Publié en 1954, Le Livre de ma mère d'Albert Cohen a inspiré Valérie Timsit qui publie, en 2017, Elle était belle ma mère... De nombreuses similitudes se retrouvent dans les deux oeuvres bien que le sytle et la structure soient différents. Mais la thématique est omniprésente : le souvenir et les regrets de la mère décédée.
Elle était belle ma mère... se décline en 25 chapitres qui oscillent entre souvenirs, heureux ou malheureux, et poids de l'absence, toujours comme chez Cohen. Le narrateur évoque des souvenirs joyeux et écrit directement après que justement, il ne les vivra plus jamais. L'esprit divague joyeusement dans la nostalgie qui revient mélancoliquement à la réalité de l'absence. Valérie Timsit se plait à employer un style poétque avec musicalité, de nombreuses métaphores filées, ainsi que de nombreuses incises du substantif "ma mère", qui a pour effet l'accentuation du personnage dont le narrateur fait l'héroïne du roman. Albert Cohen avait déjà usé de ce style dans Le Livre de ma mère en 1954.
Chez Timsit, le narrateur ne parvient pas à faire son deuil : "Je ne veux plus me lever en portant sur moi le deuil de ma mère, en apprenant toutes les fois la nouvelle de sa disparition. [...] Elle aurait pu vivre de longues années encore, rester près de moi et me confier comme une merveilleuse prévenance, le livre de sa vie. [...] Je reste là, affligé par cette nouvelle frontière qui nous sépare, ce monde inconnu qui nous éloigne. Elle n'est plus un rêve, ma mère, sa mort est un cauchemar !".
Le Livre de ma mère d'Albert Cohen constitue sa troisième oeuvre après Solal en 1930 et Mangeclous en 1938. Selon lui, "pleurer sa mère, c'est pleurer son enfance." Le livre insiste beaucoup sur le regret de ne pas pas avoir été assez présent ou mal aimant envers la défunte : "Combien nous pouvons faire souffrir ceux qui nous aiment et quel affreux pouvoir de mal nous avons sur eux. Et comme nous faisons usage de ce pouvoir." Le narrateur se punit même de sa propre souffrance du deuil par culpabilité : "Vengé de moi-même, je me dis que c'est bien fait et que c'est juste que je souffre, moi qui ai fait, cette nuit-là, souffrir une maladroite sainte, qui ne savait pas qu'elle était une sainte." L'oeuvre est rongée par la culpabilité du narrateur par ses manquements auprès de sa mère, et ce deuil qu'il ne parvient pas à effectuer : "Le terrible des morts, c'est leurs gestes de vie dans notre mémoire. Car alors, ils vivent atrocement et nous n'y comprenons plus rien." L'idée de ne plus la revoir, de culpabiliser de l'avoir fait attendre de son vivant, tout comme chez Valérie Timsit est omniprésente : "Je suis seul maintenant et c'est à mon tour d'attendre sur le banc automnal de la vie, sous le vent froid qui gémit dans le crépuscule et soulève les feuilles mortes en néfastes tourbillons odeur d'anciennes chambres, à mon tour d'attendre ma mère qui ne vient pas, qui ne viendra plus au rendez-vous, qui ne viendra plus." L'idée de répétition de ne pas revenir à trois reprises consécutives montre bien les regrets et l'incapacité du narrateur à faire son deuil. "Fini, fini, plus de Maman, jamais. Nous sommes bien seuls tous les deux, toi dans ta terre, moi dans ma chambre." : la répétition est omniprésente, comme pour se convaincre de la réalité, mais d'une réalité de sentiment de solitude insoutenable de la disparition.
Albert Cohen livre ici une oeuvre des plus sincères et touchantes à laquelle le lecteur ne peut qu'adhérer, quel que soit son vécu.
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