiré de la volonté divine et du sacrifice du Christ6. » Aussi, Gide se focalise sur un communisme qui, grâce à l’éducation, à la culture et au partage, devrait amener l’homme à devenir meilleur et à se détacher de son égoïsme. Dès 1932, Nicolas Berdiaeff7 écrivait que :
Pour le chrétien, le communisme devrait avoir une signification toute particulière : il est le témoignage du devoir non rempli, de la tâche irréalisée du christianisme. Le communisme, et en théorie et en pratique, est aussi une manifestation d’ordre spirituel et religieux8.
En réaction à cet article, Gide écrivait dans son Journal : « Je le lis avec un contentement et un soulagement des plus vifs9. »

    Il importe également de prendre en compte la question du salut chez Gide, question d’origine exclusivement chrétienne. De la réflexion sur le salut individuel, l’auteur semble être passé à celle sur le salut de tous, ce qui l’a probablement également amené sur la voie communiste, qui se targue à son tour de bâtir l’homme nouveau. Il voit dans la révolution, comme l’écrit François Furet, « une manière de réinvestir les ambitions de la religion dans la politique, puisque la révolution elle aussi est une quête du salut10. » Mais ainsi l’auteur s’engage-t-il sur un chemin qui lui est complètement étranger, et sur lequel il ne trouvera finalement pas plus de satisfaction que sur la voie du catholicisme pour laquelle il éprouve une haine incommensurable. En tant que nouvel engagé politique non prévenu, « la porte communiste où il entre est bien [selon Albert Thibaudet] une porte étroite, plus étroite peut-être que la porte chrétienne de Ghéon11 ».


    Selon Gide, si l’Église n’avait pas échoué dans son rôle de communication des valeurs chrétiennes, le communisme n’aurait pas lieu d’être. Il pense en effet que l’Église moderne est synonyme de capitalisme et de nationalisme. Il y voit une institution ayant modifié l’enseignement de l’Évangile, et de laquelle il faut se délivrer. Héritier de Voltaire, pour qui l’éloignement de l’Église était, dans une certaine mesure, un retour au Christ, il écrit dans ses « Feuillets » de 1933 :
Mais l’Église a si bien lié partie avec les pires forces du monde, les plus essentiellement antichrétiennes : je veux dire celles auxquelles l’enseignement du Christ est le plus opposé : capitalisme, nationalisme, impérialisme, armée, que l’on ne pourra plus aujourd’hui se délivrer de ces forces affreuses qu’en repoussant la religion du même coup12.
    Jean Saillenfest explique que, « selon M. Gide, l’Église a failli à sa tâche en enseignant la patience et la soumission, car elle a facilité le triomphe de forces affreuses comme le capitalisme, qui n’a trouvé devant lui que des esclaves prêts à subir son joug13 ». Le communisme serait donc le successeur de la transmission des valeurs de l’Évangile, là où l’Église a échoué, et marquerait une opposition tant au capitalisme et à l’inégalité qu’il engendre, qu’aux dérives des enseignements ecclésiastiques : « La société chrétienne a peut-être existé au Moyen-Âge. Quand on songe à l’enseignement du Christ et qu’on voit ce qu’en a fait le monde moderne, on est navré14. » Cette apparition du croyant anticlérical est remarquée par ses contemporains :
Dans un article paru à la N.R.F. (N.R.F., 1er mai 1933, Feuillets), M. André Gide essaye une fois de plus de justifier son adhésion au communisme. […] L’Enseignement même du Christ est, selon M. Gide, hors de cause : il critique seulement les interprétations qu'en ont données d'un côté l'Église, de l'autre le protestantisme. […] La parole du Christ avait ouvert d’immenses horizons et M. Gide avoue qu’il a cherché « pour des raisons sentimentales » à concilier le christianisme et le communisme15.
    Les valeurs du communisme apparaissent à Gide comme un possible relais du christianisme. Selon Frank Lestringant, « le communisme lui offrait un cadre de substitution, mais c’était bien le même idéal qu’il poursuivait sous ce nouvel étendard16 ». Quant à Jean Saillenfest, il pense qu’« il est aussi illogique que possible de vouloir faire un rapprochement entre deux ordres appartenant à des domaines différents. Le communisme est une discipline sociale fondée sur un postulat matérialiste, et le christianisme est une doctrine d’ordre spirituel17 ».

    Gide ne se place pas ici en politique mais en homme de cœur à la recherche de valeurs morales perdues et trahies par une institution. Selon Daniel Gallois, « mieux qu’une doctrine politique18 », le communisme représente pour Gide une religion. Dès lors, la doctrine communiste devient à ses yeux la religion de la raison, de la culture et de l’instruction, dénuée de toute superstition nuisible à l’esprit, et capable de réhabiliter les valeurs en lesquelles il a foi : « Je consens que le communisme soit une religion ; mais l’important c’est que ce soit une religion raisonnable, raisonnée, apprise et non point révélée. Tout est là19. »


    En essayant de se défendre face aux critiques portées à son engagement, Gide s’éloigne, encore malgré lui, de la doctrine communiste. Il en est de même lorsqu’il rapproche l’enseignement des textes de l’Évangile et la révolution :
Il était loisible aux marxistes de ne s’attacher ici qu’à l’histoire, […] de considérer tout humainement et critiquement un enseignement qui, tout de même, apportait au monde une espérance nouvelle et le plus extraordinaire ferment révolutionnaire qui se pût alors20.
Que penserait le Parti de Staline de ces paroles ? Ce discours semble bien loin de l’attitude recommandée par les dirigeants politiques. Jean Loisy, après avoir expliqué que Gide voit dans le catholicisme « une hideuse transformation du christianisme21 », écrit également en ce sens :
[…] le communisme s’en prend au christianisme lui-même, comme à tout spiritualisme, et cela aurait pu retenir Gide, si les restes de son propre christianisme n’étaient devenus si particuliers que des mesures gouvernementales ne sauraient les atteindre22.
    Cette nouvelle religion de la raison telle que la décrit Gide, contribue à la construction de l’homme nouveau que le christianisme n’est plus capable d’engendrer : « Quant à l’arrêt que la religion peut apporter au développement de l’esprit, quant au pli qu’y peut imprimer la croyance, je les connais de reste et pense qu’il était bon de libérer de tout cela l’homme nouveau23» Croyant sincère, et qui s’applique à toujours distinguer l’enseignement que contient les textes de l’Évangile de ses applications par l’Église, Gide déclare dans son Journal, le 13 juin 1932, n’éprouver aucune crainte face à une lutte anti-religieuse, et répond à ses opposants que leurs arguments restent bien infondés. La spiritualité qui mène l’homme à Dieu n’a, selon lui, rien de commun avec ce qu’impose la religion, et n’est donc pas vouée à disparaître :
L’athéisme seul peut pacifier le monde aujourd’hui. Cette volonté d’athéisme des Soviets, cependant, est ce qui soulève le plus contre eux certains esprits vraiment croyants. […] Que ces esprits pieux ne se persuadent-ils qu’on ne peut jamais supprimer que de faux dieux ! Le besoin d’adoration habite au fond du cœur de l’homme24.
    À ces propos, Jean Dobelle répond qu’« il s’agit de savoir si le but des Soviets est bien uniquement de renverser les faux-dieux ou si, les ayant renversés, ils ne s’empresseront pas d’en élever de nouveaux25 ». Bien qu’il s’accorde à voir dans le communisme l’arrivée d’une nouvelle religion laïque, Gide ne dit pas mot de cette hypothèse et prône la dimension spirituelle mais raisonnée présente en chaque personne. L’idée que le Parti puisse être à l’origine d’une édification laïque de « Saint Staline » ne semble pas effleurer l’esprit de Gide, trop occupé par ses propres espérances. Pourtant, « les bolcheviks sont comme le clergé d’une idéocratie, et Staline devient le chef de ce clergé, destiné comme tel à être cru sur parole26 ». François Furet ajoute qu’ après la mort de Lénine et avec Staline au pouvoir, « le Parti est désormais un clergé réuni autour d’une Église, donc unanime comme elle27 ». Gide se résigne alors à approuver, de manière un peu naïve, la disparition de toute croyance religieuse en U.R.S.S. : « J’admets aussi que la superstition […] entretînt dans les campagnes et partout […] une crasse morale effroyable, et comprends qu’on ait éprouvé le besoin de vidanger une bonne fois tout cela28 […]. » Ce qui frappe à nouveau, c’est la contamination de Gide par un certain vocabulaire péjoratif, qu’utilise couramment Lénine et, sur ses traces, la propagande soviétique pour justifier la mise à mort et la répression de milliers de personnes : « crasse », « vidanger ». Mais il est probable qu’il y voit autant de métaphores, des termes un peu forts que tout discours pamphlétaire utilise, sans réaliser que ces termes sont utilisés au sens propre dans le pays sur lequel il projette tous ses espoirs. Sa compréhension du Capital restant très superficielle, et sa lecture loin de constituer les raisons de son engagement29, Gide ne connaît pas la langue communiste, qu’il attrape « au vol » au contact de ses nouveaux camarades.

    Rattrapé par ses valeurs et obsessions personnelles, son discours est empreint de paroles de l’Évangile. Dans son message envoyé au Ier Congrès des Écrivains Soviétiques qui s’était tenu à Moscou du 17 août au 1er septembre 1934, Gide reprenait les mots qu’il avait déjà prononcés le 29 mars 1900 lors de sa toute première conférence « De l’influence en littérature » à « La Libre esthétique » de Bruxelles  : « Tout véritable artiste30 n’a qu’un souci : devenir le plus humain possible ; disons mieux : devenir banal. […] Et, chose admirable, c’est ainsi qu’il devient le plus personnel31. » Il ajoutait également, bien qu’il ne le répéta pas dans son message  : « Tandis que celui qui fuit l’humanité pour lui-même, n’arrive qu’à devenir particulier, bizarre, défectueux32... » Selon Frank Lestringant, cette phrase s’inspire de ce verset de la Bible33 : « Celui qui veut sauver sa vie34 la perdra, et celui qui hait sa vie dans ce monde la conservera pour la vie éternelle35. » Lors de l’entretien à l’ « Union de la vérité » en janvier 1935, Gide confirme ses propos quant à un communisme évangélique : « Cela se rattache à ce que j’ai toujours pensé, toujours écrit ; cela se rattache aussi à la doctrine évangélique : ‘Qui veut sauver sa vie la perdra36’. » Il retrouve ainsi, à travers le communisme, la parole de l’Évangile en vue de l’épanouissement de l’individu.


    Cette contamination évangélique du langage de Gide se lit également dans son discours sur la place Rouge, prononcé à l’occasion des funérailles de Maxime Gorki37 le 20 juin 1936 lors de son arrivée en U.R.S.S.. Il y donne l’explication de son ralliement au communisme : la peur du nationalisme et du fascisme grandissant. L’U.R.S.S. apparaît ainsi comme la libératrice de l’humanité :
[…] des écrivains de tous les pays se sont groupés dans le sentiment très net d’un devoir urgent : oui la culture est menacée ; mais le péril n’est nullement du côté des forces révolutionnaires et libératrices ; il vient au contraire des partis qui tentent de subjuguer ces forces, de les briser, de mettre l’esprit même sous le boisseau. Ce qui menace la culture ce sont les fascismes, les nationalismes étroits et artificiels qui n’ont rien de commun avec le vrai patriotisme, l’amour profond de son pays. Ce qui menace la culture c’est la guerre à laquelle fatalement, nécessairement, ces nationalismes haineux conduisent38.
Apparaît dans ces propos, comme l’explique Lestringant, une allégorie de la parabole du Christ39 : Jésus recommande de ne pas allumer la lampe sous le boisseau, boisseau représentant le fascisme. Le Christ, quant à lui, est « la lumière du monde venue pour éclairer les hommes40 », comme l’U.R.S.S. le serait pour sauver la culture et servir ainsi de relais à la lumière de Jésus. Cette allusion aux Évangiles dans un discours antifasciste devant des camarades prônant un athéisme très strict, et à l’heure où Gide appelle à se rassembler autour de l’Union Soviétique est pour le moins surprenante, et constitue une touche révélatrice de la particularité du communisme gidien.


Les sources humanistes


    Le communisme en Union Soviétique doit, selon Gide, amener à une grande littérature, une littérature joyeuse, ainsi qu’à l’avenir de la culture : « Le sort de la culture est lié dans nos esprits au destin même de l’U.R.S.S.. Nous la défendrons41. » Par ces mots, l’auteur fait part de ses préoccupations principales : la réalisation morale de l’homme à travers la culture. C’est en ce sens que Jean Louverné écrit : « Tous, Montaigne ou Diderot, Gide ou Goethe, sont préoccupés du moralisme. Même lorsqu’ils s’intéressent à l’outil de l’homme, l’outil les intéresse moins que l’homme42. » Mais l’intérêt pour cette question morale amène Gide à reléguer au second plan les questions sociales, ainsi que les questions économiques et politiques, ce qui fait de lui un mauvais marxiste.


    L’humanisme de Montaigne n’est pas sans influence chez Gide qui a préfacé le tome I des Essais, mais a également publié en 1929 des Essais sur Montaigne. Montaigne apparaît comme le fervent représentant de l’individualisme. Sa philosophie, qui est celle de l’accommodement au monde, et non celle de la rébellion, s’accorde désormais assez mal avec le nouvel engagement de l’auteur, qui va donc se détacher de l’écrivain humaniste, mais sans pour autant le rejeter complètement. Ainsi Gide écrit-il dans son Journal du 2 janvier 1935 :
Vous me demandez comment, dans mon esprit, j’accorde Montaigne et Lénine ? Il ne s’agit point de les marier ; l’un succède à l’autre. « Le mol et doux oreiller43 » n’est plus là pour « reposer une tête bien faite » et il ne s’agit plus de repos. On prend honte, comme on prend honte d’être dans la barque lorsque, autour de soi, d’autres se noient44.
    L’élite sociale et l’accommodation au monde que représente Montaigne devient incompatible avec la dimension prolétarienne et révolutionnaire dans le tournant de l’engagement gidien au début des années 1930. De plus, l’humaniste du XVIe siècle n’a jamais été tendu vers l’égalité, mais au contraire vers la culture poussée au niveau le plus haut, et donc accessible qu’à un groupe sélectif d’intellectuels. Gide lui reste cependant attaché, et prolonge sa volonté de peindre l’individu sous toutes ses formes, en explorant sa complexité. De même, l’idéal de réalisation de l’homme par la culture se réclame de Montaigne, même s’il est étonnant de voir Gide attribuer à Lénine cette même aspiration.

  Gide apparaît ainsi comme un humaniste au sens du XIXe siècle, où l’humanisme se présente comme la défense des valeurs humaines et de sa culture. Le terme « humanisme » est à comprendre dans le sens où l’utilise Proudhon, qui désigne un individu détaché de tout système économique ou politique, et qu’il définit en 1846 comme une « doctrine qui prend pour fin la personne humaine45 ». Gide y voit lui aussi une façon pour l’esprit de se développer de manière critique dans le contexte de révolte envers la bourgeoisie notamment.


    Une des premières choses devant laquelle Gide s’émerveille à son arrivée en U.R.S.S., ce sont les « parcs de culture », comparés à des « Luna-Park ». Il semble nous énumérer les éléments d’une nouvelle culture. À y regarder de près, ses descriptions évoquent moins une «grande » culture qu’une grande foire. L’écriture exaltée ne peut dissimuler le fait qu’il n’évoque que très peu la culture proprement dite, en survolant les éléments au sein d’une parenthèse :
Le public, en plus des enfants, est presque uniquement composé d’ouvriers qui viennent là s’entraîner au sports, se reposer, s’amuser ou s’instruire (car il y a aussi des salles de lecture, de conférences, des cinémas, des bibliothèques, etc46...).
L’amusement s’associe à l’instruction, et l’utilisation du « etc. » permet à Gide de montrer au lecteur que les activités sont bien trop nombreuses pour pouvoir toutes les énumérer. Sous le charme de la culture soviétique, l’auteur exprime de l’admiration. Le verbe « instruire » est néanmoins placé en dernière position, l’écrivain n’ayant pas, à son grand regret, d’éléments pour l’étayer. Mais Gide regarde surtout le public, « presque uniquement composé d’ouvriers », car il veut croire en la soif de connaissance de tous les membres de la société. De la même façon, il décrit les conférences populaires avec le plus grand sérieux :
Et, de-ci, de-là, dans cet immense parc, de minuscules estrades où pérore un professeur improvisé : ce sont des leçons de choses, d’histoire ou de géographie avec tableaux à l’appui ; ou même de médecine pratique, de physiologie, avec grand renfort de planches anatomiques, etc47.
Quoique l’emploi du groupe nominal « un professeur improvisé » fasse davantage penser à un « marchand de savoir » qui enseigne tout sans la moindre connaissance qu’à un savant, l’enthousiasme de l’auteur devant ce qu’il voit comme un accès à la culture est manifeste. Tant pis si les « minuscules estrades » introduisent un élément comique involontaire, qui met en question le sérieux des conférences improvisées...


    Le même aveuglement volontaire se lit dans une autre scène : celle d’un théâtre où sont présents « quelques 500 auditeurs (pas une place vide) », qui « […] écoutent, dans un silence religieux, un acteur réciter du Pouchkine (un chant d’Eugène Onéguine48) ». La parenthèse précisant « pas une place vide » marque la volonté de l’auteur de montrer l’intérêt du peuple pour la culture, tout comme l’emploi de l’expression « dans un silence religieux ». Les justes du paradis soviétique communient dans la beauté littéraire avec un sérieux sur les causes duquel le lecteur ne manque de s’interroger : admiration pour Pouchkine ou paralysie dans une salle exposée à tous les regards du N.K.V.D. ? Mais Gide humaniste est séduit par l’hommage au poète et décide de ne rien voir au-delà, de ne se poser aucune question.


    L’intellectuel est admiratif de l’attention des gens, et à force de regarder le public, il oublie de s’interroger sur la qualité du spectacle :
Dans cette foule de jeunes gens, hommes et femmes, partout le sérieux, la décence ; pas le moindre soupçon de rigolade bête ou vulgaire, de gaudriole, de grivoiserie, ni même de flirt. […] Tout cela, je le répète, sans la moindre vulgarité49 […].
    Il en est de même lorsqu’il répète encore que tout le monde est attentif, ce qui pour lui constitue la marque d’un grand respect envers la culture et une marque de progrès, d’espoir pour l’instruction. Il veut voir chez le peuple le goût, l’envie d’apprendre : « On écoute avec un grand sérieux. Je l’ai dit, je n’ai surpris nulle part le moindre essai de moquerie50. » La note de bas de page, remarque de son ami « X », met l’accent sur le fait que l’absence de moquerie peut être le signe d’absence d’esprit critique. Cependant, cette observation n’altère pas la foi de Gide en un peuple devenu cultivé.


    Lors de son discours sur la place Rouge pour les funérailles de Maxime Gorki, Gide le décrit, sous le regard de Staline, comme un guide intellectuel pour le peuple, alors que l’écrivain russe était devenu, depuis son retour d’exil, le principal propagandiste du Parti51 : « Je ne pouvais me lasser de contempler cette quantité de femmes, d’enfants, de travailleurs de toute sorte dont Maxime Gorki avait été le porte-parole et l’ami52. » De plus, Gide ne cite ici que ceux qui, selon lui, ne vont ou ne peuvent pas écrire mais dont la parole doit être portée par les intellectuels, intellectuels qu’il ne cite étonnement pas, les littérateurs qui, logiquement, devraient être présents pour pleurer un des leurs.


Gide prononçant l'éloge funèbre de Gorki sur la place Rouge à Moscou,
aux côtés de Molotov et de Staline, 20 juin 1936.


    L’auteur attribue aux politiques soviétiques ses propres motivations, son engagement personnel en vue de l’avènement d’une culture humaniste. De même écrit-il en appendice de son Retour de l’U.R.S.S. :
De même que, par-dessus les intérêts particuliers de chaque peuple, un grand besoin commun fait communier entre elles les classes prolétariennes de tous les pays, par-dessus chaque littérature nationale s’épanouit une culture faite de ce qu’il y a de vraiment vivant et d’humain dans les littératures particulières de chaque pays : « Nationale dans la forme, socialiste dans le fond » ainsi que le disait Staline53.
Gide apparaît, par ces propos, comme un véritable camarade, en apposant le mot d’ordre de Staline « nationale dans la forme, socialiste dans le fond » à ses propres aspirations culturelles.


    La question qui se pose alors est celle de la compatibilité entre la doctrine et les motivations de l’auteur. Selon Herbart, ce discours de Gide du 20 juin 1936, à l’occasion des funérailles de Maxime Gorki, lui aurait été dicté, et rapporte ainsi ces propos que Mikhaïl Koltsov54 lui aurait dit :
Tâchez qu’il fourre là-dedans le courant et le contre-courant. Vous comprenez ? […] Mais si ! Vous savez : « Les artistes jusqu’à présent ont toujours nagé à contre courant. En U.R.S.S., grâce à la révolution, ils doivent maintenant nager avec le courant. » Ça plaira beaucoup au vieux55.
    Dans ce discours qu’il livre en appendice du Retour, Gide donne à l’écrivain officiel du Parti une dimension universelle, celle de la grande culture :
La mort de Maxime Gorki n’assombrit pas seulement les États Soviétiques, mais le monde entier. […] Aussi n’ai-je pas à exprimer ici seulement ma douleur personnelle, mais celle des lettres françaises, celle de la culture européenne, de la culture de tout l’univers56.
La gradation de ses propos, qui partent de son émotion personnelle pour conduire à celle de tout l’univers, témoigne encore une fois de l’investissement culturel de l’auteur dans son attachement à l’U.R.S.S., qui est vue par Gide comme la terre culturelle par excellence.


    Gide n’évoque que de manière succincte les pénuries matérielles. S’il observe la vente de produits bas de gamme, il propose, en humaniste, une nouvelle voie pour leur amélioration : « Non, ce n’est plus d’une rivalité, mais bien d’une exigence à venir, développée progressivement par la culture, que dépend ici le progrès57. » L’État étant le seul producteur et vendeur et le communisme s’opposant à toute forme de capitalisme, il n’y a plus de concurrence. Ce n’est donc pas d’un intérêt économique que la volonté de se surpasser va venir, mais bien de l’élan culturel qui, selon l’esthète, va se développer de plus en plus, et donc développer le goût pour le raffinement dans la nourriture ou les objets.


    L’intellectuel-artiste et l’esthète prennent ainsi clairement le dessus. Selon Lucien Duran, « l’art restera toujours sa seule raison d’être58 ». Lorsque l’esthète n’est pas satisfait de ce qu’il observe, l’humaniste préfère ne pas s’y attarder. Ainsi, face à la laideur architecturale de Moscou, il préfère revenir à la contemplation de la foule : « Cessons de regarder les maisons, ce qui m’intéresse ici, c’est la foule59. » Dès 1935, l’auteur évoquait déjà l’U.R.S.S. comme une terre de communion artistique entre le littérateur et le lecteur :
L’U.R.S.S. nous offre actuellement un spectacle sans précédent, d’importance immense, inespérée, et j’ose ajouter : exemplaire. Celui d’un pays où l’écrivain peut entrer en communion directe avec ses lecteurs. Au lieu de voguer à contre-courant, comme nous sommes contraints de le faire, il n’a qu’à se laisser porter ; Il peut trouver, dans la réalité qui l’entoure, à la foi une inspiration, sa dictée et l’immédiat écho de son œuvre60.
    L’aspiration humaniste de Gide utilise la phraséologie et les concepts communistes pour s’exprimer, mais là aussi le décalage finit par apparaître. Lors de son discours prononcé sur la Place Rouge de Moscou pour les funérailles de Gorki, l’écrivain affirme : « La culture est demeurée longtemps l’apanage d’une classe privilégiée61. » Corrélativement, Gide, en accord avec ces propos de Ramon Fernandez, admire le communisme puisqu’il lui apparaît comme le modèle au sein duquel un échange culturel entre l’intellectuel et l’ouvrier peut avoir lieu : « L’ intellectuel a besoin de la classe ouvrière pour se connaître lui-même complètement. Et comme l’ouvrier a besoin de l’intellectuel pour se penser lui-même, il existe entre l’un et l’autre un vigoureux rapport de réciprocité62. » Apparaît, bien entendu, dans l’adhésion de Gide à un tel passage, toute la mauvaise conscience d’un écrivain auquel la doxa communiste a imposé une vue de soi comme produit d’une classe méprisable. Le voyage en U.R.S.S. est le moment de fantasmer un autre type de rapport au peuple que celui de l’écrivain élitiste produisant une culture pour un groupe socialement restreint. Mais les termes dans lesquels Gide et Fernandez conçoivent ce rapport (l’ouvrier et l’intellectuel se pensant réciproquement) témoignent d’un écart par rapport à la doctrine communiste, selon laquelle l’intellectuel n’a à « se penser » qu’en fonction des impératifs de la lutte des classes, tels qu’ils lui sont révélés par la direction du Parti, producteur d’une œuvre qui éclaire l’ouvrier sur ces impératifs et le rend plus apte à les embrasser.

    Gide partage donc le mythe d’une culture unique, produit « de luxe » auxquels seuls certains ont accès ou que seul un certain niveau dans la hiérarchie sociale rend concevable. Le 22 juin 1935, Gide évoque les privilèges de la classe bourgeoise en matière d’accès à la culture. La bourgeoisie, en plus de l’éducation qu’elle a reçue et des moyens financiers pour y accéder, dispose du temps nécessaire pour la réflexion, contrairement au prolétariat. Il oppose alors l’artifice de la littérature classique détachée de la réalité, à laquelle il voue néanmoins une grande admiration, à la littérature prolétarienne qui, selon lui, doit extraire la dimension factice et artificielle pour y placer le réel :
L’homme dont elles63 s’occupent est un être de loisir […]. Je ne viens nullement faire le procès de cette littérature, dont nul n’admire plus que moi les chefs d’œuvre. […] Mais tous les acteurs de ces tragédies sont des êtres privilégiés. […] L’art, en quittant le contact avec la réalité, avec la vie, devient vite artifice. […] C’est toujours par la base, par le peuple, qu’une littérature reprend force et se renouvelle. […] Ce qui réinfuse la vigueur de nos lettres française, au XVIIIe siècle, qui en avaient grand besoin, ce n’est pas Montesquieu, ce n’est même pas Voltaire, malgré tout leur génie ; non, ce sont des roturiers, des plébéiens. C’est Jean-Jacques ; c’est Diderot. […] le mouvement romantique ne combattit l’artifice du classicisme qu’en opposant au classicisme des œuvres plus factices encore. C’est aussi que, de tous les grands représentants de la nouvelle école, Lamartine, Musset, Vigny, Hugo lui-même, aucun n’était sorti du peuple et n’apportait, si je peux dire : du sang frais. […] Du reste, je le répète, je n’attaque nullement cette culture : si factice qu’elle puisse être, elle a produit des œuvres admirables. […] Mais je dis que c’est, non point en prolongement, mais en opposition à cette culture passée, que la littérature, la culture, la civilisation, peuvent aujourd’hui se développer et s’épanouir64.
Aussi met-il en avant la dimension prolétarienne du littérateur : le plébéien réussirait mieux à débarrasser la littérature de ses artifices et serait aussi plus apte à peindre le réel. Cependant, Gide n’est ni un homme du peuple, ni un spécialiste du réalisme socialiste comme le prouve Robert ou l’Intérêt général et l’autocritique qu’il en fait. L’auteur cherche plutôt, par ces propos, à critiquer l’élite bourgeoise à laquelle il a honte d’appartenir. Néanmoins, s’il peut se consacrer à l’art et à la réflexion, c’est bien parce que sa condition sociale le lui permet, car selon Gide, « tant que l’on est occupé à vivre on ne trouve jamais le temps d’écrire65 ». Selon Jean Louverné, « Gide ‘s’excuse’ de sa fortune, et n’estime que la ‘permission’ qu’elle lui donne d’un travail ‘libre’ et ‘forcené66’ ».


    La « culture » est ainsi une sorte d’objet, dérobé de la jouissance commune par des classes dominantes qui entendent s’en réserver le monopole, comme elles le font à propos des biens de consommation les plus désirables. L’Union soviétique apparaît dès lors à l’écrivain comme une entreprise libératrice, puisque les biens culturels y sont, en principe, rendus libres d’accès à tous. De là, l’insistance sur les images de foules communiant dans les temples de la musique et du théâtre, comme celles citées plus haut. Mais le regard de Gide reste, bien entendu, superficiel, puisqu’il n’a aucune idée véritable de la composition sociologique des publics. C’est le symbole qui compte, et non la réalité.


    Tout comme les maîtres de l’U.R.S.S., Gide prône la construction de l’homme nouveau par l’éducation du peuple, mais pas exactement de la même manière. Le soviétisme tend à une éducation simple, accessible à tous, dans le but de façonner les esprits, pour mieux leur faire accepter le nouveau régime de Staline. Gide, au contraire, par ses aspirations humanistes, garde une haute opinion de la culture, et souhaite la rendre accessible au maximum de personnes en instruisant le peuple, et non par l’uniformisation de l’art. Comme l’écrit François Furet, « l’utopie d’un homme nouveau est antérieure au communisme soviétique67 ». Aussi, Gide semble plus proche de la conception de l’homme nouveau définie par Kant, que de celle de Marx et Engels :
L’homme ne devient homme que par l’éducation.[…] Peut-être l’éducation ne cessera-t-elle de se perfectionner ; peut-être chaque génération marquera-elle un progrès vers le perfectionnement de l’Humanité. Car c’est dans l’éducation que réside le grand secret du parachèvement de la nature humaine. Dorénavant, la voie est ouverte68. […] On ne doit pas seulement éduquer des enfants selon l’état présent de l’espèce humaine, mais d’après son état futur possible et meilleur, c'est-à-dire conformément à l’Idée de l’humanité et à sa destination totale69.
Kant voit dans l’humanité, des possibilités d’évolution infinies, par le biais de la culture et de l’éducation à travers le temps. L’homme nouveau que le communisme se targue de bâtir est lié, quant à lui, à l’idée d’une valeur finie : sa construction doit se faire uniquement au sein de la société communiste, celle-ci se définissant comme la détentrice du sens et de la vérité de l’histoire.


    Gide, lui, voit plutôt cette nouvelle culture collectiviste comme le respect de chaque particularité artistique dans l’objectif de réunir les hommes, afin d’échanger, partager, « communier » :
J’estime qu’il faut partir de ce point : c’est que cette culture que nous prétendons défendre est faite de l’addition des cultures particulières de chaque pays, que cette culture est notre bien commun, qu’elle nous est commune à tous, qu’elle est internationale70.
    Par ailleurs, il est, selon l’auteur, tout à fait naturel qu’une bonne œuvre d’art ne puisse s’adresser dans un premier temps qu’à quelques lecteurs avisés : « […] il ne sied point de honnir un écrivain qui ne s’adresse d’abord qu’à peu de lecteurs71 ». Gide ne veut pas communier avec le lecteur bourgeois jugé haïssable. Le désir de rupture par rapport à une dimension honnie de soi compte plus que l’observation de la réalité et, surtout, que la compréhension des véritables aspirations du communisme :
Les applaudissements, je ne m’en souciais guère, ils n’eussent pu me venir que de cette classe bourgeoise dont j’étais sorti moi-même et dont, il est vrai, je faisais encore partie, mais que je tenais en grand mépris, précisément parce que je la connaissais bien, et contre laquelle tout ce que je sentais en moi de meilleur me soulevait72.
   Cependant, il ne pense pas non plus vraiment communier artistiquement avec le peuple qu’il n’estime pas encore assez instruit. Ainsi pense-t-il le rapport intellectuel-ouvrier comme celui de maître-élève, et espère que l’homme nouveau qui résultera de l’instruction deviendra l’homme de culture capable de le comprendre :
Communier avec sa classe, pour l’écrivain bourgeois, impossible. Communier avec le peuple... Eh bien, je dis que c’est impossible également, tant que le peuple n’est encore que ce qu’il est aujourd’hui, tant que le peuple n’est pas ce qu’il peut être, ce qu’il sera, si nous l’aidons. Il ne reste possible que de s’adresser au lecteur inconnu, futur, et d’être certain de l’atteindre dès que l’on atteint en soi-même ce que l’on sent de plus profondément et irréductiblement humain73.
    Dans l’appendice du Retour, l’écrivain transcrit son discours sur l’art et la culture qu’il avait préparé pour une assemblée de littérateurs et d’étudiants de Leningrad (mais qu’il n’a pas eu le droit de prononcer...). Il y posait les bases de ce qui fait, selon lui, la grandeur d’un écrivain. Théoricien de l’art, Gide parle du plus profond de ses convictions, sans réaliser à quel point elles sont contraires à l’esprit comme à la lettre du communisme : « Ce que la révolution triomphante peut et doit offrir à l’artiste, c’est avant tout la liberté. Sans elle, l’art perd signification et valeur74. » 


    Une dernière raison de la faiblesse de Gide pour l’U.R.S.S. est liée au sentiment de ne pas être compris en France et de l’être chaleureusement en Union soviétique. Chez lui, le public ne le comprend pas, voire le rejette. Gide rêve alors d’une nouvelle classe de lecteurs, capable de le comprendre. Dès lors, il est pris d’un immense bonheur en se sachant lu en U.R.S.S., pays de l’avenir culturel à ses yeux :
Camarades, représentants de la jeunesse soviétique je voudrais que vous compreniez pourquoi mon émotion est si vive de me trouver parmi vous. […] Mon mérite est d’avoir su vous attendre. […] À présent vous êtes là et votre accueil compense amplement le long silence, la solitude et l’incompréhension parmi laquelle j’ai vécu d’abord. Oui, vraiment, je considère votre sympathie comme la vraie récompense75
Aussi, Gide aurait-il rapporté ces propos à Tolstoï, publiés dans la Pravda en 1935 :
J’ai passé trente ans dans mon cabinet comme dans un désert. Je ne pouvais plus écrire pour moi-même, l’un de mes livres n’a été vendu qu’à cent soixante-quinze exemplaires en quinze ans... Je suis sorti à la recherche de lecteurs et je me suis aperçu soudain qu’on avait besoin de moi, que mille mains se tendaient vers moi76.
Son engagement est donc également lié à la déception quant à la réception de son œuvre, qu’il considère comme insuffisante par le public français, pas encore prêt à le comprendre. Le communisme de Gide s’avère ainsi le fruit d’une série de tropismes d’écrivain, y compris d’un romantisme de « poète maudit », et non pas le résultat d’une adhésion profonde à la vision de l’histoire et à la philosophie marxistes.


Le goût pour la culture russe


    Un autre point où l’on voit la distance de Gide avec le communisme, c’est dans le rapport à la nation qu’il visite, qui est à ses yeux autant russe que soviétique. L’auteur parle le plus souvent du « peuple en U.R.S.S. », cependant, cette convivialité, cette hospitalité et ces liens chaleureux qui se tissent rapidement entre les hommes sont-ils réellement le résultat de l’instauration du régime soviétique ? Le peuple russe n’était-il pas aussi convivial avant la Révolution ? Gide n’en dit pas mot, et verse le tout au crédit du soviétisme, comme transformation de la nature humaine. Cependant, à Leningrad/Saint-Pétersbourg, il s’empresse de visiter le musée installé dans la maison des tsars : « Je ne suis guère en humeur de parler du prodigieux musée de l’Ermitage ; tout ce que j’en pourrais dire me paraîtrait insuffisant77. » Gide ne s’étend pas sur cette description, laissant le lecteur dans un léger flou : veut-il parler des nouvelles réalisations soviétiques au sein de l’Ermitage, ou ramène-t-il les réalisations russes du passé à des réalisations soviétiques ?

    Son attachement pour l’art populaire, donc pré-soviétique, l’amène de nouveau à exprimer une sorte de réserve, notamment par rapport à ses paroles78 énoncées un an plus tôt le 22 juin lors du Ier Congrès des Écrivains pour la défense de la culture, et à témoigner, de fait, de la pression unificatrice de la culture d’État, malgré l’empressement avec lequel il affirme qu’il ne s’agit là que d’une erreur du passé :
Chaque État soviétique avait son art populaire ; qu’est-il devenu ? Une grande tendance égalitaire refusa durant longtemps d’en tenir compte. Mais ces arts régionaux reviennent en faveur et maintenant on les protège, on les restaure, on semble comprendre leur irremplaçable valeur79.
    Il semble également attacher plus d’importance à l’art de l’ancien régime qu’à celui produit pendant la période soviétique :
N’appartiendrait-il pas à une direction intelligente de se ressaisir d’anciens modèles, pour l’impression de tissus par exemple, et de les imposer, de les offrir du moins, au public. Rien de plus bêtement bourgeois, petit-bourgeois, que les productions d’aujourd’hui80.
Gide qualifie de « petit-bourgeois » l’art soviétique et d’une « irremplaçable valeur » l’art populaire. C’est néanmoins précisément cet ancien art populaire que l’U.R.S.S. fait interdire au profit d’un nouvel art dicté par le Parti.

    Dans son discours aux gens de lettres de Leningrad, l’auteur évoque de manière exaltée des auteurs russes qu’il a lus et aimés, et leur donne une dimension presque mystique et spirituelle. Il les décrit comme les producteurs d’une littérature de la connaissance et de l’exploration de l’âme humaine :
Gogol, Tourgueniev, Dostoïevski, Pouchkine, Tolstoï, puis plus tard Sologoub, Chtchedrine, Tchekov, Gorki, pour ne nommer ici que des morts, avec quelle passion je les ai lus et je puis dire : avec quelle reconnaissance, car ils m’apportaient, avec un art des plus particuliers, les plus surprenantes révélations sur l’homme en général, et sur moi-même, prospectant des régions de l’âme que les autres littérateurs avaient laissées inexplorées, me semblait-il, et s’emparant tout d’un coup, avec délicatesse, avec force et avec cette indiscrétion qui permet l’amour, du plus profond de l’être, de ce qu’il y a de plus spécial et de plus authentiquement humain à la fois. J’ai travaillé de mon mieux et constamment à faire connaître en France et à faire aimer la littérature russe du passé et celle de l’U.R.S.S. actuelle81.
    Les auteurs russes du passé, notamment du XIXe siècle, sont longuement énumérés, contrairement aux contemporains soviétiques, à l’exception de Gorki82. Pourtant, lire Dostoïevski en 1936 était loin d’être conseillé... C’est en effet l’âme humaine, l’individu, en dehors des contraintes de la société que l’auteur russe à choisi de peindre et d’explorer, telles que les questions de la foi et de la moralité, et non le réalisme social. L’auteur des Frères Karamazov83 représente donc pour le Parti une littérature individualiste de laquelle il faut se défaire. En 1934, Jean-Pierre Maxence rapporte ces propos d’Anatoli Lounatcharski84 :
Pour la partie saine de notre société, et avant tout pour le prolétariat, Dostoïevski est intéressant comme écrivain génial représentatif d’une période de notre histoire. À notre époque, seule la partie des petits-bourgeois et des intellectuels qui n’acceptent pas la révolution et qui s’agitent convulsivement devant l’offensive du socialisme peut aimer Dostoïevski comme son écrivain85.
Ainsi Gide se trouve-t-il à l’opposé de ce que recommande le Parti, et appartient, à en croire Lounatcharski, aux intellectuels petit-bourgeois contre-révolutionnaires. Mais l’écrivain semble tout ignorer de ces interdits et de la différence entre Russes et Soviétiques.

     Il en est de même dans son discours prononcé pour les funérailles de Gorki le 20 juin : l’écrivain établit un parallèle entre une littérature qui serait sans doute qualifiée d’individualiste et de « petit-bourgeoise » par le Parti, et celle du nouveau propagandiste Maxime Gorki. Le littérateur verse au crédit de la cause qu’il défend le plus d’éléments qu’il puisse trouver, et, pour ce faire, ne fait plus la différence entre monde soviétique et ancienne société russe :
J’ai souvent écrit que c’est en étant le plus particulier qu’un écrivain atteint l’intérêt le plus général, parce que c’est en se montrant le plus personnel qu’il se révèle, par là même, le plus humain. Aucun écrivain russe n’a été plus russe que Maxime Gorki. Aucun écrivain russe n’a été plus universellement écouté86.
À noter que Gide emploie le terme de « russe » et non de « soviétique ». Ne veut-il pas ainsi parler de l’ancienne littérature de Gorki plus que de la nouvelle, à valeur propagandiste ? La conclusion de son discours sur la place Rouge peut paraître quelque peu naïve et mérite une analyse plus approfondie :
Maxime Gorki aura eu cette destinée irrégulière et glorieuse de rattacher au passé ce nouveau monde et de le lier avec l’avenir. Il a connu l’oppression d’avant-hier, la lutte tragique d’hier, il a puissamment aidé au triomphe calme et rayonnant d’aujourd’hui87.
En décryptant cette dernière phrase, en la replaçant dans le véritable contexte historique du cheminement culturel et littéraire de Gorki, le lecteur peut observer que les paroles de Gide ne sont pas si élogieux pour le soviétisme : « l’oppression d’avant hier » représente l’époque tsariste où l’intellectuel russe connut sa véritable heure de gloire par sa liberté d’esprit ; « la lutte tragique d’hier », la guerre civile menée par les bolcheviks et son exil qui s’ensuit pour l’Italie en 1921 ; le « triomphe calme et rayonnant d’aujourd’hui », son retour organisé par Staline et Boukharine. Dès lors, Gorki apparaît dépourvu de toute liberté critique, propagandiste pour le Parti. Son rôle n’est pas négligeable quant à la fascination du mythe soviétique qu’il renvoie chez les intellectuels. Ce « triomphe » dont parle Gide est en fait un conformisme à la « ligne » du parti, bien plus que le triomphe d’une littérature créative, d’un esprit libre d’opposition, dont rêve l’esthète français. Mais Gide n’approfondit pas et préfère rêver un glorieux destin à l’écrivain russe.

    Plusieurs fois, il se laisse aller à une évocation, de biais, d’une profondeur historique et culturelle. Son admiration envers la deuxième grande ville de l’U.R.S.S. est ainsi fondée plus sur les réalisations du passé que sur les nouveaux monuments du communisme :
De Leningrad j’ai peu vu les quartiers nouveaux. Ce que j’admire en Leningrad, c’est Saint-Pétersbourg. Je ne connais pas de ville plus belle ; pas de plus harmonieuses fiançailles de la pierre, du métal et de l’eau. On la dirait rêvée par Pouchkine ou par Baudelaire. Parfois aussi, elle rappelle des peintures de Chirico. Les monuments y sont de proportions parfaites, comme les thèmes dans une symphonie de Mozart. « Là, tout n’est qu’ordre et beauté. » L’esprit s’y meut avec aisance et joie88.
Ainsi Gide se laisse-t-il aller à la matérialisation de son rêve culturel : celle de « L’invitation au voyage » de Baudelaire, de certaines rues avec les paysages peints par Chirico, et de l’harmonie des monuments comme celle présente « dans une symphonie de Mozart ».


    Dans son éloge de l’hôtel de Sinop près de Soukhoum, il décrit la beauté et l’agencement du bâtiment de manière minutieuse. L’écrivain est à nouveau sensible à toute beauté qu’il peut observer et qui peut le conforter dans la perception béate qu’il a du nouveau monde :
Son admirable jardin date de l’ancien régime, mais le bâtiment même de l’hôtel est tout récemment construit ; très intelligemment aménagé ; de l’aspect extérieur et intérieur le plus heureux ; chaque chambre a sa salle de bains, sa terrasse particulière. Les ameublements son d’un goût parfait ; la cuisine y est excellente, une des meilleures que nous ayons goûté en U.R.S.S.89.
Aussi, Gide met en avant un héritage de l’ancien régime qu’il qualifie d’ « admirable », mais insiste, par une description détaillée, sur la beauté d’une construction soviétique. Il y associe également une de ses principales attentes en U.R.S.S., le bonheur de l’homme : « L’hôtel Sinop paraît un des lieux de ce monde où l’homme se trouve le plus près du bonheur90. »

    Dans son discours aux gens de lettres de Leningrad, il réitère son admiration pour la ville, pour son héritage historique, au détriment de Moscou, ville majeure de la construction soviétique. Il n’évoque que des souvenirs précédant la révolution, et bien qu’il note la valeur sentimentale de Moscou en tant qu’espoir du nouveau monde, il met le tout au crédit du soviétisme et se laisse aller à son exaltation d’esthète :
Le charme, la beauté, l’éloquence historique de Leningrad m’ont aussitôt séduit. Certes, Moscou présentait pour mon cœur et pour mon esprit un intérêt extrême et l’avenir (glorieux91) de l’U.R.S.S. s’y dessine avec puissance. Mais tandis qu’à Moscou je ne voyais se lever d’autres souvenirs que de conquête napoléonienne, vain effort suivi tout aussitôt ce désastre, à Leningrad maints édifices me rappellent ce qu’ont pu avoir de plus cordial et de plus fécondant les relations intellectuels entre la Russie et la France92.
Pierre Herbart, de retour à Moscou après la visite de Saint-Pétersbourg écrivait également : « Combien Moscou semble barbare à côté de tant d’ordre, de silence et de beauté93. »


    Gide poursuit dans l’évocation du passé, s’attarde à en vanter les mérites culturels et semble justifier ses propos par la nécessité de son souvenir dans l’avènement d’une nouvelle culture :
Je me plais à voir, dans ces relations du passé, dans cette émulation spirituelle de tout ce que la culture présentait alors de plus généreux, de plus universel, de plus neuf et de plus hardi, une sorte d’annonce, de préparation et d’inconsciente promesse ; oui, promesse de ce que doit réaliser de nos jours l’internationalisme révolutionnaire94.
L’homme de culture européen prend ainsi le pas sur le communiste fidèle à la ligne du Parti.






1Retour, Avant-propos, p. 749.
2André GideJournal, Tome II, op. cit., 13 juin 1932, p. 368.
3André Gide in Ramon Fernandez, « L’Évolution d’André Gide », Nouvelle Revue Française, volume 41, 1er juillet 1933, p. 133.
4Karl MarxContribution à la critique de la Philosophie du Droit de Hegel, Allia, 1998, p. 9.
5André GideLittérature engagée, op. cit., « André Gide et notre temps », p. 68-69.
6François FuretLe passé d’une illusionop. cit., p. 858.
7Philosophe russe, existentialiste chrétien et marxiste convaincu.
8Nicolas Berdiaeff, « Vérité et Mensonge du Communisme », Esprit, octobre 1932, n° 1, p. 105.
9André GideJournal, Tome II, op. cit., 4 janvier 1933, p. 393.
10François FuretLe passé d’une illusionop. cit., p. 545.
11Albert Thibaudet, « Réflexions. Conversions et Conclusions », La Nouvelle Revue Française, juin 1934, p. 1000.
12André GideJournal, Tome II, op. cit., « Feuillets », 1933, p. 441.
13Jean Saillenfest, « Les feuillets d’André Gide », La Revue du siècle, octobre 1933, inhttp://www.gidiana.net/comm193344.htm. [le 25/01/2013]
14André GideLittérature engagéeop. cit., « André Gide et notre temps », p. 68-69.
15Jean Saillenfest, « Les feuillets d’André Gide », art. cit.in http://www.gidiana.net/comm193344.htm.
16Frank LestringantAndré Gide l’inquiéteur, op. cit., p. 536.
17Jean Saillenfest, « Les feuillets d’André Gide », art. cit.in http://www.gidiana.net/comm193344.htm.
18Daniel Gallois, « La conversion de l’enfant prodigue », L’Action française, 24 novembre 1932, inhttp://www.gidiana.net/GideDetail1917.12.htm. [le 15/05/2013]
19André Gide, Littérature engagéeop. cit., « André Gide et notre temps », p.71.
20Retour, Appendice IV, p. 795.
21Jean Loisy, « Gide et le communisme », art. cit.inhttp://www.gidiana.net/articles/GideDetail1917.54.htm.
22Id.
23Retour, Appendice IV, p. 795.
24André GideJournal, Tome II, op. cit., 13 juin 1932, p. 367-368.
25Jean Dobelle, « La Faillite du spirituel. Un apôtre de l’U.R.S.S. », art. cit.in http://www.gidiana.net/GideDetail1917.8.htm.
26François FuretLe passé d’une illusionop. cit., p. 666.
27Id., p. 660.
28Retour, Appendice IV, p. 795-796.
29Il écrit d’ailleurs un an après son voyage dans ses « Feuillets » de l’été 1937 de son Journal : « Dans les écrits de Marx, j’étouffe. Il y manque quelque chose, je ne sais quel ozone, indispensable à la respiration de mon esprit. […] Je pense qu’une grande partie du prestige de Marx vient de ceci qu’il est difficilement abordable, de sorte que le marxisme comporte une initiation et n’est d’ordinaire connu qu’à travers des intercesseurs. C’est la messe en latin. » André GideJournal, Tome II, op. cit., p. 584-585.
30Gide disait en 1900 « Un grand homme ». André GideDe l’influence en littérature, Allia, 2010, p. 26.
31André Gide, Littérature engagée, « Message au Ier Congrès des Écrivains Soviétiques », p. 56.
32Frank LestringantAndré Gide l’inquiéteur, op. cit., p. 650.
33Id.
34Sa vie personnelle.
35Saint-Jean, XII, 25 in http://www.biblegateway.com/passage/?search=Jean+12&version=LSG. [le 09/06/2014]
36Frank LestringantAndré Gide l’inquiéteur, op. cit., p. 650.
37« Pierre Herbart, directeur de La Littérature internationale à Moscou en 1935-1936, écrit que ‘Gorki harcelait Staline de violentes protestations’, qu’il ‘était à bout et désirait parler à Gide à cœur ouvert’. […] C’est la maladie de Gorki qui le pousse à hâter son départ, qu’il fixe au 11 ou 12 juin. Mais le 11 juin, note la ‘petite dame’, ‘coup de téléphone d’Ehrenbourg... et coup de théâtre. Gorki n’est plus mourant […]. De plus on aimerait mieux que Gide n’arrive à Moscou que le 18.’ Étonnante  coïncidence de dates (Gorki mourra le 18) et étonnante logique : l’amélioration de la santé de Gorki, au lieu de servir de prétexte pour retarder le voyage de Gide, ne devrait-elle pas permettre au contraire aux deux écrivains de profiter de ce répit pour s’entretenir plus à loisir ?... » Gide arriva à Moscou le 17 juin après-midi. Sachant Gorki malade, il demande à le voir mais ce n’est que le lendemain qu’il sera conduit auprès de lui, trop tard.  Michel Niqueux pose la question de savoir si l’insistance de Gorki pour s’entretenir avec Gide n’a pas précipité sa mort. Il est en tout cas très probable que la date d’arrivée de Gide à Moscou ait été orchestrée par le Parti en raison des révélations qu’auraient pu lui faire Gorki. Cependant, Gide ne semble pas s’en inquiéter. Michel Niqueux, « La mort de Gorki : Témoignages et hypothèses », Cahiers du monde russe et soviétique, volume 29, n° 1, janvier-mars 1988, p. 86.
38Retour, Appendice I, p. 787-788.
39Saint-Matthieu, V, 15-16 : 15. « Et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. » 16. Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » in http://www.biblegateway.com/passage/?search=Matthieu+5&version=LSG. ; Saint-Luc, XI, 33-36 : 33. « Personne n’allume une lampe pour la mettre dans un lieu caché ou sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, afin que ceux qui entrent voient la lumière. » 34. « Ton œil est la lampe de ton corps. Lorsque ton œil est en bon état, tout ton corps est éclairé ; mais lorsque ton œil est en mauvais état, ton corps est dans les ténèbres. » 35. « Prends donc garde que la lumière qui est en toi ne soit ténèbres. » 36. « Si donc tout ton corps est éclairé, n’ayant aucune partie dans les ténèbres, il sera entièrement éclairé, comme lorsque la lampe t’éclaire de sa lumière. » inhttp://www.biblegateway.com/passage/?search=Luc+11&version=LSG. [le 09/06/2014]
40Frank LestringantAndré Gide l’inquiéteur, op. cit., p. 745.
41Retour, Appendice I, p. 788.
42Jean Louverné, « Conversion ? », art. cit., p. 641.
43Dans « De l’expérience », Montaigne parle de « doux et mol chevet » et non d’« oreiller ».
44André GideJournal, Tome II, op. cit., 2 janvier 1935, p. 484-485.
45Pierre-Joseph ProudhonSystème des contradictions économiques ou Philosophie de la misèrein Œuvres choisies, Gallimard, 1967, p. 243-244.
46Retour, Chapitre I, p. 755.
47Id.
48Retour, Chapitre I, p. 755.
49Id., p. 754-755.
50Ibid., p. 755.
51Malgré « le soutien que Gorki apporta à la politique stalinienne, dès son retour de 1928 », il ne manqua pas de manifester un certain recul vis-à-vis de la de celle-ci : « Gorki défend la satire, exige un travail de qualité de tous ses collaborateurs et sait parfois s’opposer à la censure. Surtout, il combat tenacement la mainmise des fonctionnaires sur la littérature. […] Dans le domaine politique, Gorki avait l’ambition d’amener Staline à une politique de modération et de « réconciliation avec le peuple » et les opposants bolcheviks. » Michel Niqueux, « La mort de Gorki : Témoignages et hypothèses », art. cit., p. 84.
52Retour, Appendice I, p. 788.
53Id., p. 788.
54Journaliste soviétique, il est l’envoyé spécial de Staline lors de la Guerre civile en Espagne.
55Pierre HerbartLa ligne de force, Gallimard, Folio, 1980, p. 114.
56Retour, Appendice I, p. 787.
57Retour,, Chapitre II, p. 763.
58Lucien Duran, « André Gide et l’U.R.S.S. », art. cit., p. 93.
59Retour, Chapitre II, p. 760.
60André Gide, Littérature engagéeop. cit., « Défense de la culture », p. 93.
61Retour, Appendice I, p. 788.
62Ramon Fernandez, « Lettre ouverte à André Gide », art. cit., p. 139.
63Gide se réfère ici aux tragédies de Racine.
64André Gide, Littérature engagéeop. cit., « Défense de la culture », p. 87-90.
65André GideJournalin Henry Poulaille, « Des hommes voudraient parler », Cahiers de littérature prolétarienne, mars 1936 in http://www.gidiana.net/articles/GideDetail2.1936.98.pdf. [le 10/03/2013]
66Jean Louverné, « Conversion ? », art. cit., p. 643.
67François FuretLe passé d’une illusionop. cit., p. 512.
68Emmanuel KantRéflexions sur l’Éducation, Vrin, 1984, p. 73-74.
69Id., p. 79-80.
70André GideLittérature engagéeop. cit., « Ier Congrès International des Écrivains pour la défense de la culture. Allocution d’ouverture », p. 84.
71Id., « Défense de la culture », p. 92.
72Retour, Appendice II, p. 790.
73André Gide, Littérature engagéeop. cit., « Défense de la culture », p. 93.
74Retour, Chapitre V, p. 784.
75Id., Appendice II, p. 790.
76« André Gide cherche des lecteurs », Candide, 8 août 1935, inhttp://www.gidiana.net/articles/GideDetail2.1935.88.pdf. [le 25/01/2013]
77Retour, Chapitre II, p. 760.
78« Et je n’admire rien tant en U.R.S.S., que ce grand souci de protection, de respect des particularités de chaque peuple, de chaque petit État compris dans la grande Union Soviétique ; respect de la langue, des mœurs, des coutumes, de la culture, particulières à chaque petit État. » André GideLittérature engagéeop. cit., « Défense de la culture », p. 86.
79Retour, Chapitre II, p. 763.
80Id.
81Ibid., Appendice III, p. 793.
82Gorki, écrivain russe hostile à Lénine et au bolchevisme, n’avait rejoint le régime qu’en partie au cours de la guerre civile, tout en préservant sa liberté critique, puis s’était retiré en Italie en 1921. Son retour en U.R.S.S. est organisé par le Parti en 1928. Dès lors, l’écrivain devient propagandiste du Parti et joue un rôle majeur quant à la propagation du mythe soviétique chez les intellectuels français tels que Gide.
83Roman publié de 1879 à 1880.
84Homme politique Russe bolchévique.
85Anatoli LounatcharskiLa littérature internationalein Jean-Pierre Maxence, « Deux marxistes devant Dostoïevski », Les Nouvelles Littéraires, 1934, in http://www.gidiana.net/articles/GideDetail1917.48.htm. [le 12/04/2013]
86Retour, Appendice I, p. 788.
87Retour, Appendice I, p. 789.
88Id., Chapitre II, p. 759-760.
89Retour, Chapitre III, p. 771.
90Id.
91Gide ajoute en note de bas de page : « On m’a fait comprendre qu’il convenait d’ajouter ici « glorieux ». »
92Retour, Appendice III , p. 792.
93Pierre HerbartEn U.R.S.S. 1936, Gallimard, coll. « Le Promeneur », 2008, p. 15.
94Retour, Appendice III, p. 792.