Jean-Luc
Le Cleac’h, L’Hiver, saison de l’esprit : « Nos
lectures sont toujours des marqueurs temporels ».
« Un
espace limité qui contient le monde, c’est peut-être la meilleure
définition d’une soirée d’hiver ».
Jean-Luc
Le Cleac’h, auteur breton originaire de Concarneau et qui parcourt
l’Europe depuis trente-cinq ans emmène le lecteur, avec L'Hiver,
saison de l’esprit, publié en septembre 2021 aux éditions de
La Part commune, au cœur de ses pensées autour de la saison
hivernale : « Dans le silence de l’hiver, c’est là
que l’on entend le plus distinctement le cœur battant du monde ».
L’Hiver,
saison de l’esprit tend à une ode à l’hiver, prenant la forme
d’un essai à tendance philosophique, découpé en huit chapitres
thématiques.
Accepter
le changement des saisons, c’est aussi accepter le temps qui
passe : […] le passage des saisons, la rassurante rotondité
du temps que procure la répétition, le cycle des saisons, est venu
me délivrer de cette sensation mortifère d’une fuite inexorable
du temps ».
L’évocation
de la lumière et de l’obscurité est omniprésente :
«
L’hiver est une saison de peu de couleurs, qui tend parfois au noir
et blanc ».L’hiver, souvent associé à la grisaille et la
tristesse, est ici transformé en éloge, éloge du temps qui permet
de s’adonner à la lecture et à la réflexion, au coin du feu.
Aussi
cite-t-il Flaubert afin d’étayer ses propos :
« Voilà
l’hiver, la pluie tombe, mon feu brûle, voilà la saison des
longues heures renfermées. Vont venir les soirées silencieuses
passées à la lueur de la lampe à regarder le bois brûler et à
entendre le vent souffler. Adieu les larges clairs de lune sur les
gazons verts et les nuits bleues toutes mouchetées d’étoiles. »
(À Louise Collet, le 28 septembre 1846. Lettres à sa maîtresse,
Tome 1).
L’auteur
recourt à de nombreuses références historiques et littéraires
afin d’asseoir et de préciser ses pensées. L’ouvrage est
organisé selon différents chapitres tels que « Lumières
d’hiver » ou « Voyage en hiver ». Il défend
l’idée que l’hiver constitue la saison pendant laquelle il est
possible de prendre son temps. C’est aussi celle de la redécouverte
de la lecture et celle où il y a le moins d’obligations
extérieures :
« Si
la lecture évoque l’hiver, c’est sans doute aussi que toute
lecture agit comme un renforcement de notre intériorité ; dès
lors que nous passons plus de temps à l’intérieur de notre
domicile, les deux notions, nouent ainsi, presqu’à notre insu, des
liens subtils. »
Ainsi,
l’hiver permettrait une sorte de communion littéraire avec la
nature, loin du chaos de la société, et représenterait, à ce ce
titre, la saison de la tranquillité et donc de l’esprit :
« J’habite
l’hiver, lové dans les mots qui le décrivent, le constituent et
lui donnent corps. Je me sens bien dans la chaleur et la senteur du
bois sec qui brûle, et laisse sur les objets et les vêtements, une
odeur discrète, un léger parfum, qui est celui-là même de
l’hiver, mieux encore de l’idée d’hiver. ». Cette
idée est notamment omniprésente au sein du chapitre « L’hiver :
du temps pour soi… et pour les autres. »
L’omniprésence
de la nuit en hiver est ici loin d’être anxiogène, bien au
contraire. Ces propos de Michèle Perrot, extraits de Histoire de
Chambres, résument parfaitement l’idée que se fait l’auteur
des nuits hivernales : « Opposé au jour discipliné et
soumis, la nuit représente la liberté ».
Aussi
l’auteur exprime-t-il avec ses propres mots : « L’imaginaire
de la nuit… toutes ces sensations nées ou liées à l’absence de
lumière, et qui font que la nuit, toujours, est bien plus vaste que
le jour. La raréfaction de la lumière fait naître une profusion de
sensations, d’une étendue et d’une profondeur que le jour
pourrait à juste titre lui envier. » Il poursuit en écrivant
que « la nuit, l’hiver, se renforcent mutuellement l’un
l’autre. […] Toujours est-il que le desserrement des contraintes
sociales qui accompagne la venue du soir et de la nuit, se conjugue
dans ma perception avec les plages de temps libres qu’offre
généreusement l’hiver. »
Jean-Luc
Le Cleac’h parvient avec brio à emporter le lecteur avec lui dans
ses plus profondes pensées et réflexions. Chers lecteurs et chères
lectrices, si comme comme beaucoup, l’hiver est pour vous
interminable, triste et angoissant, lisez ce petit ouvrage qui vus
fera apprécier cette saison avec toutes les vertus cachées qu’elle
comporte et que l’auteur parvient à nous transmettre.