lundi 6 avril 2020

Le communisme d'André Gide : une doctrine différente  - Un engagement sentimental, intellectuel, mystique


    Le communisme gidien est une doctrine émotionnelle investie par des sentiments. Gide a besoin de « s’abandonne[r] à l’amour de l’humanité, il a la volonté de changer les bases de la société1 ». Le besoin d’amour et de partage, résultant notamment de son mal être artistique, se conjugue à l’attachement culturel pour les textes évangéliques et à l’espoir de l’homme nouveau pour composer la doctrine gidienne.

Le besoin d’aimer


    L’œuvre de Gide témoigne d’un besoin inextinguible d’amour et d’amitié. Appelé en U.R.S.S. dans les termes les plus flatteurs, véritablement courtisé, il éprouve un élan de cœur envers ce qui lui apparaît comme une possibilité de trouver non pas une âme sœur, mais des milliers, tout un peuple avec lequel il peut se lier d’amitié. Dès lors, son communisme peut se comprendre autant comme une adhésion à une doctrine, que comme consonance avec une idée qui lui paraît constituer le liant d’une nation. Dans ce cas, il ne s’agit d’ailleurs pas de « comprendre » le communisme, d’identifier ses idées phares, mais d’adopter avec enthousiasme une étiquette qui semble concentrer l’essence de l’être aimé, en l’occurrence, le peuple russe/soviétique.

    À la différence d’autres voyageurs en U.R.S.S., dont l’admiration est suscitée, véritablement ou de façon mercenaire, par les réalisations matérielles que le régime met sous les yeux des visiteurs, Gide est surtout enthousiasmé par le bonheur et la rapidité des liens sociaux qui se créent, au sein d’une culture joyeuse. Selon Jean Amrouche, « ce qui le pousse, c’est ce même amour de la vie, cette humanité profonde2 [...] ». La richesse des contacts humains et l’harmonie des relations qui se tissent entre les Hommes sont en effet des thèmes récurrents du Retour. Ce « communisme de cœur » se lit dans la focalisation du regard de Gide sur le peuple, au détriment non seulement de la doctrine officielle, dont il a été question plus haut, mais également de la vie courante. Les soviétiques sont décrits systématiquement comme « admirables » : la récurrence de l’adjectif dit, en fait, que lui, Gide, les admire.

    Dès la première phrase de son récit, il insiste sur le caractère « direct3 » du contact avec les hommes. En évoquant les multiples lieux de son périple, il mentionne surtout les travailleurs qu’il rencontre, et qui lui procurent une « joie profonde4 ». Ce sont ces rapports humains, francs, directs, gais, qui lui paraissent les meilleurs et provoquent son exaltation : « J’ai senti parmi ces camarades nouveaux une fraternité subite s’établir, mon cœur se dilater, s’épanouir5. » Il insiste sur la rapidité des liens qui se créent entre les personnes, employant souvent les termes de « camarade » et de « fraternité subite ». Le choix de « camarade » n’est d’ailleurs pas innocent dans un contexte communiste : Gide n’emploie pas le terme dans le sens léniniste, puisqu’il ne vise pas à faire référence à une fraternité guerrière, mais le prend plutôt comme synonyme de « lien amical » très fort, et son emploi participe de ce fait à cette écriture de l’exaltation. Son style en devient presque lyrique, par endroits : « Et que de fois, là-bas, les larmes me sont venues aux yeux, par excès de joie, larmes de tendresse et d’amour6. » Il utilise l’énumération et la répétition comme procédés d’insistance sur son sentiment. Le mot « joie » est particulièrement présent dans son texte (rencontre associée à une « joie profonde », larmes « par excès de joie »). Ainsi, l’U.R.S.S. apparaît comme le pays où les relations humaines atteignent une plénitude paroxystique.

    Il utilise la même image lors de son « premier contact avec une bande de ‘Komsomols’ [...] dans le train qui [les] menait de Moscou à Ordjonikidzé (l’ancien Vladicaucase7) ». Le terme « contact » est de nouveau employé. Le voyageur n’est plus, cette fois-ci, aux premières impressions : il a déjà acquis un certain savoir à propos du pays qu’il visite, et s’attend au meilleur accueil. C’est pourquoi il provoque la rencontre : « Aux premiers arrêts, nous étions descendus sur le quai pour nous convaincre qu’une compagnie particulièrement plaisante occupait le wagon voisin8. » Son attente n’est pas déçue : les jeunes sont curieux et heureux de lui parler. Le Français invite, dès lors, ses nouvelles connaissances à venir passer la soirée dans son wagon ; elles feront les honneurs du pays, en interprétant des chants et des danses populaires. Pour Gide, c’est là un nouvel exemple de convivialité et de la rapidité avec laquelle se tisse le lien social avec le peuple d’U.R.S.S. :
Cette soirée restera pour mes compagnons et moi l’un des meilleurs souvenirs du voyage. Et nous doutions si dans quelque autre pays on peut connaître une aussi brusque et naturelle cordialité, si dans aucun autre pays la jeunesse est aussi charmante9.
Le superlatif absolu et l’interrogative indirecte associée à la répétition renforcent l’idée d’admiration. L’auteur, en s’adressant ici à la première personne du pluriel, semble vouloir légitimer son émerveillement et ses propos en les exposant au nom de l’ensemble de ses « compagnons de route », comme s’il souhaitait les présenter comme une vérité générale.

    Gide insiste sur le bonheur et la joie qu’il observe, qu’il associe à la simplicité et à la modestie, source de son admiration : « En U.R.S.S., le peuple est admirable [...]10. »  Il veut croire au caractère spontané des rencontres, à l’impréparation des hôtes, pour lire dans leur comportement uniquement une ouverture spontanée à l’Autre. Des différents lieux qu’il visite (écoles, jardins, campements), Gide éprouve une nette préférence pour ceux où il pense ne pas être annoncé : « Et ce sont ceux que j’ai le plus admirés, précisément parce que rien n’y était préparé pour la montre11. » Les foules criaient « Andrégid ! Andrégid ! » et les banderoles étendues à l’entrée des villes où étaient inscrites « À la gloire d’André Gide, le plus grand écrivain français » étaient en réalité préparées longtemps à l’avance, contrairement à ce que prétendait Herbart12. Ainsi, à propos de sa rencontre avec les mineurs de Donbass près de Sotchi, il écrit : «Non, non ! il n’y avait là rien de convenu, d’apprêté ; j’étais arrivé brusquement, un soir, sans être annoncé ; mais aussitôt j’ai senti près d’eux la confiance13. » La simplicité, l’humilité et l’inopiné sont associés au bonheur par la conjonction « mais », procédé renforçant l’insistance et l’émerveillement. Cet effet est également renforcé par la répétition de l’exclamation « non » et l’utilisation des adverbes « brusquement » et « aussitôt ». Gide veut croire à la communion avec les Soviétiques, perçoit le communisme comme un élan du cœur qui a effacé toute trace de soupçon, de méfiance de l’homme envers l’homme et qui amène tous ceux qu’il rencontre à l’accueillir le cœur sur la main. Il souhaite insister, en écrivant qu’il s’agit d’une « visite inopinée », sur le fait que les personnes du campement n’avaient pas préparé son accueil, mais au contraire vivent dans une joie naturelle et quotidienne. Là encore, le regard est d’une importance primordiale. Gide parle d’ « expression de bonheur épanoui », décrit la beauté de ce qu’il voit, et utilise le verbe modalisateur « sembler » puisqu’il ne comprend pas la langue et entend garder une distance par rapport à ce qu’il peut observer.

    Amoureux du communisme, Gide en vient à écrire de véritables poèmes à la gloire de cet « amant » collectif qu’il s’est trouvé dans le peuple soviétique. Les jeunes Komsomols sont placés à un degré au-dessus des Français et même des jeunes de tous les pays du monde :
Ce qui me plaît aussi en U.R.S.S., c’est l’extraordinaire prolongement de la jeunesse ; ce à quoi, particulièrement en France (mais je crois bien dans tous nos pays latins), nous si peu habitués. La jeunesse est riche de promesses ; un adolescent de chez nous cesse vite de promettre pour tenir. Dès quatorze ans tout se fige. L’étonnement devant la vie ne se lit plus sur le visage, ni plus la moindre naïveté. L’enfant devient presque aussitôt Jeune Homme. Les jeux sont faits14.
    Dans son discours, la jeunesse française est dénigrée : « un adolescent de chez nous cesse vite de promettre pour tenir », « dès quatorze ans tout se fige », « l’étonnement de la vie ne se lit plus sur les visages ». L’admiration devant la jeunesse communiste amène Gide à se montrer de plus en plus sévère envers la France, et de plus en plus hyperbolique dans sa description des jeunes d’U.R.S.S.. Il utilise la juxtaposition par le point-virgule pour mieux montrer le contraste entre des personnes de même âge de deux sociétés différentes. Il admire la naïveté enfantine, et s’attarde à plusieurs reprises sur l’enfance. Les petits Russes sont beaux, sains, goûtent des bonheurs simples. Habités par le communisme, ils réalisent au mieux leur potentiel. Les parcs de culture répondent au mieux à leur soif de savoir et d’exercice physique. L’auteur en éprouve une exaltation qui le conforte alors dans son espoir.

    Une des plus touchantes descriptions admiratives est celle du camp d’Artek, où il assiste à un spectacle, en compagnie de son ami Eugène Dabit, pourtant malade : « […] et pourtant il put se réjouir pleinement du spectacle que nous offrirent ces enfants ; de la danse surtout de l’exquise petite Tadjikstane, qui s’appelle Tamar. […] Rien ne dira le charme de cette danse et la grâce de cet enfant15. » Gide caractérise cette scène comme charmante, telle une thérapie qui apaise les mœurs, et un véritable remède contre la maladie de son ami: « ‘Un des plus exquis souvenirs de l’U.R.S.S.’ me disait Dabit ; et je le pensais avec lui. Ce fut sa dernière journée de bonheur16. »

    Ce passage consacré au dernier instant de bonheur de Dabit minimise la maladie et la souffrance de son ami, masquées par l’écriture. Gide transforme ici, à son goût, et probablement par l’admiration que lui dicte son espoir communiste d’une nouvelle culture en U.R.S.S., un moment de tristesse en un moment de convivialité, et de beauté spectaculaire. Il insiste sur l’émotion que provoquent les chants et danses populaires soviétiques ainsi que sur l’hospitalité du peuple associés à cette nouvelle culture joyeuse. Le besoin d’amour et de communion avec autrui sont désormais les motifs qui habitent l’auteur.

L’adhésion au communisme comme nostalgie du Paradis terrestre


    Gide insiste sur la primauté du contact humain et semble ainsi, par son attachement à l’enseignement des Évangiles, faire de l’Union Soviétique un Paradis terrestre. Daniel Moutote observe : « La Russie, terre évangélique, voilà l’idée sur laquelle se terminaient les conférences de 192217 et l’idée maîtresse de l’engagement politique et social, celle du voyage en U.R.S.S.18. » Il est surtout subjugué par une jeunesse pleine de santé et de vigueur, les divertissements, et « l’ardeur de l’été sur les futurs récoltes19 ». Frank Lestringant explique que toutes les conditions étaient réunies et orchestrées par l’U.R.S.S. afin que Gide se sente au « Paradis Soviétique20 ». C’est le royaume de l’au-delà où le monde millénariste, où les hommes, débarrassés de leur penchant au mal, entretiennent des rapports fraternels. Cette perfection des rapports humains rappelle l’âge d’or d’après l’Apocalypse21, et constitue un des éléments clé de la mise en place de l’image de l’U.R.S.S. comme paradis terrestre.

    L’emploi de la deuxième personne du singulier, la récurrence de propositions subordonnées empruntes au champ lexical de l’amour (« aimer », « cœurs »), les termes de « voix » et de « destinée », ont pour effet de produire l’impression d’un discours typiquement religieux : « L’U.R.S.S. que tu as tant aidée à prendre conscience d’elle-même, que grâce à toi le monde entier a pu apprendre à mieux connaître et à aimer, l’U.R.S.S. qui, par ta voix, parlait à tous nos cœurs, continuera sans toi d’accomplir et de parfaire sa destinée22. » L’U.R.S.S. que Gorki laisse derrière lui pourrait correspondre au royaume du Christ. Gorki est ce Christ que Dieu envoie sur terre pour faire perdurer son enseignement23 : « Maxime Gorki aura eu cette destinée singulière et glorieuse de rattacher au passé ce nouveau monde et de le lier à l’avenir. […] Il a prêté sa voix à ceux qui n’avaient pas encore pu se faire entendre ; à ceux qui, grâce à lui, seront désormais écoutés24. ». Mais en proposant un tel éloge du grand auteur soviétique, Gide crée malgré lui un fossé avec la doctrine communiste, l’U.R.S.S. luttant pour un athéisme radical.

    Au contact de ces justes ayant accédé à un mode de fonctionnement social idéal, l’émotion est si grande que les mots viennent à manquer à l’écrivain, d’où les fréquentes prétéritions dans son texte : « Que raconter ? Les mots sont impuissants à se saisir d’une émotion si profonde et si simple25 » Les points de suspension, suggérant une parole qui manque sous l’effet de l’émotion, ou impuissante à traduire le vécu, renforcent l’idée que l’U.R.S.S. est un pays qui le touche profondément, un pays qui le transforme, qui lui communique quelque chose de cet optimisme du juste : « C’est aussi pourquoi les photographies de moi que l’on a prises là-bas me montrent plus souriant, plus riant même, que je ne puis l’être en France26. »


Gide accueillant ses amis à Leningrad en juillet 1936. À ses côtés: Jacques Schiffrin, Pierre Herbart, Eugène Dabit, Louis Guilloux et Élisabeth Van Rysselberghe-Herbart.



    Un autre élément qui concourt à la création de l’image paradisiaque est le traitement de la différence linguistique. Le communisme semble provoquer chez lui la joie d’une « communion » retrouvée entre les hommes, émotion indéfinissable par la parole et l’écriture, et dénuée de tout individualisme qu’engendre au contraire le capitalisme. Gide l’écrivait d’ailleurs assez clairement dans son Journal du 1er décembre 1933 lorsqu’il évoquait les questions sociales et d’injustice :
Et ces questions, on n’a même pas à les traduire, encore qu’il se découvre aujourd’hui que ces questions se posent dans toutes les langues de la terre ; et c’est en elles que tous les peuples se sentent aujourd’hui communier. Oui, c’est à peine jouer sur les mots : dans communisme, il y a bien aussi communion27.
    Gide mentionne à plusieurs reprises la barrière linguistique avec le peuple d’U.R.S.S., mais pour montrer que celle-ci n’empêche aucunement le contact. L’émotion, transmise par le regard et l’expression des visages, se suffit à elle-même. Lors de sa rencontre avec les Komsomols, il écrit : « En dépit des différences de langue, je ne m’étais jamais encore et nulle part senti aussi abondamment camarade et frère ; et je donnerais les plus beaux paysages du monde pour cela28. »

    Gide semble décrire le monde d’après l’Apocalypse29, quand la différence des langues ayant frappé les hommes en punition de leur orgueil s’abolit au profit d’une communication par les cœurs. Si l’intellectuel « déplorait de ne connaître point leur langue30 », il découvre rapidement que les gestes et le regard constituent une forme de communication tout aussi efficace : « Mais déjà se lisait tant d’éloquence affectueuse dans les sourires, dans les regards, que je doutais alors si des paroles y eussent pu beaucoup ajouter31. »

    Outre les procédés de répétition, d’énumération et d’intensification classique, Gide utilise également le comparatif de supériorité ainsi que le superlatif absolu pour créer l’image d’une U.R.S.S. paradisiaque. L’admiration n’est plus une simple transcription d’un sentiment trop fort, que les mots seraient trop faibles pour l’exprimer, mais devient un « admirable » intensifié, exalté. L’U.R.S.S., c’est ce qu’il y a de meilleur. Gide utilise également le superlatif absolu et différents adverbes d’intensité ayant pour effet de suggérer la supériorité du peuple d’U.R.S.S. sur tous les autres. Après les funérailles de Maxime Gorki, Gide écrit :
Aussi bien nulle part autant qu’en U.R.S.S. le contact avec tous et n’importe qui ne s’établit plus aisément, immédiat, profond, chaleureux. Il se tisse aussitôt – parfois un regard y suffit – des liens de sympathie violente. Oui, je ne pense pas que nulle part, autant qu’en U.R.S.S., l’on puisse éprouver aussi profondément et aussi fort le sentiment de l’humanité32.
Un large éventail d’instruments de l’intensification apparaît : adjectifs à sémantisme absolu (« immédiat », « profond », « violent »), comparatifs de supériorité (« plus aisément »), comparatifs d’égalité précédés d’une négation (« nulle part […] aussi profondément et aussi fort »), pronoms et syntagmes de la quantité totale ou nulle (« tous », « nulle part » répétés deux fois), adjectifs et adverbes de la soudaineté (« aussitôt », « immédiat »). Il en est de même lorsqu’il s’adresse à Lavrenti Beria33 le 1er août 1936 :
Peut-être en aucun des pays du monde que je connaisse, le bonheur ne semble plus proche, plus sensible que dans ce pays. Grâce au climat, les grandes fleurs odorantes s’épanouissent partout toutes seules, et les fruits les plus savoureux invitent à y goûter. Et si j’avais connu Batoumi34, au temps de mon livre Les Nourritures terrestres, j’y aurais chanté ces jardins remarquables. Mais peut-être n’existaient-ils pas à cette époque, de même que, il y a trente ans, n’existaient pas le beau Jardin des Plantes et ces très vastes cultures35.
Là encore, la Géorgie, terre d’origine de Staline est prise pour exemple. L’exaltation de la nature et du bonheur renvoie à cette image du Paradis retrouvé.

    Que fait-on en U.R.S.S. ? Comme dans tout paradis, les justes semblent principalement occupés à jouir de leur loisir, ayant atteint la plénitude de la fin des temps. Certes, Gide n’ignore pas que l’Union soviétique se targue d’être le pays du travail, mais sa préférence va vers la saisie des moments de fête. Il livre plusieurs descriptions élogieuses de fêtes, des « parcs de culture » qu’il qualifie d’ « incontestables réussites ». Ainsi, il s’attarde sur une description du « parc de culture » de Moscou, qu’il compare à un « Luna-Park36 » : « Le parc de culture de Moscou est le plus vaste et le mieux fourni d’attractions diverses ; celui de Leningrad, le plus beau. Mais chaque ville en U.R.S.S., à présent, possède son parc de culture, en plus de ses jardins d’enfants37. »

    Gide propose une liste d’activités qu’il veut impressionnante: n’est-il pas promis au croyant toute sorte de délectations au Paradis ? Il écrit qu’il y est « retourné souvent », que « c’est un endroit où l’on s’amuse38 ». Comme tout ce qui a lieu en U.R.S.S., les spectacles qu’on y met en scène dépassent tout ce à quoi on pourrait s’attendre : « Je n’imaginais pas un spectacle aussi magnifique39»

    En même temps, comme il est de mise au Paradis, rien de recherché ou de compliqué. La joie et le plaisir sont procurés aux justes avec des moyens simples : « Puis ce sont des danses et des chants populaires, soutenus et accompagnés le plus souvent par un simple accordéon40. » Dans le paradis soviétique, on ne s’adonne pas à des occupations futiles. Gide fait l’éloge des activités intellectuelles, des « jeux tranquilles », « d’adresse » et « de patience », qu’il qualifie d’ « extrêmement ingénieux41 », qui occupent à loisirs, et qui selon lui auraient « certainement » du « succès chez nous ». Ces activités sont en effet valorisées par l’U.R.S.S., les sports occidentaux tels que le football ou la boxe étant jugés « bourgeois42 ». Gide utilise à nouveau un adverbe à valeur d’intensité, ainsi que la comparaison avec la France, où il souhaiterait que l’U.R.S.S. exporte son modèle. Les fêtes de Moscou sont décrites comme culturellement très riches, l’ennui n’est pas de mise, petits et grands y trouvent joie et intérêt :
De quoi vous occuper pendant des heures. Il y en a pour les adultes, d’autres pour les enfants. Les tout-petits ont leur domaine à part, où ils trouvent de petites maisons, de petits trains, de petits bateaux, de petites automobiles et quantité de menus instruments à leur taille43. […] Les réjouissances diverses : chants et danses44 […].
Personne n’est mis à l’écart de la culture et de l’amusement. Il met également en avant le côté ludique et l’ingéniosité des jeux pour enfants, ainsi que la capacité d’adaptation culturelle pour les plus petits.

    Gide souligne également le nombre d’activités sportives ou culturelles qui sont ouvertes, dans ces pays, à tous, non seulement en tant que spectacles, mais en tant que pratique : « des amateurs s’exercent à diverses acrobaties45 » ; « (qui toujours ont tant d’amateurs46). » Jouissant d’une parfaite santé et d’une grande énergie vitales, les justes passent facilement d’un statut de spectateur à celui de pratiquant.

    Lorsqu’il évoque « le quartier des parachutistes47 », il donne beaucoup plus de détails que sur les conférences, et fait plus allusion au bonheur de l’homme qu’à la culture proprement dite :
Toutes les deux minutes, un des trois parachutes, détaché du haut d’une tour de quarante mètres, dépose un peu brutalement sur le sol un nouvel amateur. Allons ! qui s’y risque ? On s’empresse ; on attend son tour ; on fait la queue. Et je ne parle pas du grand théâtre de verdure où, pour certains spectacles, s’assemblent près de vingt mille spectateurs48.
L’artiste-esthète s’attarde ici beaucoup plus sur les jeux que sur l’instruction, car il a sans doute plus de matière pour en parler.

    Un troisième élément qui crée cette image d’une humanité devenue différente grâce au communisme est l’impression que l’U.R.S.S. n’est peuplée que de jeunes. C’est le pays de la jeunesse éternelle. L’épisode de la rencontre avec les Komsomols est une preuve en ce sens : seuls les étrangers semblent représenter l’âge adulte. Ailleurs, Gide se plaît à insister sur ses rencontres avec des enfants. C’est tel camp de vacances, où les visiteurs, quoique attendus, ne peuvent profiter de l’hospitalité de leurs jeunes hôtes qui se sont préparés très soigneusement à les accueillir : « Ils s’étaient montrés fort déçus lorsque nous leur avons dit que nous ne pourrions rester jusqu’à la nuit : ils avaient préparé le feu de camp traditionnel, orné les arbres du jardin d’en bas de banderoles en notre honneur49. » Au cours d’une visite inopinée, Gide et ses compagnons découvrent un autre camp, où à nouveau il semble n’y avoir que des enfants s’auto-organisant : « En cette visite inopinée dans ce campement d’enfants près de Borjorn, tout modeste, humble presque, mais où les enfants, rayonnants de bonheur, de santé, semblaient vouloir m’offrir leur joie50. »

    Il décrit les « fêtes de la jeunesse de Moscou », jeunesse qualifiée, elle aussi, d’« admirable » : « Venue du Nord et du Sud, de l’Est et de l’Ouest, une jeunesse admirable paradait51» Toute cette jeunesse semble exempte de maladies et de douleurs :
Les enfants, dans tous les campements de pionniers que j’ai vus, sont beaux, bien nourris (cinq repas par jour), bien soignés, choyés même, joyeux. Leur regard est clair, confiant […]. Cette même expression de bonheur épanoui, nous la retrouvons souvent chez les aînés, également beaux et vigoureux52. […] Tous les enfants respirent la santé, le bonheur53.
Quant à Pierre Herbart, il en vient à souffrir d’émerveillement, interpellé par une telle perfection qu’il trouve pour le moins étrange, et écrit ainsi dans son journal publié en 1937 : « Tant de beauté accable. J’éprouve une fois de plus ce bizarre sentiment, voisin du désespoir, que me donne la vue de la perfection54. »

    Pourtant, aux funérailles de Maxime Gorki, la description du peuple livrée par Gide diffère de cette « jeunesse admirable », de ce défilé composé d’ « êtres parfaits55 » et de cette « expression de bonheur épanoui » :
J’avais vu ce même peuple, le même peuple et pourtant tout différent, et ressemblant plutôt, j’imagine, au peuple russe du temps des tsars, défiler longuement, interminablement […]. Cette fois ce n’était pas les plus beaux, les plus forts, les plus joyeux représentants de ces peuples soviétiques, mais un « tout venant » douloureux […]. Un défilé silencieux, morne, recueilli, qui semblait venir du passé et qui, dans un ordre parfait, dura certainement beaucoup plus longtemps que l’autre, le défilé glorieux56.
Comme dans d’autres œuvres de l’auteur, la mort apparaît comme l’événement qui dégrade57, et devant lequel le communisme en tant que force, joie et beauté s’efface un instant.

    La rencontre avec Nikolaï Ostrovski58 introduit un autre thème du Paradis terrestre : lorsqu’il rend visite à l’homme malade, « Gide vit aussitôt en lui un saint laïc59 » et écrit à son propos : « Je ne puis parler d’Ostrovski qu’avec le plus profond respect. Si nous n’étions en U.R.S.S., je dirais : c’est un saint. La religion n’a pas formé de figures plus belles60. » Il introduit ainsi la notion de spiritualité pour qualifier « l’admirable61 ». Ostrovski serre la main du voyageur français comme s’il recherchait à se raccrocher à la vie :
Je m’assieds à son chevet, lui tends une main qu’il saisit, je devrais dire : dont il s’empare comme d’un rattachement à la vie ; et durant toute l’heure que durera notre visite, ses maigres doigts ne cesseront point de caresser les miens, de se nouer à eux, de me transmettre les effluves d’une sympathie frémissante62.
Voici un exemple de communion entre deux hommes : Ostrovski, dans un état de dégénérescence physique avancée, aurait conservé son âme intacte, et par l’émotion transmise verrait Gide comme un « rattachement à la vie63 ». En admiration devant ce grand esprit dont le corps vit à peine, l’écrivain français écrit : « Sa pensée est d’autant plus active et tendue que rien ne vient jamais la distraire, sinon peut-être la douleur physique64. » Lorsque Gide parle de son admiration, Ostrovski réagit : « Ce qu’il faut admirer, c’est l’U.R.S.S., c’est l’énorme effort accompli ; il ne s’intéresse qu’à cela pas à lui-même65. » C’est en ce sens que le malade russe lui apparaît alors comme un « saint soviétique66 » comme le souligne Frank Lestringant. Gide admire que l’homme malade fasse passer le bien commun avant sa souffrance.

    Cependant, plus que de sainteté, Ostrovski fait surtout preuve d’un respect très strict de la « ligne » du Parti, en ne parlant que de la société collectiviste au détriment de sa propre personne. Il n’en est pas de même chez le nouveau militant, dont la préoccupation première reste le bonheur. La photo montrant Gide au chevet d’Ostrovski met en avant la tension du visage de l’auteur français, et sa compassion envers l’auteur russe. La description de la chambre renvoie, elle aussi, à celle du Paradis où, malgré la dégradation physique, l’âme continuerait de vivre de manière intacte et de façon éternelle et apaisée : « La chambre où il repose est claire. Par les fenêtres ouvertes entrent le chant des oiseaux, le parfum des fleurs du jardin. Que tout est calme ici67 ! »





Gide au chevet de l'écrivain Nikolaï Ostrovski, août 1936.



    Frank Lestringant écrit en commentant cette photographie : «  Si Ostrovski est un saint, Gide, non moins certainement, représente une mater dolorosa, une Vierge de douleur penchée sur le Fils inanimé68. » L’auteur semble apeuré, la peine l’envahit. Sa crainte obsessionnelle de la dégénérescence physique, s’opposant à son admiration pour la jeunesse en bonne santé du « Paradis soviétique », est ranimée par la situation. Là encore, l’auteur insiste sur la rapidité des liens qui se tissent entre les hommes : « Je me lève enfin pour partir. Il me demande de l’embrasser. En posant mes lèvres sur son front, j’ai peine à retenir mes larmes ; il me semble soudain que je le connais depuis longtemps, que c’est un ami que je quitte69 […]. »

    Bien que l’auteur répète à maintes reprises qu’il s’intéresse avant tout aux hommes et aux rencontres, des paysages sont parfois évoqués, avec la même admiration qui s’exprime au contact du peuple russe et de sa culture. Il les décrit de manière mystique : les « forêts coupées de clairières mystérieuses70 » sont évoquées comme dans un conte, au superlatif, et avec la reprise du terme « admirable », qui qualifiait déjà le peuple et sa jeunesse: « J’ai dit que je m’intéressais moins aux paysages… J’aurais voulu raconter pourtant les admirables forêts […] le Petit Poucet s’y perdant71. » Gide utilise une référence littéraire, celle du conte. Ce qu’il voit se colore ainsi d’une touche d’irréel. Il éprouve une sorte d’exaltation au contact de cette nature magnifique. Il énumère les différentes forêts qu’il traverse et fait l’éloge de leur charme par un procédé de superlatif absolu : « […] je n’en connaissais pas, je n’en imagine pas de plus belles72 […]. » Gide est conscient que ses hôtes soviétiques souhaitent le flatter, mais ne semble pas s’y attarder, et répète son admiration pour le paysage : « […] on nous fit l’honneur de nous affirmer que jamais aucun étranger encore n’y était venu. Point n’était besoin de cela pour me le faire trouver admirable73 ». Cependant, l’utilisation du verbe « affirmer » pour décrire un mensonge de la part de l’Union Soviétique pourrait constituer un signe annonciateur de son désenchantement naissant.

Le communisme comme transposition des obsessions gidiennes


    Gide ne trouve plus satisfaction ni dans l’idéal chrétien, ni dans l’idéal goethien de la société greco-latine. Comme il a été dit précédemment, la religion a, selon lui, trahi le Christ, et l’auteur ne voulait croire en l’existence d’un Dieu métaphysique, extérieur au monde. Il place alors sa foi dans le communisme dans lequel il retrouve ses idéaux, et qu’il voit comme le seul chemin possible pour la destinée de l’homme. François de Roux explique ainsi l’engagement de Gide : « La tradition greco-latine et la tradition chrétienne sont peu près remplacées par le communisme intégral, car on ne conservera de ces traditions que ce que les exigences du communisme permettront de sauver. À peu près rien74. » Aussi ajoute-t-il : « Gide maintenant est en train de se convaincre lui-même75. » Selon Ramon Fernandez, « à cause de sa naïveté en ce qui touche aux questions sociales […] le communisme lui apparaît non pas sous sa forme spécifique, mais sous les traits simplifiés du socialisme. Pour parler grossièrement, son communisme est une dissociation de la foi et de la volonté chrétienne, cette volonté nourrissant de motifs nouveaux ses vieux mobiles76 ».

    Dès la première phrase de l’avant-propos de Retour de l’U.R.S.S., Gide témoigne d’un engagement très fort envers l’Union Soviétique :
J’ai déclaré, il y a trois ans, mon admiration pour l’U.R.S.S., et mon amour. Là-bas une expérience sans précédents était tentée qui nous gonflait le cœur d’espérance et d’où nous attendions un immense progrès, un élan capable d’entraîner l’humanité toute entière77.
    L’écrivain est ainsi rattrapé par ses propres obsessions. Il livre en effet une véritable écriture de la foi, terme qu’il cite lui même pour qualifier son engagement au mois d’avril 1932 :
Cet état de dévotion, où les sentiments, les pensées, où tout l’être s’oriente et se subordonne, je le connais à nouveau tout comme au temps de ma jeunesse. Ma conviction d’aujourd’hui n’est-elle pas du reste compatible à la foi ? Je me suis, pour un temps très long, volontairement déconvaincu de tout credo dont le libre examen causait aussitôt la ruine. Mais c’est de cet examen même qu’est né mon credo d’aujourd’hui. Il n’entre là rien de « mystique » (au sens où l’on entend ce mot communément) ; de sorte que cet état ne peut chercher recours, ni cette ferveur d’échappement dans la prière. Simplement mon être est tendu vers un souhait, vers un but. Toutes mes pensées, même involontairement, s’y ramènent. Et s’il fallait ma vie pour assurer le succès de l’U.R.S.S., je la donnerais aussitôt... comme ont fait, comme feront tant d’autres, et me confondant avec eux78.
Son espoir est si grand, qu’il en donnerait sa vie pour le voir se concrétiser. Il souhaite ainsi retrouver l’élan d’une seconde jeunesse et faire preuve d’héroïsme, en se positionnant presque comme un martyr du communisme. L’auteur se veut ici proche des révolutionnaires qui ont versé leur sang en 1917. Néanmoins, son discours est bien moins celui d’un homme politique que celui d’un homme épris d’un rêve, avec l’avènement d’un monde et d’un homme nouveau, mais dont il ne maîtrise ni les dogmes, ni le langage.

    Le rêve, l’espoir sont les moteurs du récit de voyage. Dès 1932, il semble trouver dans le communisme la réalisation du but de toute une vie : « À présent, j’avance en m’orientant vers quelque chose ; je sais que quelque part mes vœux imprécis s’organisent et que mon rêve est en passe de devenir réalité79. » Ainsi, à une U.R.S.S. réelle, Gide n’hésite pas à substituer une U.R.S.S. rêvée : « Mirage, dites-vous. Il me suffit de l’entrevoir pour souhaiter , et de toute ma ferveur, qu’il devienne réalité80. » Il défend systématiquement les raisons de son espoir, et s’applique à expliquer les petites entorses à l’ « admirable » de manière rationnelle en s’appuyant sur des faits réels montés en épingle pour alimenter l’imaginaire. Sa foi est telle qu’il lui est possible de nuancer, mais impossible d’y renoncer. Selon Jean Loisy, les sentiments de Gide l’emportent sur la raison : « Cette conjuration des tendances les plus instinctives et des plus élevées devait l’emporter sur des tendances weimariennes81 de l’intelligence82. »

    L’intellectuel français est ainsi séduit par les valeurs portées par la Révolution, par le changement qu’elles véhiculent, le passé dont elles s’éloignent, et le présent dans lequel il ne supporte plus d’évoluer. André Billy, dans une lettre ouverte à André Gide, expliquait ainsi l’attirance de l’esthète français pour le communisme :
Je me souviens d’avoir écrit que votre « conversion » au communisme pouvait s’expliquer par un dégoût d’artiste. Comme d’autres s’évadent du passé, et c’est le cas de la plupart des écrivains réactionnaire, vous vous évadez dans l’avenir. Le présent vous irrite ; vous l’avez trop vu. Comme Baudelaire, il vous faut du nouveau. […] Il est vrai que la révolution vous apparaît surtout sous sa forme constructive, positive, réconfortante. […] Votre communisme se nourrit et s’exalte de visions d’avenir. Le présent qui vous entoure, vous vous en détournez avec horreur83.
L’écrivain exprime plusieurs fois l’impossibilité de renoncer à l’espoir communiste, guidé par la volonté de croire qu’un autre monde est possible. L’écriture a pour fonction d’alimenter l’espoir de l’auteur et d’exprimer sa foi de manière exaltée, en prévoyant une amélioration dans ce qu’il considère d'abord inachevé, puis mal engagé mais rattrapable et en anticipant sur les réussites de l'avenir. Gide se forge alors une image tronquée de la Révolution russe. Pour beaucoup d’intellectuels de l’époque, elle a été l’objet d’une fascination. Ainsi, le terme révolutionnaire représente, pour lui, le fait d’être à contre-courant, même une fois la révolution accomplie.

    Gide prend ainsi le contre-pied de la « ligne » et du principe même de la Révolution russe. Résonne dans les propos suivants toute l’influence du mythe révolutionnaire occidental : « Du moment que la révolution triomphe, et s’instaure, et s’établit, l’art court un terrible danger, un danger presque aussi grand que celui que lui font courir les pires oppressions des fascismes : celui d’une orthodoxie84. » Pourtant, c’est bien à l’établissement de la Révolution en vue de construire le national socialisme, qu’aspire Staline. Une fois installée, la Révolution n’a plus à connaître d’opposition, puisqu’elle détient le sens de l’Histoire. Mais Gide ne l’entend pas ainsi et raisonne en philosophe occidental pour qui révolution est synonyme de liberté : « Ce que la révolution triomphante peut et doit offrir à l’artiste, c’est avant tout la liberté. Sans elle, l’art perd signification. » L’auteur expose ainsi une idée occidentale de la liberté véhiculée en France depuis les philosophes des Lumières du XVIIIe siècle. De plus, selon Frank Lestringant, Gide voit Leningrad comme « la ville des Lumières où Diderot avait été fêté par la tsarine Catherine la Grande85. » Mais Gide ne perçoit pas qu’en Union soviétique, il en va autrement.

    Gide a en effet constamment à l’esprit le mythe occidental des révolutions. La littérature européenne n’a de cessé de les représenter de manière mythique, comme l’accomplissement de la défense d’idéaux. Les propos suivants en attestent :
Car la question se pose : qu’adviendra-t-il si l’État social transformé enlève à l’artiste tout motif de protestation ? Que fera l’artiste s’il n’a plus à s’élever contre, plus qu’à se laisser porter ? Sans doute, tant qu’il y a lutte encore et que la victoire n’est pas parfaitement assurée, il pourra peindre cette lutte, et, combattant lui-même, aider au triomphe. Mais ensuite86...
Ce mythe, très présent dans la littérature du XIXe siècle, notamment chez Hugo ou chez Zola, n’est pas sans influence chez Gide. Il cite d’ailleurs Hugo dans Retour, pour la « force d’opposition » qu’est l’écrivain romantique selon lui : « Je crois que la valeur d’un écrivain est liée à la force révolutionnaire qui l’anime […]. Cette force existe [...] chez […] Hugo et tant d’autres87. » L’image du peuple écrasé par les plus forts, qui réussit à se soulever afin de faire valoir ses droits et rétablir la justice, fascine l’écrivain français88. Le mythe de la Révolution française est bien présent dans les esprits, et beaucoup d’intellectuels, tels que Gide, le transposent à la révolution de 1917, dans l’idée d’une abolition des privilèges et de restitution de la justice. Des romans historiques comme celui de Jean Cassou89, Les Massacres de Paris, publié en 1935, qui traite de la Commune, ne sont pas sans influence sur cette conception romantique révolutionnaire. Ces propos de François Furet illustrent parfaitement les raisons de la pérennité du mythe de la Révolution française en Europe :
L’événement a été si puissant et si riche que la politique européenne en a vécu pendant presque un siècle. Mais l’imagination des peuples, bien plus longtemps : car ce que la Révolution française a inventé est moins une nouvelle société, fondée sur l’égalité civile et le gouvernement représentatif, qu’un mode privilégié du changement, une idée de la volonté humaine, une conception messianique de la politique90.
    En attente du nouveau monde, Gide anticipe sur son avenir, qui ne peut être qu’un succès. Ainsi écrivait-il déjà dans son Journal le 27 juillet 1931 :
Je voudrais crier très haut ma sympathie pour la Russie ; et que mon cri soit entendu, ait de l’importance. Je voudrais vivre assez pour voir la réussite de cet énorme effort ; son succès que je souhaite de toute mon âme, auquel je voudrais travailler91.
Gide maîtrise encore mal le langage communiste : il exprime sa sympathie pour la Russie et non pour l’U.R.S.S., mais c’est bien dans la réussite de cette dernière qu’il a foi. Cet amalgame, ces propos remplis d’espoir et un peu naïfs seront repris aussi par la presse soviétique : « André Gide […] proclame sa formelle décision de lutter ardemment et sans relâche pour la Révolution mondiale et pour le socialisme intégral, seuls capables de sauver l’humanité92. »

    L’U.R.S.S. étant « en construction93 », Gide anticipe sur son destin et se plaît à la défendre des accusations, mettant en avant les signes annonciateurs du paradis soviétique. Dès 1932, Gide répond aux attaques contre l’U.R.S.S., notamment à celles du journal Je suis partout. Son raisonnement est clairement celui du communiste « de cœur », et non celui de l’homme politique avéré. En tentant de démontrer à ses opposants de manière quelque peu naïve que leurs craintes envers l’U.R.S.S. sont exagérées, voire infondées, les arguments de l’auteur apparaissent comme ceux de l’homme naïf, prêt à tout pour défendre la terre où ses espoirs et convictions étaient « en passe de devenir réalité94 » : « Ils démontrent par A plus B la faillite du nouveau régime en UR.S.S. Mais alors, si le plan quinquennal, à les en croire, aboutit à un fiasco certain, pourquoi ces craintes95 ? » Il apparaît moins ici comme le raisonneur exposant une argumentation solide, que comme un homme montrant une véritable « foi du charbonnier », représentative du besoin d’aimer. Ses arguments sont plutôt des associations logiques d’idées quelques peu naïves afin de dénoncer les attaques de l’opposition :
Vous m’affirmez que les deux tiers des machines agricoles provenant du Poutilov96 rouge ou de l’usine de Stalingrad sont presque aussitôt hors d’usage, que le charbon extrait au bassin du Donetz reste en panne et que le mauvais fonctionnement des transports cause un effroyable engorgement. Alors pourquoi vous effrayer ? Vous ne pouvez tout à la fois me faire trembler devant un monstre et me prouver que ce monstre n’existe pas97.
En 1932, Gide est au plus mal de son engagement. Alerté par ses opposants sur les failles du régime qu’il défend, l’auteur n’entend rien. Quand il ne possède pas suffisamment d’éléments pour étayer sa justification, ses propos se fondent sur un raisonnement douteux: l’écrivain français préfère, pour faire taire ses opposants, leur prouver que si le système soviétique ne fonctionne pas, ils n’ont rien à en craindre, et donc nullement besoin de le critiquer. En absence de connaissances politiques et économiques, il n’imagine pas les conséquences douloureuses d’un État en faillite, et reste convaincu, malgré les alertes, que l’U.R.S.S. triomphera.

    De même, le 23 octobre 1934, Gide énonçait lors de la réunion du compte rendu du Congrès des Écrivains soviétiques :
Je vous dirai maintenant mon espérance : c’est que le triomphe de l’UR.S.S. permette l’avènement d’une littérature joyeuse. Nous n’en sommes pas encore là ; il reste encore beaucoup à lutter, beaucoup à vaincre. […] Une joie qui reste, hélas ! bien inatteignable encore pour le reste de l’Europe et que nous ne pouvons guère à présent que souhaiter ; mais qui, peu à peu, je l’espère, rayonnera de l’U.R.S.S. sur toute la terre. Ce qui reste encore pour nous une utopie, devient, doit devenir en U.R.S.S. réalité98.
    En essayant de défendre l’U.R.S.S., Gide s’en éloigne : en mettant en avant le fait qu’elle est en construction, et donc encore passible de critiques, il pense la défendre. Le terme de « construction » tel que l’entend Gide, est très différent de celui de « construction du socialisme » tel que l’entend Staline. La séance s’achève par le chant de l’Internationale, mais Gide, bien que le poing levé pour exprimer un salut communiste, ne s’associe pas aux autres chanteurs, non parce qu’il ne veut pas, mais parce qu’il ne connaît probablement pas les paroles de la chanson révolutionnaire. Ces propos et cette attitude déplaisent aux communistes dans la « ligne ».

    Au fil de l’ouvrage, l’émerveillement de l’auteur face à ce qu’il décrit comme le « Paradis retrouvé », se colore de doute. Cependant, Gide reste positif dans ses descriptions de l’Union Soviétique en tant que Terre d’un monde meilleur et de l’ « homme nouveau », car il se refuse à voir son espoir, sa foi s’envoler. L’U.R.S.S. reste jusqu’au bout investie d’une mission messianique, dans laquelle il s’agit, avant tout, de croire :
Ce que nous rêvions, que nous osions à peine espérer mais à quoi tendaient nos volontés, nos forces, avaient lieu là-bas. Il était donc une terre où l’utopie était en passe de devenir réalité. D’immenses accomplissements déjà nous emplissaient le cœur d’exigence99.
    La comparaison avec la jeunesse française apparaît comme un moyen pour l’auteur de se rassurer sur l’avenir soviétique et sur ce qu’il pourrait apporter à la France ainsi qu’à ses pays voisins (« dans tous nos pays latins100 »). Le jeune communiste soviétique semble plus curieux que le Français, curiosité intellectuelle faisant écho à cette grande culture joyeuse dont Gide rêve tant. Il utilise des procédés similaires pour décrire l’accueil qu’il reçoit de la part des hôtes soviétiques : « Ce que l’on vous montre le plus volontiers, ce sont les belles réussites ; il va sans dire et cela est tout naturel101. » Conscient qu’il est bien accueilli parce qu’il est connu des Soviétiques, conscient que leurs discours très élogieux sont de commande, Gide éprouve le besoin de se justifier sur le fait que la vanité n’altère pas son jugement : « Il faut dire que j’étais présenté partout là-bas comme un ami : ce qu’exprimaient encore les regards de tous, c’est une sorte de reconnaissance102 », et « je dois ajouter que, pour bon nombre d’entre eux, je n’étais pas un inconnu103. » Le traitement spécial qu’il reçoit est considéré « naturel », voire « de bonne guerre », et l’écrivain ne s’attarde pas sur l’anormalité véritable, qu’il perçoit mais exprime à peine, de son trimbalement en « wagon spécial » : « Au nom de l’Union des Écrivains Soviétiques, Michel Koltzov avait mis à notre disposition un très confortable wagon spécial104 ».

    Dès lors, Gide minimise tout ce qui est négatif. S’il évoque ses craintes et ses doutes, il le fait toujours de manière subtile, en demi-teinte, telle cette incise dans une phrase colportant le thème de l’extraordinaire réussite du pays : « Les réalisations de l’U.R.S.S. sont, le plus souvent, admirables105 ». Pour saisir l’ampleur de l’aveu à demi-mot ainsi fait, il importe de confronter ce « le plus souvent » aux hyperboles qui marquaient toutes les évocations des relations humaines.

    Ces déceptions minimisées sont contrecarrées par une écriture exaltée, portée par la foi, l’espoir d’un avenir meilleur dont est, selon lui, capable l’U.R.S.S.. Les évocations de Moscou sont parlantes en ce sens. Les réserves qu’il peut éprouver envers la ville sont constamment contrebalancées par la volonté de penser à son avenir, d’y reconnaître la capitale de la société millénariste en cours de formation: « Je sais bien que Moscou se transforme de mois en mois ; c’est une ville en formation, tout l’atteste et on y respire partout le devenir106. Et Moscou reste, malgré sa laideur, une ville attachante entre toutes : elle vit puissamment107. »

    La mauvaise qualité et la rareté des produits sont à peine identifiables dans des phrases qui transforment en atout, en promesse joyeuse, la pénurie et la laideur du présent :
Pourtant, depuis quelques mois, me dit-on, un grand effort a été tenté ; un effort vers la qualité ; et l’on y parvient, en cherchant bien et en y consacrant le temps nécessaire, à découvrir de-ci, de-là, de récentes fournitures fort plaisantes et rassurantes pour l’avenir108.
Pour appuyer son anticipation optimiste, l'auteur justifie le manque de qualité par le poids des erreurs du passé :
Mais pour s'occuper de la qualité il faut d'abord que la quantité suffise ; et durant longtemps elle ne suffisait pas ; elle y parvient enfin, mais à peine109. […] L’intensification de la production permettra bientôt, je l’espère, la sélection, le choix, la persistance du meilleur et la progressive élimination de qualité inférieure110.
Ainsi reprend-il le mythe de la pénurie tsariste. Cependant, la révolution de 1917 est le fruit d’un combat social et politique, et non économique. Contrairement à l’Europe, la Russie, grande exportatrice de blé, ne connut ni grande famine, ni de fluctuation de prix entre 1880 et 1910. Considérant la Russie comme l’un des pays les plus arriérés avant l’élan communiste, Gide se focalise sur les « success stories » affirmant qu’il faut avoir patience, parier sur l’avenir et donner du temps au temps. Ainsi d’un kolkhoze, qui, « après avoir péniblement végété les premiers temps, c'est aujourd'hui l'un des plus prospères111 ».

    Quand la réalité ne peut pas être minimisée, le regard se fixe délibérément sur d’autres détails : « Les bâtiments qui font face au Kremlin dissimulaient leur laideur sous un masque de banderoles et de verdure112 ». Il en est de même lors de sa déception après une exposition de peintures modernes à Tiflis : « Mais comme l'U.R.S.S., non plus avant qu'après la révolution, n'a jamais excellé dans les arts plastiques, mieux vaut s'en tenir à la littérature113» A noter que l’auteur avait un avis différent lors de sa contemplation de la beauté des anciens arts populaires...

    Malgré bon nombre de désillusions que Gide doit affronter, il termine son œuvre par une phrase pleine d’espoir, anticipant la réussite de l’U.R.S.S. en tant que patrie de « l’homme nouveau » : « L’aide114 que l’U.R.S.S. vient d’apporter à l’Espagne nous montre de quels heureux rétablissements elle demeure capable. L’U.R.S.S. n’a pas fini de nous instruire et de nous étonner115. » Néanmoins, le contexte de rédaction de ces dernières lignes est pour le moins ambigu, puisqu’elles n’étaient initialement pas prévues au sein de l’œuvre. De Madrid, où il combattait dans un régiment d’élite communiste dans l’armée espagnole, Jef Last avait demandé à Gide de différer la publication de son Retour, chose que ce dernier refusa. Après vingt réécritures, il publia ces quelques lignes, terminant ainsi son œuvre de manière confiante quant à l’avenir de l’U.R.S.S.. Selon Frank Lestringant116, cet ajout peut apparaître comme une « autocensure » de Gide. Néanmoins, l’indécision, la volonté de ne pas trancher pour une partie ou pour une autre est bien ce qui a toujours qualifié la pensée de l’auteur et l’esthétisme gidien. Ainsi, ces dernières notes ne seraient-elles pas révélatrices de la véritable pensée de l’écrivain ? Cette dernière phrase de l’œuvre, fait également écho à celle de l’avant-propos : « Jusqu’à quel point, dans une faillite, nous sentirions-nous de même engagés ? Mais la seule idée d’une faillite est inadmissible117. »

    Ainsi, l’engagement de Gide pour l’U.R.S.S. est intellectuel, chrétien et sentimental plutôt que politique. Gide attend de l’U.R.S.S. la transformation de l’homme au sens moral du terme, dans le but de l’arracher à l’individualisme et à l’égoïsme qui le caractérisent dans la société moderne où il est né et dans laquelle il a grandi. Selon Jean Loisy, Gide abandonne la raison pour laisser libre cours à ses aspirations personnelles, se rangeant en effet, comme il a été souligné précédemment, dans engagement « de cœur » plus que « d’esprit » :
Peut-être ne se fixera-t-il pas dans la Russie réelle ; il est bien vrai que, vers une Russie idéale, une part de lui-même, et de plus en plus exigeante, se dirigeait, moins raffinée que la part seulement intellectuelle, qui le menait aux environs de Weimar, mais plus voisine de ces sources même de l’être auxquelles il a fini par donner le pas sur l’intelligence118.
    Dès lors, un fossé se crée entre la doctrine communiste telle qu’elle est pensée et appliquée en U.R.S.S., et l’idée que s’en fait l’auteur. Frank Lestringant commente l’investigation des aspirations personnelles de Gide dans la doctrine de la manière suivante :
L’individu comme voie d’accès à l’universel. La liberté créatrice, l’originalité personnelle, au service du peuple et de la Révolution mondiale. L’allégresse de l’artiste affranchi de toutes les tyrannies comme initiation à une culture de la joie.Gide souhaite revenir aux valeurs originelles qui lui sont chères telles que l’égalité, le partage, et la joie119.
L’Église ayant trahi l’enseignement du Christ, le communisme apparaît à Gide comme le seul moyen de leur transmission honnête. La charité chrétienne se transforme alors en idée de justice sociale.

    Or, le soviétisme ne trahit-il pas lui aussi ces valeurs ? La même logique semble ainsi se répéter, et tout comme il a rejeté la chemin suivi par l’ Église, il refuse de se soumettre à ce qui doit être dans la « ligne ». Gide garde finalement l’indépendance intellectuelle et l’esprit de contradiction qui lui sont propres. Lucien Duran écrivait à ce sujet : « Au contraire, en ne se conformant pas, il resterait plus près du communisme essentiel. De même, en rejetant le christianisme, Gide, loin de perdre le contact du Christ, s’en rapprochait120. » L’Humanité comme idéal suprême, placé au-delà de toute doctrine, Gide ne peut se conformer à la « ligne » d’un Parti, d’autant plus qu’il n’en connaît pas les rouages. Par ses priorités, ses attentes vis-à-vis du « nouveau monde », l’écrivain se pose en tant qu’humaniste plus qu’en tant que politicien : « Il y a des choses plus importantes à mes yeux que moi-même ; plus importante que l’U.R.S.S. : c’est l’humanité, c’est son destin, c’est sa culture121. »





1François de Roux, « André Gide communiste », art. cit., in http://www.gidiana.net/comm193332.htm.
2Jean Amrouche, « André Gide communiste », Mirages, décembre 1932, in http://www.gidiana.net/GideDetail1917.15.htm. [le 27/03/2013]
3Retour, Chapitre I, p. 753.
4Id.
5Ibid.
6Ibid.
7Ibid., p. 757.
8Retour, Chapitre I, p. 758.
9Id., p. 758-759.
10Ibid., p. 756.
11Ibid., p. 754.
12Frank Lestringant, André Gide l’inquiéteur, op. cit., p. 752.
13Retour, Chapitre I, p. 753.
14Id., note de bas de page, p. 759.
15Retour, Chapitre III, p. 770-771.
16Id., p. 771.
17Gide donna, entre février et mars 1922, six conférences sur Dostoïevski.
18Daniel Moutote, « Dostoïevski et Gide », art.cit., p. 786.
19Frank Lestringant, André Gide l’inquiéteur, op. cit., p. 751.
20Id., p. 752.
21Apocalyspse XIX, 11, 17 : 11. Puis je vis le ciel ouvert, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait s’appelle Fidèle et Véritable, et il juge et combat avec justice. » 17. Et je vis un ange qui se tenait dans le soleil. Et il cria d’une voix forte, disant à tous les oiseaux qui volaient par le milieu du ciel : Venez, rassemblez-vous pour le grand festin de Dieu. » in http://www.biblegateway.com/passage/?search=Apocalypse%2019&version=LSG. Apocalypse, XX, 4-6 : 4. « Et je vis des trônes ; et à ceux qui s’y assirent dut donné le pouvoir de juger. Et je vis les âmes de ceux qui avaient été décapités à cause du témoignage de Jésus et à cause de la parole de Dieu, et de ceux qui n’avaient pas adoré la bête ni son image, et qui n’avaient pas reçu la marque sur leur front et sur leur main. Ils revinrent à la vie, et ils régnèrent avec Christ pendant mille ans. » 5. « Les autres morts ne revinrent point à la vie jusqu’à ce que les mille ans fussent accomplis. C’est la première résurrection. » 6. « Heureux et saints ceux qui ont part à la première résurrection ! La seconde mort n’a point de pouvoir sur eux ; mais il seront sacrificateurs de Dieu et de Christ, et ils régneront avec lui pendant mille ans. » in http://www.biblegateway.com/passage/?search=Apocalypse+20&version=LSG. Apocalypse XXI, 1-4 : 1. « Puis je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre ; car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n’étaient plus. » 2. « Et je vis descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, préparée comme une épouse qui s’est parée pour son époux. » 3. Et j’entendis du trône une forte voix qui disait : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. » 4. « Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu. » in http://www.biblegateway.com/passage/?search=Apocalypse+21&version=LSG. [le 03/06/2014]
22André Gide, Littérature engagée, op. cit., « Maxime Gorki vient de mourir », p. 131.
23Par exemple, Saint Jean, III, 16 : « Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. » in http://www.biblegateway.com/passage/?search=Jean+3&version=LSG;BDS. [le 03/06/2014]
24Retour, Appendice I, p. 789.
25Id., Chapitre I, p. 753.
26Ibid..
27André Gide, Journal, Tome II, op. cit., 1er décembre 1933, p. 435.
28Retour, Chapitre I, p. 757.
29Apocalypse, XIV, 4-8 : 4. « […] Ils ont été rachetés d’entre les hommes, comme des prémices pour Dieu et pour l’agneau ; » 5. « et dans leur bouche il ne s’est point trouvé de mensonge, car ils sont irrépréhensibles. » 6. « Je vis un autre ange qui volait par le milieu du ciel, ayant un Évangile éternel, pour l’annoncer aux habitants de la terre, à toute nation, à toute tribu, à toute langue, et à tout peuple. » 7. « Il disait d’une voix forte : Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car l’heure de son jugement est venue ; et adorez celui qui a fait le ciel, et la terre ; et la mer, et les sources d’eaux. » 8. « Et un autre, un second ange suivit, en disant : Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande, qui a abreuvé toutes les nations du vin de la fureur de son impudicité. » in http://www.biblegateway.com/passage/?search=apocalypse+14&version=LSG. [le 03/06/2014]
30Retour, Chapitre I, p. 753.
31Id.
32Retour, Chapitre I, p. 757.
33Futur chef du NKVD, sa mission est de faire exécuter les ordres de Staline.
34Ville de Géorgie située dans le Caucase.
35Pravda, 3 août 1936, in Revue des Lettres modernes, série « André Gide », I, 1970, p. 166.
36Retour, Chapitre I, p. 754.
37Id., p. 756.
38Ibid., p. 754.
39Ibid., p. 756.
40Ibid., p. 754.
41Ibid., p. 755.
42Yvan Leclère, L’hégémonie soviétique, Presses Universitaires de France, 2008, p. 72.
43Retour, Chapitre I, p. 755.
44Id., Chapitre III, p. 770.
45Ibid., Chapitre I, p. 754.
46Ibid., p. 755.
47Ibid., p. 756.
48Ibid.
49Retour, Chapitre III, p. 770.
50Id., Chapitre I, p. 753.
51Ibid., p. 756.
52Ibid., p. 754.
53Ibid., Chapitre III, p. 770.
54Pierre Herbart, En U.R.S.S. 1936, op.cit., p. 88.
55Retour, Chapitre I, p. 756.
56Retour, Chapitre I, p. 756-757.
57Roghayeh Haghighat Khâh écrit au sujet de Gide : « L’une des caractéristiques les plus frappantes des œuvres de Gide est de produire chez son lecteur une vive impression mélancolique. […] Le thème de la vie et de la mort est […] omniprésent dans ses œuvres. La mort met ses personnages dans une situation assez trouble, qui les menace continuellement, et contre laquelle tous leurs efforts demeurent vains. Elle est partout et surgit à n’importe quel moment. Une sorte de pessimisme féerique à l’encontre duquel personne n’est à l’abri traverse ses œuvres. » Roghayeh Haghighat Khâh, « Représentation de l’angoisse de Schopenhauer dans les œuvres de Gide et Hedâyat », La revue de Teheran, n°22, septembre 2007, in http://www.teheran.ir/spip.php?article153. [le 30/05/2014]
58(1904-1936). Combattant dans l’Armée Rouge lors de la guerre civile russe, il est gravement blessé en 1920 et devient responsable du Komsomol. Il es considéré comme le modèle de la « littérature des Komsmols », et s’adonne à l’édification de la nouvelle société. Gravement paralysé à la suite d’une polyarthrite, il devient aveugle. Auteur de sa biographie romancée Et l’acier fut trempé en 1934, et de Enfantés par la tempête en 1936, il dictait, lors de la visite de Gide, son troisième roman, Nés dans la tempête, qu’il ne pourra achevé avant de mourir. Son œuvre représente le symbole de la génération de la guerre civile et de l’édification du socialisme, œuvre emprunte de beaucoup de clichés et de manichéisme avec des personnages embellis.
59Frank Lestringant, André Gide l’inquiéteur, op. cit., p. 754.
60Retour, Appendice V, p. 796.
61Id., Chapitre III, « L’admirable, à Sotchi, c’est Ostrosvski. », p. 771.
62Ibid., Appendice V, p. 796.
63Retour, Appendice V, p. 796.
64Id., p. 797.
65Ibid.
66Frank Lestringant, André Gide l’inquiéteur, op. cit.,, p. 754.
67Retour, Appendice V, p. 797.
68Frank Lestringant, André Gide l’inquiéteur, op. cit., p. 754.
69Retour, Appendice V, p. 797.
70Id., Chapitre I, p. 759.
71Retour, Chapitre I, p. 759.
72Id.
73Ibid.
74François de Roux, « André Gide communiste », art. cit., in http://www.gidiana.net/comm193332.htm.
75Id.
76Ramon Fernandez, « L’Évolution d’André Gide », art. cit., p. 131.
77Retour, Avant-propos, p. 749.
78André Gide, Journal, Tome II, op. cit., 23 avril 1932, p. 362.
79André Gide, Journal, Tome II, op. cit., 13 juin 1932, p. 368.
80Id., 30 janvier 1932, p. 346.
81« Les tendances weimariennes de l’intelligence » fait ici référence au classicisme de Weimar, de la fin du XVIIIe siècle au début du XIXe, qui renvoie à l’idée d’équilibre et d’épanouissement de l’esprit : « Le but du classicisme allemand est l’homme pleinement accompli. Le classicisme tente d’unir les idéaux de la raison et de la clarté de l’Aufklärung aux idéaux de naturel, de vie et d’intuition du Sturm und Drang. Le classicisme veut harmoniser, réconcilier les sphères séparées dans lesquelles nous pensons et existons. » Jürgen Heizmann, « Goethe, le dernier génie universel ? » in Les grandes figures du monde moderne, sous la direction de Josiane Boulad-Ayoub et François Blanchard, L’Harmattan, coll. « Mercure du Nord », 2001, p. 469-470. Ce mouvement est également associé à Goethe. Il n’est donc pas étonnant que ce mouvement soit mentionné dans un article sur Gide lorsqu’on connaît l’admiration de l’écrivain français pour l’écrivain allemand, dont attestent le Journal et De l’influence en littérature (op. cit., p. 9, 10, 15, 16).
82Jean Loisy, « Gide et le communisme », art. cit., in http://www.gidiana.net/articles/GideDetail1917.54.htm.
83André Billy, « Lettre à M. Gide, communiste », L’Œuvre, 3 juillet 1934, in http://www.gidiana.net/articles/GideDetail1917.57.htm. [le 21/04/2013]
84Retour, Chapitre V, p. 784.
85Frank Lestringant, André Gide l’inquiéteur, op. cit., p. 748.
86Retour, Chapitre V, p. 780.
87Retour, Chapitre V, p. 779.
88Cette idée du peuple se trouve par exemple dans Les Misérables : « Ces hommes hérissés […] voulaient la fin des oppressions, la fin des tyrannies, la fin du glaive, le travail pour l’homme, l’instruction pour l’enfant, la douceur sociale pour la femme, la liberté, l’égalité, la fraternité, le pain pour tous, l’idée pour tous, l’édénisation du monde, le Progrès. […] Ils proclamaient avec furie le droit ; ils voulaient, fût-ce par le tremblement et l’épouvante, forcer le genre humain au paradis. » Victor Hugo, Les Misérables, Tome II, Gallimard, coll. « Folio classique», édition présentée, établie et annotée par Yves Gohin, 1995, Quatrième partie, p. 161-162.
89Également compagnon de route, il justifie la défense de l’U.R.S.S. par la lutte anti-fasciste.
90François Furet, Le passé d’une illusion, op. cit., p. 545.
91André Gide, Journal, Tome II, op. cit., 27 juillet 1931, p. 296.
92Ivan Anissimov, « André Gide et le capitalisme », art. cit., in http://www.gidiana.net/GideDetail1917.14.htm.
93Retour, Avant-propos, p. 750.
94Id., p. 751.
95André Gide, Pages de Journal (1929-1932), op. cit., p. 119.
96Usine de Saint-Pétersbourg.
97André Gide, Pages de Journal (1929-1932), op. cit., p. 119.
98André Gide, Littérature engagée, op. cit., « Littérature et révolution » p. 59.
99Retour, Avant-propos,, p. 751.
100Id., Chapitre I, note de bas de page p. 759.
101Ibid., p. 754.
102Ibid., p. 753-754.
103Ibid., p. 758.
104Ibid., p. 757.
105Ibid., Avant-propos, p. 751.
106Retour, Chapitre II, p. 760.
107Id.
108Ibid., p. 761-762.
109Ibid.
110Ibid.
111Ibid., p. 764.
112Retour, Chapitre I, p. 756.
113Id., Chapitre V, p. 782.
114À noter que l’aide apportée à l’Espagne est pourtant relative : elle ne consistait en réalité qu’à l’envoi de matériel militaire de basse qualité ainsi qu’à l’envoi de 2 000 agents soviétiques pour infiltrer l’appareil d’État espagnol et le retourner contre les trotskistes et anarchistes du Parti Ouvrier d’Unification Marxiste.
115Retour, Chapitre VI, p. 785.
116Frank Lestringant, André Gide l’inquiéteur, op. cit., p. 767.
117Retour, Avant-propos, p. 751.
118Jean Loisy, « Gide et le communisme », art. cit., in http://www.gidiana.net/articles/GideDetail1917.54.htm.
119Frank Lestringant, André Gide l’inquiéteur, op. cit., p. 652.
120Lucien Duran, « André Gide et l’U.R.S.S. », art. cit., p. 106.
121Retour, Avant-propos, p. 750.

mardi 17 mars 2020

Duhamel, Jamais : une histoire drôle et émouvante à l'image d'une jolie maquette

    "Face à une catastrophe naturelle, il faut une force de la nature. Madeleine, c'est les deux."



    Elle s'appelle Madeleine Proust. Elle est âgée. Elle habite une petite maison à Troumesnil, au faîte de la colline qui menace de s'effondrer. Mais Madeleine y a toujours vécu et refuse de la quitter malgré les multiples interventions du maire, de la police et des pompiers. 

    Madeleine est aveugle de naissance. Elle vit avec Balthazar, son chat, et avec le souvenir de son défunt mari, Jules, à qui elle continue de parler et de préparer la potence. Elle l'aimera, tout comme elle restera dans sa maison, à toujours, à jamais.

    Madeleine est, aux yeux de tout le monde, une vieille dame, si ce n'est pas folle, du moins au caractère bien trempé, qui n'a jamais accepté le décès de son mari en mer et qui n'acceptera jamais de quitter sa maison pourtant au bord du précipice. Elle apparaît donc comme aveugle, au sens propre et au sens figuré. Mais qui est-elle réellement ?

    Jamais, de Duhamel, publié en 2018 aux éditions Grand Angle, l'histoire drôle et émouvante de cette petite vieille dame aveugle, têtue, originale et attachante qu'est Madeleine. Le lecteur la découvre davantage au fil des bulles et recule l'instant d'en achever la lecture tant il est pris d'empathie pour cette femme et sa destinée.

dimanche 2 février 2020

Olivier Clert, Charlotte et moi : les bulles touchantes d’une rencontre et d’aventures improbables


 


  Gus a 8 ans. Suite à la séparation de ses parents, il déménage avec sa maman en province, son père est resté à Paris. Il est loin de connaître les tenants et aboutissants de cette rupture mais, une chose est sûre, il s’adapte très mal à cette nouvelle vie et rêve de l’ancienne. Dans son nouvel immeuble, à l’étage du dessous, un certain Renan Pochard est en cavale. Sur le palier en face de ce bandit, Charlotte, jeune femme de 25 ans introvertie et au physique corpulent, ne sort quasiment jamais et effraye, de prime abord, le jeune enfant.

    Tous ces destins vont néanmoins se croiser. Charlotte et moi, bande-dessinée en trois tomes publiée aux éditions Makaka en 2016, est le récit touchant de cette rencontre entre cette jeune femme et ce petit garçon, dont les quêtes, bien que différentes, vont s'entremêler et laisser place à une amitié des plus sensibles. Chacun apportera à l’autre sa vision du monde, ils ne cesseront de vivre de nombreuses aventures,  solidaires dans tous les instants. Ils vont ainsi, l’un comme l’autre, s’émanciper et voir le monde différemment, grâce au partage de leurs qualités, de leurs sentiments, et de leur entraide constante. Une belle histoire dont on lirait bien un quatrième tome...

samedi 1 février 2020

Marguerite Duras, Le Vice-Concul : le roman de l'ennui...



    Chères lectrices, chers lecteurs, cet article sera bref car la lecture de ce roman rime avec soulagement (de l'avoir fini).    


    Ça marche, ça dort, ça a faim, ça danse, mais pas trop, le piano est désaccordé, mais pas tant que cela, ça biberonne, il pleut, et vraiment.


    Puis, il y a les lépreux : la nuit, mais aussi le jour ! Pauvres gens ! Où est-il le plus opportun d'attraper la lèpre : à Calcutta ou ailleurs? Vaste débat qui mérite une dizaine de pages, n'est-ce pas ? Vous préfériez où, vous ? Quitte à être si mal en point ?

    Et enfin, il y a l'ennui. Voici la seule phrase pertinente du bouquin car il est clair que l'on s'ennuie et que l'on n'y comprend rien.
    

    Chère auteure, j'en suis navrée, mais votre roman ne m'a pas transcendée.

mardi 28 janvier 2020

Sophie Lambda, Tant pis pour l'amour Ou comment j'ai survécu à un manipulateur


    Lorsque Sophie rencontre Marcus, c’est le coup de foudre. Elle pense avoir trouvé son âme sœur, son amoureux qu’elle attendait depuis toujours. Elle vit une histoire d’amour des plus magiques, des plus passionnelles. Mais très vite, de petits signes étranges apparaissent dans le comportement de Marcus : Sophie les banalise. Plus le temps file, et plus le comportement de Marcus change, alternant moments de pure bonheur et réactions incompréhensibles. Il souffle le chaud et le froid et en fait porter la responsabilité à Sophie, tout en se victimisant. Sophie ne sait alors plus qui elle est, ne comprend pas ce qui lui arrive et pense devenir littéralement folle. 

    Pourtant, aucune violence physique : seulement celle des mots, qui s’avère pourtant destructrice. Plus elle tente de comprendre la situation, plus son état mental et physique se dégrade. Jusqu’au jour où, elle décide de franchir le pas, de se libérer, de se sauver, malgré tout l’amour qu’elle éprouve pour Marcus. Son histoire d’amour et la rupture qui s’ensuit ne sont néanmoins pas banales : alors, après la séparation, bien que rien ne la lie à cette homme, tout est loin d’être réglé et une longue reconstruction intérieure commence. C'est alors qu'elle tente de décortiquer le comportement et les mécanismes psychiques de son ex-compagnon ainsi que les siens grâce, notamment, à ses lectures de psychologie. Car bien que Marcus l’ait fait souffrir et sombrer dans la dépression, elle explique qu’elle fut complice de cette danse macabre :

    
    Au travers d’illustrations très marquantes, avec un choix des couleurs et des dessins très justes couplés à des mots pertinents, Sophie Lambda donne une œuvre, en choisissant le format de la bande-dessinée, des plus poignantes et des plus sensibles. Malgré les événements, l’humour est omniprésent, avec notamment le personnage de Chocolat, son ours en peluche fumeur et alcoolique, qui apparaît comme sa conscience. Publié aux éditions Delcourt en novembre 2019, cet ouvrage très documenté (elle donne d’ailleurs ses sources bibliographiques) et autobiographique représente une très bonne illustration des conséquences d’un amour toxique et destructeur.

mercredi 22 janvier 2020

L'esthétique gidienne face au réalisme socialiste


    Un point de divorce particulier entre le communisme gidien et celui des maîtres de l’U.R.S.S. est celui de la conception de l’art. L’esthétique gidienne s’accorde mal avec le réalisme socialiste soviétique. Ce que Gide défend est précisément ce que l’U.R.S.S. bannit, qualifie de contre-révolutionnaire et de contraire à la « ligne ». C’est également le cas d’autres intellectuels tels que Malraux qui, en prononçant les propos suivants lors d’une réunion des Écrivains révolutionnaires, n’est pas très bien accueilli par la critique soviétique : « L’art n’est pas une soumission, mais une conquête. Le refus du psychologique en art mène au plus absurde individualisme. Car tout homme s’efforce de penser sa vie, qu’il le veuille ou non1. » Karl Radek2 le qualifie alors de « petit-bourgeois3 ».


    En 1935, Gide publie Les Nouvelles Nourritures, qu’il dédie aux jeunes communistes4, et dans lesquelles il donne une esquisse de sa conception de l’homme nouveau :
Ce n’est pas seulement le monde qu’il s’agit de changer ; mais l’homme. D’où surgira-t-il, cet homme neuf ? Non du dehors. Camarade, sache le découvrir en toi-même, et, comme du minerai l’on extrait un pur métal sans scories, exige-le de toi, cet homme attendu. Obtiens-le de toi. Ose devenir qui tu es5
« Camarade » se substitue désormais au Nathanaël des Nourritures : « Ô toi pour qui j’écris – que j’appelais autrefois d’un nom qui me paraît aujourd’hui trop plaintif : Nathanaël, que j’appelle aujourd’hui : camarade – n’admets plus rien de plaintif en ton cœur6. » Gide se plie ainsi au réalisme socialiste d’U.R.S.S.. L’émotion, la plainte, n’est plus de mise. Cependant, il est à noter que sur environ quatre-vingt pages de texte, Gide emploi le terme « camarade » seulement huit fois... Comme l’observe Rudolf Maurer, les trois premiers livres « reprennent des thèmes de 1887, notamment l’appel à la joie de vivre. Ce n’est que dans le quatrième livre que l’idéologie fait son entrée. […] Est-ce du marxisme ? À peine, car le progrès est présenté comme la conséquence d’un changement de l’homme et, aspect encore plus important, l’appel à l’action se combine avec l’appel à l’indépendance7, et au sens critique, contraire à tout dogmatisme8 ».

    Bien que Gide trouvait le concept quelque peu ridicule, il se livra, en 1935, à la description précise de l’emploi du temps d’une journée9, à la manière dont le préconisait le réalisme socialiste : « Suivant une initiative de Maxime Gorki, paraît-il, Gide, comme d’autres écrivains de la gauche, décrivit minutieusement cette journée choisie au hasard, afin de contribuer à une œuvre plus vaste, Une Journée dans le Monde, œuvre qui ne fut jamais publiée10. »

    Gide pense cependant que sa vision des choses est compatible avec la littérature de la révolution. Il devient, un peu malgré lui et malgré son souci d’indépendance (que l’U.R.S.S. a d’ailleurs trop peu mesuré), un écrivain au service de la Révolution. Il commence ainsi l’écriture en 1933, d’une pièce de théâtre : Robert ou l’Intérêt général. L’intrigue est la suivante : le héros Michel Dormoy est révolté contre son père Robert, un industriel cynique, qui va finir par le renier. Le demi-frère de Robert, ingénieur de l’usine, est quant à lui d’origine prolétaire, et son caractère assez faible lui fait accepter toutes les compromissions. Les deux enfants de Boris, Véra (dont Michel est amoureux) et Ivan (meneur des ouvriers en grève et admiré par Michel) ont tous deux une grande conscience politique. Le héros rompt avec sa famille et se range donc du côté du prolétariat, cause qui le mène à sa perte : lors d’une manifestation, il est abattu par Rabot, le contremaître aux ordres de Robert. L’engagement de Michel se transforme alors en sacrifice : idéaliste, le personnage est détaché de ses origines sociales qu’il renie, mais également du prolétariat auquel il voue son admiration, mais dont il ne comprend pas les codes. Le drame de Michel semble être celui de Gide : par haine de la classe bourgeoise à laquelle il appartient, il se range aux côtés du prolétariat dans une lutte politique dont il ne connaît nullement les rouages et dont il ne sera, pour les dirigeants, qu’un pantin à des fins propagandistes.


    Comme il a été dit précédemment, Gide vit un mal être intellectuel et a le sentiment de ne pas être lu, apprécié et compris par le peuple français et cherche de nouveaux lecteurs, et surtout une nouvelle littérature. Or, la tentative de l’auteur de s’y essayer est un véritable fiasco. En voulant mettre son art au service de la Révolution, l’auteur vit un échec littéraire, ce qui renforce sa conviction selon laquelle : « On peut écrire spontanément une bonne œuvre révolutionnaire, mais on est perdu si on écrit pour faire une œuvre révolutionnaire11 […]. » L’échec de sa tentative de réalisme socialiste résulte de l’emprunt d’une voie qui n’était pas la sienne : « J’estime que ma grande erreur, et qui donne à la pièce entière son aspect hybride, et parfois si fâcheusement, vient de cet effort que je fis de rallier le réalisme. Je dois m’en écarter résolument, bien au contraire, ainsi que je faisais autrefois12. » Cependant, en essayant de s’y soumettre artistiquement, l’auteur reste néanmoins dans une esthétique qui lui est propre : la peinture de l’individu. Car L’Intérêt général est finalement moins la peinture de la classe ouvrière, que le drame d’un bourgeois au sentiment de n’appartenir à aucune classe sociale. Gide, qui attendait du communisme « l’avènement d’une littérature joyeuse13 », n’a guère été inspiré par la Révolution. Le 30 janvier 1949, lors de la publication de sa pièce, il constate son échec : « J’ai mis autant de temps à rater L’Intérêt général, [...] qu’à réussir Les Faux-monnayeurs14. »


    La distance entre les idées de Gide et celles du Parti communiste n’est peut-être nulle part plus visible que dans l’emploi du mot « révolutionnaire ». Pour l’écrivain, le terme de « révolution » est synonyme de non-conformisme, d’esprit novateur, comme le montre le paragraphe suivant :
J’écrivais avant d’aller en U.R.S.S. : « Je crois que la valeur d’un écrivain est liée à la force révolutionnaire qui l’anime, ou plus exactement (car je ne suis pas si fou de ne reconnaître de valeur artistique qu’aux écrivains de gauche) : à sa force d’opposition. […] Dans notre forme de société, un grand écrivain, un grand artiste, est essentiellement anticonformiste. Il navigue à contre courant15 ». 
    Or, la révolution a, pour Marx et Lénine, un sens bien plus net et historiquement déterminé. L’anticonformisme, notamment, n’est absolument pas admis dans la société stalinienne à laquelle Gide rend visite, mais l’écrivain ne semble jamais conscient du malentendu. Il ne perçoit absolument pas l’absence de liberté qui caractérise le statut de « révolutionnaire de profession » attribué à l’écrivain dans les pays soviétisés, et crée toute une fiction de la correspondance entre la « révolte » de l’écrivain et les aspirations du peuple :
[…] jusqu’à présent, dans tous les pays du monde, l’écrivain de valeur a presque toujours été, plus ou moins, un révolutionnaire, un combattant. […] Aujourd’hui, en U.R.S.S., pour la première fois, la question se pose d’une façon très différente : en étant révolutionnaire, l’écrivain n’est plus un opposant. Tout au contraire, il répond au vœu du grand nombre, du peuple tout entier, et ce qui est le plus admirable : de ses dirigeants16.
    Il est vrai qu’une note de bas de page précise « C’est ici que je me blousais : je dus bientôt, hélas ! le reconnaître17. », mais Gide restera toujours en-deçà de la compréhension de la logique du Parti, pour lequel il ne peut pas y avoir de critique à l’adresse des cadres, puisque ces cadres possèdent le sens de l’histoire : critiquer la direction d’un pays communiste revient à avouer sa position réactionnaire.

    S’il vante les mérites de la littérature de la Révolution, c’est avant tout pour le sentiment d’humanité qu’il y voit derrière la peinture du réalisme socialiste :
Jusqu’à présent, il me semble (je parle d’après ce que j’en connais) qu’elle est restée en plein combat, ainsi qu’il le fallait d’abord ; et ceci restera le caractère de la littérature de cette époque préparatoire. Elle nous aura donné des œuvres remarquables ; je pense par exemple au roman18 de Cholokhov. Ce livre éclaire admirablement et avec une intelligence profonde la lutte contre les koulaks. Cette lutte appartient désormais à l’histoire. Elle peut se prolonger encore. N’importe ! Bientôt elle aura eu lieu ; et si ce livre continue et continuera pourtant de nous occuper, de nous passionner comme une chose toute présente, c’est en raison de la palpitante humanité qu’il contient : c’est parce que, à travers la lutte précise, réelle, contre les koulaks, ce sont les sentiments, trop humains, d’intérêts égoïstes et sordides qu’il peint, aux prises avec un intérêt supérieur et collectif19 […].
Terres défrichées de Mikhaïl Cholokhov a pour thématique la collectivisation des terres, et donc la lutte contre les koulaks, mais Gide n’y prête pas grande attention, et emploie le discours du Parti. En effet, tout comme en matière de politique industrielle, c’est un ignorant en matière de politique agricole. Jugés individualistes et ne pouvant être évoqués qu’au service du collectivisme, les sentiments humains sont loin d’être la priorité du régime soviétique. Pourtant, ce sont eux qui fascinent l’écrivain français nouvellement converti. L’intrigue originale passe à ses yeux au second plan, la lutte envers les koulaks ne lui apparaît que peu intéressante (« Elle peut se prolonger encore. N’importe ! »). Or, c’est bien elle qui est représentative du réalisme socialiste, Cholokhov en étant le modèle dans sa manière de peindre le réel. De plus, en absence de connaissance des rouages économiques et politiques du Parti, Gide approuve la lutte contre les koulaks. Or, il semble ignorer que la collectivisation forcée des terres entamée dès 1930 est à l’origine de nombreux drames ruraux et de la grande famine de l’hiver 1932-33. Gide prône ainsi la suppression des koulaks en tant que classe dans un but collectiviste, mais dans un sens de partage, de bonheur et de « communion » des hommes entre eux.


    Il est à noter que, quelques mois plus tôt, l’attitude de Gide vis-à-vis de Cholokhov avait entraîné quelques vagues chez les soviétiques. La N.R.F. avait publié le roman de l’auteur soviétique en ayant omis les sept derniers chapitres. La réponse de Gide à la lettre de mécontentement de l’écrivain soviétique donna une explication strictement financière à cette affaire, ce qui n’était pas pour plaire aux milieux communistes : « La N.R.F., bien décidée à donner la totalité de l’ouvrage, a arrêté le texte du premier tome au moment où le coût de la fabrication allait déborder le prix de vente, reportant la suite sur le volume suivant20. » Les paroles de l’écrivain français citées précédemment, seront-elles du goût des soviétiques cette fois-ci ? Il n’en est pas si certain car, bien que vantant le roman de Cholokhov, Gide exprime clairement son désintéressement pour la lutte contre les koulaks qui occupe pourtant plus que jamais l’U.R.S.S. à cette période.

    Ceux que Gide considère comme de grands artistes sont bannis par le Parti car qualifiés d’individualistes, de « petit-bourgeois » et de « contre-révolutionnaires », tout comme il le serait lui-même. Sa revendication d’indépendance du 22 juin 1935 (à l’occasion du Ier Congrès des Écrivains pour la défense de la culture) n’a pas de place en U.R.S.S. :
Et quant à moi, je prétends pouvoir être profondément internationaliste, tout en restant profondément français. Tout comme je prétends rester profondément individualiste, en plein assentiment communiste et à l’aide même du communisme. Car ma thèse a toujours été celle-ci : c’est en étant le plus particulier que chaque être sert le mieux la communauté. Il s’y ajoute aujourd’hui une autre thèse, pendant ou corollaire de la première : c’est dans une société communiste que chaque individu, peut le plus parfaitement s’épanouir21 […].
Aussi, Gide tente de concilier l’inconciliable, en pensant un « individualisme communiste » :
Sa tâche [celle de l’U.R.S.S.] est aujourd’hui d’instaurer, en littérature et en art, un individualisme communiste (si j’ose accoupler ces deux mots qu’on a coutume d’opposer, mais à mon avis bien à tort). […] Le communisme ne saura s’imposer qu’en tenant compte des particularités de chaque individu. […] Chaque artiste est nécessairement individualiste, si fortes que puissent être ses convictions communistes et son attachement au parti22.
Les parenthèses montrent que l’auteur est conscient que le terme d’ « individualisme » s’accorde mal avec celui de « communisme ». Néanmoins, il ne voit aucun inconvénient à employer les mots ensemble. Ces propos sont dignes d’un discours gidien : lorsqu’il dit qu’un artiste est « nécessairement individualiste, si fortes que puissent être ses convictions communistes et son attachement au parti », il exprime clairement le souci d’indépendance de l’esthète, qui lui est propre, et revient à son idée première du refus de l’engagement : « Au demeurant parfaitement inapte à la politique. Ne me demandez donc point de faire partie d’un Parti23. » L’auteur utilise un argumentaire pour le moins simpliste pour se défendre de cet accouplement qu’il établit entre individualisme et communisme : « Si je n’ai pas senti de contradictions entre la position communiste et la position individualiste, n’est-ce point parce que cette contradiction reste théorique et factice ? C’est ce dont je me suis persuadé24. » Puisqu’il ne trouve pas d’éléments contradictoires à l’alliance de deux termes, au premier abord antithétiques, c’est selon lui parce qu’il n’y en a pas...

    L’individualisme prôné par Gide, l’idée selon laquelle l’écrivain doit aller chercher ses sentiments les plus personnels pour devenir le plus humain possible, c’est-à-dire la conviction que le plus personnel de l’artiste reflète le plus grand aspect du collectif, est inacceptable selon la doctrine léniniste, et encore plus dans l’U.R.S.S. de Staline. C’est d’ailleurs ce qu’avait répondu à Gide Georges Guy-Grand le 26 janvier 1935 lors d’un débat organisé à l’initiative de Ramon Fernandez : « On peut se demander si cette définition serait acceptée par un communiste orthodoxe. Il semble en résulter que la valeur à laquelle vous tenez le plus, c’est la liberté de votre personne25. » Gide y répond en tant qu’esthète et approuve que ce désaccord entre les deux termes qu’il a employés provient de ses habitudes bourgeoises :
La chose à laquelle je tiens le plus, c’est mon art. Que l’entente de l’art et de la doctrine communiste soit possible, je veux le croire. Mais il faut avouer que le point d’accord et de fusion, je n’ai su jusqu’à présent l’obtenir – en raison aussi de longues habitudes prises26. […]
    L’écrivain manifeste néanmoins une certaine forme d’opposition ou de distance envers l’U.R.S.S., au sujet de sa capacité (ou non) à détecter et nourrir les talents :
[…] je me demande avec inquiétude si, peut-être, dans l’U.R.S.S. glorieuse d’aujourd’hui, ne végète pas, ignoré de la foule, quelque Baudelaire, quelque Keats ou quelque Rimbaud qui, en raison même de sa valeur, a du mal à se faire entendre. Et c’est pourtant celui-là entre tous qui m’importe, car ce sont les dédaignés de d’abord, les Rimbaud, les Keats, les Baudelaire, les Stendhal même qui paraîtront demain les plus grands27.
    De même, il oscille entre un discours communiste élogieux, des propos marqués par le doute, puis un discours gidien opposé à la « ligne ». Maurice Noël rapporte : « Je l’entends célébrer l’homme nouveau que la Russie soviétique, paraît-il, enfante présentement, et vouer en mépris l’homme factice, conventionnel de la civilisation bourgeoise28 ». Il cite ces propos de Gide :
Une extraordinaire éclosion d’œuvres littéraires vient apporter ici son témoignage. Œuvres de valeur inégale sans doute ; mais certaines dignes de la considération la plus haute et toutes animées d’un esprit nouveau ; ici l’homme même est changé29
    Déjà, Gide colore ses propos de doute (« valeur inégale sans doute »), doute qu’il n’est pourtant pas permis d’exprimer sur les productions soviétiques. Il poursuit dans la même idée : « Il y a une convention bourgeoise contre laquelle personnellement j’ai toujours lutté ; mais osons le dire ici : il peut y avoir également une convention communiste30. » L’auteur sent néanmoins qu’il va à l’encontre de la « ligne », et tente de nuancer ses propos par une explication maladroite :
Que la littérature, que l’art puissent servir la Révolution, il va sans dire, mais il n’a pas à se préoccuper de la servir. […] La littérature n’a pas à se mettre au service de la Révolution. Une littérature asservie est une littérature avilie, si noble et légitime que soit la cause qu’elle sert. Mais comme la cause de la vérité se confond dans mon esprit , dans notre esprit, avec celle de la Révolution, l’art, en se préoccupant uniquement de vérité, sert nécessairement la Révolution31.
Gide s’oppose ainsi directement au septième point du statut de l’Association des Écrivains Soviétiques :
Le but principal de l’Union des Écrivains Soviétiques est la création d’œuvres d’une grande signification artistique, remplies de la lutte héroïque du prolétariat international, du pathétique de la victoire du socialisme, dépeignant la grande sagesse et l’héroïsme du Parti communiste32
    L’art, et particulièrement la littérature, représente un outil pour les dirigeants soviétiques. Elle s’inscrit dans la lutte idéologique et doit servir exclusivement la Révolution. Exprimer ses émotions personnelles est qualifié de « petit-bourgeois » et constitue une attitude des plus contre-révolutionnaires pour le parti. Le mot d’ordre en art et en littérature, inscrit dans les statuts de l’Association des Écrivains Soviétiques dès le 23 avril 193233, et qui sera annoncé lors du Ier Congrès des Écrivains Soviétiques en 1934 est le suivant :
Le réalisme socialiste, méthode de base de la littérature soviétique et de la critique littéraire, exige de l’écrivain sincère une présentation historiquement concrète de la réalité dans son développement révolutionnaire. Ainsi la véracité et l’aspect historiquement concret de la représentation artistique de la réalité doivent s’allier à la tâche d’un changement idéologique et de l’éducation des travailleurs dans l’esprit du socialisme34.
Mais Gide prend le contre-pied direct à la méthode du « réalisme socialiste », en écrivant dans son Journal dès le 21 février 1932 :
Un communisme bien compris a besoin de favoriser les individus de valeur, de tirer parti de toutes les valeurs de l’individu, d’obtenir le meilleur rendement de chacun. Et l’individualisme bien compris n’a pas à s’opposer à ce qui mettrait tout à sa place et en valeur35.
    Émile Vandervelde pose la question de la notion de « communisme bien compris chez Gide » et se demande : « mais le comprend-on ainsi chez Staline ? ». Effectivement, ce serait justement tout à fait l’inverse. Ainsi ajoute-t-il : « Il proclama son adhésion fervente à une doctrine qui est très exactement le contre-pied de cet individualisme protestant qui était jadis le fond même de sa pensée36. »





1André Malraux, in Pascal Sabourin, La réflexion sur l’art d’André Malraux, Klincksieck, 1972, p. 169.
2Exclu du P.C. de l’U.R.S.S. en 1927, il est envoyé en Sibérie, opère un brusque revirement en 1929, est réadmis dans le parti et se rallie à Staline. Il est, à partir de 1931, un critique majeur de Moscou et apparaît comme le principal commentateur des événements internationaux. Il réclame la peine de mort pour Zinoviev et Kamenev au procès de 1936, et est lui-même condamné la même année à dix ans de prison où il serait décédé, mais les circonstances exactes de sa mort demeurent inconnues. Gide fait d’ailleurs allusion à Radek, au sein d’une parenthèse, dans ses Retouches : « Contre Zinoviev, Kamenev et Smirnov, ce que l’on dressera ce sont leurs camarades de la veille : Piatakov, et Radek ; on tient à les déshonorer avant de les fusiller à leur tour. » André Gide, Retouches à mon Retour de l’U.R.S.S., in Souvenirs et Voyages, op. cit., Chapitre IV, p. 818. (Par souci de commodité, le titre de l’œuvre sera abrégé Retouches dans la suite du mémoire.)
3Karl Radek in « M. Gide. Orateur », La Lumière, 3 novembre 1934, in http://www.gidiana.net/articles/GideDetail1917.68.htm. [le 25/01/2013]
4« Jeunes gens de la Russie nouvelle, vous comprenez maintenant pourquoi je vous adressais si joyeusement mes Nouvelles Nourritures ; c’est que vous portez en vous l’avenir. » Retour, Appendice II, p. 791.
5André Gide, Les Nouvelles Nourritures, Gallimard, 1969, p. 269-270.
6Id., p. 282.
7« Camarade, ne crois rien à rien, n’accepte rien sans preuve […]. L’on ne cherche jamais d’imposer qu’à défaut de preuves. Ne t’en laisse pas accroître. Ne te laisse pas imposer. » ;  « Ne sacrifie pas aux idoles. » Ibid., p. 274-275 ; p. 283.
8Rudolf Maurer, André Gide et l’U.R.S.S., op.cit., p. 78-79.
9Le 27 septembre 1935.
10Rudolf Maurer, André Gide et l’U.R.S.S., op.cit., p. 79.
11Cahiers André Gide, Association des amis d’André Gide, Gallimard, 1974, 19 décembre 1934, p. 427.
12André Gide, Journal, Tome II, op. cit., 15 août 1935, p. 503-504.
13André Gide, Littérature engagée, op. cit., « Littérature et révolution », p. 59.
14André Gide, Journal, Tome II, op. cit., 30 janvier 1949, p. 1071.
15Retour, Chapitre V, p. 779.
16Retour, Appendice I, p. 789.
17Id.
18Gide parle du 1er volume du roman Terres défrichées publié en 1932.
19André Gide, Littérature engagée, op. cit., « Littérature et révolution »,p. 58-59.
20« Correspondance (Mikhaïl Cholokhov, André Gide) », La Nouvelle Revue Française, n° 247, avril 1934, p. 165.
21André Gide, Littérature engagée, op. cit., « Défense de la culture », p. 85.
22André Gide, Littérature engagée, op. cit., « Message au Ier Congrès des Écrivains Soviétiques », p. 55.
23André Gide, Journal, Tome II, op. cit., 13 juin 1932, p. 369.
24André Gide, Littérature engagée, op. cit., « André Gide et notre temps », p. 72.
25Id., p. 64.
26André Gide, Littérature engagée, op. cit., « André Gide et notre temps », p. 64.
27Retour, Chapitre V, p. 784.
28Maurice Noël, Le Figaro, 1934, in André Gide-Louis Gérin, Correspondance (1933-1937), édition établie, présentée et annotée par Pierre Masson, Centre d’études gidiennes, Université de Nantes, 1996.
29André Gide, Littérature engagée, op. cit., « Littérature et révolution », p. 57.
30Id., p. 57-58.
31André Gide, Littérature engagée, op. cit., « Littérature et révolution », p. 58.
32Littérature Internationale, n° 3, 1934, in André Gide, Littérature engagée, op. cit., p. 54.
33Décision du Comité central du Parti Communiste de l’Union (bolchevique) de supprimer l’Association des Écrivains prolétaires au profit d’une Union unique sous la forme d’association, afin de réunir un maximum de « compagnons » pour construire le communisme. Les statuts de cette nouvelle Union sont également décidés.
34« Statuts de l’Union des Écrivains Soviétiques » in Claude Frioux, Le Chantier russe : littérature, société et politique, volume 2, L’Harmattan, 2011, p. 88.
35André Gide, Journal, Tome II, op. cit., 21 février 1932, p. 352.
36Émile Vandervelde, « La conversion d’André Gide au communisme », La Dépêche de Cherbourg, 7 janvier 1933, in http://www.gidiana.net/comm193317.htm. [le 31/03/2013]