mardi 22 décembre 2020

Le Goût de Noël

     "Noël est, non pas seulement pour les chrétiens convaincus et pratiquants, mais aussi pour tous sans exception, l'une des fêtes principales de l'année, au même titre que la fête patronale."

Arnold Van Gennep, Manuel de folklore contemporain, Tome premier, 1958.

 
                 
 
    Le Goût de Noël, publié en 2015 aux éditions du Mercure de France, constitue un recueil de textes choisis et présentés par Sandrine Fillipetti, écrits par les plus grand auteurs, de diverses nationalités à différentes époques, sur la nuit de Noël.

     Organisé selon trois parties thématiques : "Mon beau sapin", "Ite Missa est" et "Minuit, chrétiens : l'heure du crime !", ce petit recueil d'extraits de textes littéraires, de Clément Marot à Truman Capote, en passant par Guy de Maupassant, Dostoïevski ou encore Selma Lagerlöf, offre au lecteur différents aspects de cette fameuse nuit du 24 décembre. Elle représente, pour les uns, des instants emprunts de souvenirs d'enfance et de magie, pour les autres, une mélancolie, une angoisse, tandis que certains laissent libre cours à leur imagination dans le registre du fantastique et que quelques-uns, tels Alphonse Allais, n'hésitent pas à livrer des histoires rocambolesques remplies d'humour.

    Ce petit recueil sur la thématique de Noël plonge le lecteur dans différentes atmosphères, joyeuses ou mélancoliques, émouvantes ou pleines d'humour, chrétiennes ou païennes, à travers les âges et les cultures. Ces différents textes offrent une jolie représentation de ce que Noël a pu inspirer à la littérature et, quelle que soit la vision de chacun de ces festivités, tout lecteur peut y trouver une sensibilité, une affection qui lui sera propre, à un instant de ces lectures, grâce à la grande diversité culturelle et stylistique qu'elles comportent.


    "Et cela constitue le plus grand des plaisirs de Noël. Rien ne peut surpasser le bonheur de se trouver là, avec dans les mains un livre plaisant reçu en cadeau de Noël, un livre que l'on n'avait jamais vu auparavant et que personne d'autre dans cette maison ne connaît non plus, et de savoir que l'on pourra en lire les pages l'une après l'autre, pour autant que l'on sache rester éveillé. Mais que faire durant la nuit de Noël si l'on n'a pas reçu de livre ?"

Selma Lagerlöf, Le Livre de Nöel, 1994 (publication posthume)

vendredi 11 décembre 2020

Jean-Louis Gabriel Benoit, Rue des rêves : les considérations d'un jeune agrégé thésard

   

 
 
    Rue des rêves, publié en mars 2017 aux éditions L'Harmattan, constitue le tome 2 de ce que l'on pourrait nommer une trilogie des aventures et considérations intellectuelles, personnelles, émotionnelles d'Albin, jeune homme en pleine quête de lui-même. Dans son premier roman, Le Petit chemin de Saint-Cloud ou L'année d'agreg, l'auteur relatait l'année de préparation à l'agrégation de philosophie du protagoniste à l'ENS de Saint-Cloud. La fin de ce premier tome s'achevait sur la réussite d'Albin au concours.

    Albin vit désormais entre Marseille, sa ville d'origine, chez son père, dans la cité Lyautey aux Baumettes, et Saint-Cloud, où il loge chez Hervé, son ancien cothurne et ami. Après l'année d'agreg, Rue des rêves est consacré à l'année de thèse du protagoniste. Ce jeune normalien agrégé de philosophie cherche sa voie. Et pour cause, lors du décès de sa mère, dans Le Petit chemin de Saint-cloud,  Albin avait eu une révélation spirituelle. Par ailleurs, il avait connu une déception amoureuse avec Aurélie. Suite à cette année riche en émotions personnelles et intellectuelles par ses nombreuses lectures, un travail acharné, la participation à différents débats avec ses camarades, ce jeune homme décide alors de faire une thèse qui n'est pas des plus communes pour un philosophe, puisqu'il décide de choisir la pluridisciplinarité envers laquelle ses camarades et son directeur de thèse le mettront en garde quant au risque d'un tel sujet néanmoins pour le plus intéressant. Albin commence donc une thèse qui s'intitulera Poétique du langage délirant, à l'Université de Paris 8, sous la direction du célèbre linguiste, Henri Meschonnic, qui reçoit son sujet avec beaucoup d'intérêt. Il est question pour Albin d'étudier le langage des malades mentaux. Pour ce faire, le jeune homme parvient à visiter un hôpital psychiatrique et à y rencontrer des malades. Il lit et relit Lacan avec beaucoup d'attention, mène des recherches en psychiatrie ainsi qu'en linguistique. 

    Outre ses recherches, Albin est également chargé de cours à la faculté de Lettres, afin de rendre service à un ami qui ne souhaitait pas effectuer d'heures supplémentaires. Le jeune thésard accepte alors de découvrir encore une autre discipline qui n'est pas la sienne : la littérature. Il décide de donner ses cours sur Paul Eluard, qu'il découvre et qu'il affectionne beaucoup.

    Lors de ses visites à l'hôpital psychiatrique en vue de ses recherches, Albin fait notamment la connaissance de Pénélope, jeune femme d'origine portugaise et de la communauté des gens du voyage, qui habite dans la cité de La Rouguière. Peu à peu, leurs échanges dépassent le plan professionnel puisqu'ils tombent amoureux l'un de l'autre. Mais pour Albin, ce n'est pas si simple : il est également amoureux de l'une de ses étudiantes, Madleen : "Cette fille équilibrée, belle, douée représentait un mirage de bonheur". Voilà le protagoniste tiraillé entre diverses disciplines intellectuelles et diverses amours. Ainsi le narrateur écrit-il  qu'Albin "dénonçait implicitement le vagabondage prôné par les surréalistes et lui, comme Eluard, passait d'un amour à l'autre. Il devait bien se l'avouer. Ces deux filles lui plaisaient et il leur plaisait aussi, il en était sûr. [...] les événements qui devraient se produire (adventura) il les imaginait guidés par la Providence, qui l'amènerait à trouver un sens à sa vie, à discerner, à choisir tout simplement, comme tout adulte doit savoir le faire." En effet, outre sa quête sentimentale et intellectuelle, Albin est, comme il a été évoqué plus haut, au cœur d'une véritable quête spirituelle qui est exposée tout au long du roman, et le jeune homme tente ainsi d'appliquer les valeurs religieuses qui lui sont chères.

    Ce deuxième roman de l'auteur, dont on comprend le titre lors du réveillon du nouvel an où Albin emmène avec lui Pénélope chez son ami Patrick qui demeure justement "rue des rêves", constitue un roman initiatique qui, tout comme Le Petit chemin de Saint-Cloud, est ponctué de nombreuses références littéraires, philosophiques et culturelles diverses, ce qui comporte un véritable intérêt, une curiosité, et l'apprentissage de maintes choses pour le lecteur. Les discussions avec Hervé et d'autres camarades se poursuivent et mènent le lecteur à une réflexion sur maintes sujets. L'autre fil conducteur du roman est l'amour, les sentiments amoureux du protagoniste. Pénélope, Madleen : deux filles charmantes mais différentes qui tourmentent le personnage et entre lesquelles il fera un choix à la fin du roman. Cet ouvrage constitue un intérêt intellectuel très riche avec les aventures d'un personnage touchant, attachant, toujours en construction et en quête d'identité.