Le communisme de Gide comporte ses
propres caractéristiques et diffère du communisme-léninisme.
Comment le voyageur esthète français réagit-il face à la
réalité du monde soviétique ?
Malgré l’accueil chaleureux qu’il reçoit, la déception de
l’écrivain est palpable. Le 25 juin 1936, soit cinq jours après
son arrivée sur les terres soviétiques, il notait déjà dans son
carnet : « Un pays où les boutons poussent plus vite que
les boutonnières1. »
Cette remarque, somme toute superficielle, montre cependant
l’irritation et le mal-être du voyageur, qui ne fait que
commencer. Il semble, à plusieurs reprises, se perdre dans ses
observations et ne plus savoir que penser et que croire. « Je
n’étais en U.R.S.S. que depuis huit jours et cherchais à
prendre le la2 »
indique une difficulté de saisir ce qu’il voit, et de
l’interpréter.
Ainsi, le communisme
gidien et les attentes personnelles de l’auteur
se heurtent à la réalité soviétique. Ceci donne lieu à toutes
sortes de stratégies d’écriture témoignant d’une
incompréhension qui se mélange encore à la volonté de croire au
système. Le réel est filtré, la syntaxe devient ambivalente. Le
rêve de Gide prend peu à peu le chemin d’une désillusion, voire
d’une dénonciation et d’une condamnation, mais l’écrivain ne
saute jamais le pas, et cet arrêt avant le changement radical de
position se traduit dans l’écriture. Au contact de la réalité
soviétique, le voyageur français se voit confronté à un double
problème : ses propres codes, avec lesquels il conçoit
l’U.R.S.S., l’empêchent de comprendre les faits. Mais lorsqu’il
comprend le sens de certains éléments, il refuse de les accepter.
1André
Gide,
Journal, Tome II, op.
cit., « Carnets
d’U.R.S.S. », p. 528.
2Retour,
Chapitre V, p. 783.
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