samedi 12 octobre 2019

Calibre : la tentative d'une plateforme unique de distribution d'ouvrages

    Calibre était un outil de distribution des ouvrages d'éditeurs dont la taille, le niveau des ventes, ou encore la faible rotation des stocks, ne leur permettaient pas d'être distribués par les industriels du secteur. La société a été créée le 12 janvier 2007 et son activité a commencé le 15 juin de la même année.

    Une réflexion sur la situation des petites structures d'édition est conduite au sein du Syndicat National de l'Edition (SNE) depuis la création d'un groupe de travail à l'automne 2003. Cette réflexion et ces échanges ont mis en avant la grande diversité des petites structures éditoriales, leur caractère très hétérogène ainsi que certaines de leurs attentes. Le Syndicat s'est appuyé sur ces travaux pour s'engager dans la mise en oeuvre d'un exemple de mesures concrètes qui ont été annoncées au salon du livre lors du forum du 20 mars 2005. Un an plus tard, une avancée importante en matière de distribution est marquée par l'annonce du projet Calibre.

    Une des mesures principales était d'alléger la trésorerie : les éditeurs qui passent contrat avec un distributeur se voient souvent imposer une retenue sur leur chiffre d'affaires en terme de garantie. Pour faciliter à l'éditeur l'obtention d'une caution bancaire afin de substituer cette retenue de garantie, le SNE s'est rapproché de l'Institut de Financement des Industries Culturelles (IFCIC), un établissement financier spécialisé, afin de mettre au point un mécanisme à la fois simple et adapté aux besoins.

    C'est au salon du livre, le 21 mars 2006, qu'a lieu la première présentation du projet Calibre qui vise à assurer la distribution des petits éditeurs généralement auto-distribués. Cette société est le fruit d'un travail collectif de plusieurs mois entre le SNE, le SLF (Syndicat des Libraires Français), le Ministère de la Culture et le Dilicom.

    Calibre est une société à but non lucratif. Elle vise l'atteinte de l'équilibre financier, la baisse de la commission de distribution et l'amélioration du service. A son commencement, son financement est assuré par les actionnaires et par une importante subvention de Cercle de la librairie qui marque ainsi son intérêt pour l'action interprofessionnelle.

    Sa conception et sa mise en place s'appuient sur la consolidation entre les flux d'information et les flux financiers, l'utilisation des circuits d'informations tels que Dilicom et Internet, le maintien des relations directes entre l'éditeur et le point de vente afin de fixer le taux de remise (Calibre n'assure que la distribution des ouvrages), ainsi que sur la possibilité de l'éditeur de garder une maîtrise sur ses ouvrages (ils sont conservés dans ses murs et non chez Calibre).

    La présidence de Calibre a été confiée à Jean-Manuel Bourgeois, PDG des éditions Magnard-Vuibert et de Dilisco, et ancien président du SNE. La direction générale a été assurée par Rémi Amar, précédemment directeur général adjoint de la diffusion des éditions du Seuil, puis de Volumen. Le conseil d'administration accueillait, outre les fondateurs, un représentant des éditeurs distribués. Il était ensuite épaulé d'un comité technique qui rassemblait éditeurs, libraires, ainsi qu'un représentant du Ministère de la Culture. Les premiers éditeurs à avoir rejoint Calibre sont : les éditions Gaud, les éditions Panacoco Roger Le Guern, Teramo éditions, les éditions Onan, les éditions Grand Sud, et les éditions Krakoen.

    Le principe de Calibre était de regrouper les commandes, les expéditions et les facturations afin d'assurer une baisse des coûts. Les libraires passaient directement commande à Calibre et non plus aux éditeurs. Calibre s’approvisionnait alors de la quantité des ouvrages concernés auprès des éditeurs. Les délais étaient fixés par ces derniers qui effectuaient la livraison sur la plateforme de distribution de Calibre. Le stock restait chez l'éditeur qui s'occupait de la gestion des ouvrages. Après réception des ouvrages, Calibre expédiait l'ensemble des volumes et des factures, tous éditeurs confondus, aux points de vente.

    En fin de mois, Calibre établissait le relevé des ouvrages vendus pour chaque éditeur. Le transport des livres, de la maison d'édition à la plateforme de distribution Calibre, restait à la charge de l'éditeur. L'utilisation d'un suivi informatisé permettait aux différents intervenants (points de vente, Calibre et éditeurs) de suivre, à tout moment, via Internet, l'avancement de chacune des commandes. Les prestations de Calibre étaient financées par une commission rémunérée par les éditeurs. La logistique fut confiée au CELF (Centre d'Exportation du Livre Français) à Paris.

    Les regroupements réalisés par Calibre offraient des avantages tant aux éditeurs qu'aux points de vente. La diminution des frais fixes et la baisse des coûts engendraient des économies pour chacun des intervenants et permettaient une plus grande souplesse dans la distribution des ouvrages.

    Le gain de temps permettait alors à chacun de se consacrer davantage à sa profession. L'éditeur édite et fait connaître sa production (Calibre n'étant pas diffuseur). Le point de vente oriente et conseille la clientèle vers une plus grande diversité d'ouvrages avec une meilleure connaissance de la petite édition.

   L'éditeur n'émettait qu'une seule facture par mois des commandes traitées à Calibre, alors qu'auparavant, il devait émettre autant de factures que d'envois effectués vers les différents points de vente. Par ailleurs, il était certain d'être payé, quel que soit le client : le recouvrement et le risque d'impayés étaient à la charge de Calibre qui gérait les comptes des éditeurs. L'éditeur recevait chaque mois des statistiques de vente lui permettant d'ajuster sa diffusion, de gérer ses stocks et ses tirages.

    Quant au point de vente, il émettait une commande unique auprès de Calibre au lieu d'émettre autant de commandes que d'éditeurs concernés. Le point de vente réceptionnait alors un envoi unique de la part de la plateforme unique de distribution. De plus, il recevait une seule facture par envoi, tous éditeurs confondus.

    S'il semble que le projet Calibre contenait plusieurs avantages et ait été reçu favorablement par la plupart des libraires, il a tout de même suscité un fort rejet auprès de certains éditeurs.

    La région PACA, deuxième région française de l'activité éditoriale, compte au moins trois associations professionnelles d'éditeurs dont "Editer en Haute-Provence". L'incohérence du projet Calibre résidait dans le fait qu'aucune de ces trois associations n'avait été consultée dans la définition de ce projet. Selon "Editer en Haute-Provence", trois aspects de la société Calibre ne changeaient en rien, voire aggravaient la situation entre éditeurs et libraires : l'acheminement des livres vers Paris restait aux frais de l'éditeur basé en province, Calibre ne possédait pas de stockage, et le règlement aux éditeurs ne se faisait que sous 90 jours. Selon eux, un outil commun de distribution ne sera acceptable que si ce sont les petits éditeurs indépendants eux-mêmes qui en définissent le projet économique et commercial en concertation avec les libraires. De plus, il importerait que cet outil soit décentralisé et structuré en plusieurs plateformes régionales ou inter-régionales. Ainsi, "Editer en haute-Provence" appelait à la "redéfinition complète de ce projet dans le cadre d'une réelle concertation".

    Selon les éditions Laurence Mauguin, "Calibre est un danger pour une petite structure d'édition" car ce projet ne tient pas compte de la différence entre les petites structures spécialisées et les grandes structures généralistes. Par ailleurs, ce projet restait onéreux pour l'éditeur puisque 14% de la vente d'un livre le lui était prélevé, ce qui représente un coût trop important à apporter à la distribution. Aussi les petites structures sont-elles trop hétérogènes pour être toutes gérées par une même société de distribution.

    Le projet Calibre permettait aux éditeurs et aux libraires de faire des économies et de gagner du temps afin de mieux se consacrer à leurs professions respectives. Ceci devait alors entraîner une augmentation des ventes. Cependant, certains éditeurs n'ont pas été consultés dans la constitution du projet, celui-ci pouvant avoir des conséquences néfastes pour certaines structures de petite taille, et a ainsi suscité une vive polémique.

    Au cours de l'année 2011, après quatre ans d'activité, Calibre a déposé le bilan. Elle pensait convaincre au minimum 250 éditeurs. Elle en distribuait en réalité 135 et travaillait avec près de 2 500 librairies. Mais son incapacité à stocker les ouvrages, les frais de transport à la charge de l'éditeur vers la plateforme parisienne et des délais de livraison souvent trop longs expliquent en partie la fin de la société. La diffusion dans les points de vente ne s'est pas montrée assez efficace. Cette antenne de distribution unique n'a donc pas fonctionné. L'Agence Régionale du Livre Provence Alpes Côte d'Azur conclut que "cette fermeture témoigne une nouvelle fois des écarts existants entre petites et grandes structures d'édition".

2 commentaires:

  1. Calibre est un gestionnaire de bibliothèques numériques gratuit, y a t'il un lien entre les 2 ?

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    1. Effectivement. Mais non : Calibre, dont il est question ici, était un outil de distribution pour les petits éditeurs. Après sa liquidation, elle a été reprise par Pollen, plateforme de distribution des éditeurs indépendants, en 2011.

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