mardi 7 avril 2020

Le traitement de la réalité soviétique par André Gide dans le Retour de l'U.R.S.S.


    Le communisme de Gide comporte ses propres caractéristiques et diffère du communisme-léninisme. Comment le voyageur esthète français réagit-il face à la réalité du monde soviétique ? Malgré l’accueil chaleureux qu’il reçoit, la déception de l’écrivain est palpable. Le 25 juin 1936, soit cinq jours après son arrivée sur les terres soviétiques, il notait déjà dans son carnet : « Un pays où les boutons poussent plus vite que les boutonnières1. » Cette remarque, somme toute superficielle, montre cependant l’irritation et le mal-être du voyageur, qui ne fait que commencer. Il semble, à plusieurs reprises, se perdre dans ses observations et ne plus savoir que penser et que croire. « Je n’étais en U.R.S.S. que depuis huit jours et cherchais à prendre le la2 » indique une difficulté de saisir ce qu’il voit, et de l’interpréter.

    Ainsi, le communisme gidien et les attentes personnelles de l’auteur se heurtent à la réalité soviétique. Ceci donne lieu à toutes sortes de stratégies d’écriture témoignant d’une incompréhension qui se mélange encore à la volonté de croire au système. Le réel est filtré, la syntaxe devient ambivalente. Le rêve de Gide prend peu à peu le chemin d’une désillusion, voire d’une dénonciation et d’une condamnation, mais l’écrivain ne saute jamais le pas, et cet arrêt avant le changement radical de position se traduit dans l’écriture. Au contact de la réalité soviétique, le voyageur français se voit confronté à un double problème : ses propres codes, avec lesquels il conçoit l’U.R.S.S., l’empêchent de comprendre les faits. Mais lorsqu’il comprend le sens de certains éléments, il refuse de les accepter.



1André Gide, Journal, Tome II, op. cit., « Carnets d’U.R.S.S. », p. 528.
2Retour, Chapitre V, p. 783.

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