samedi 11 janvier 2020

Retour de l'URSS d'André Gide : une oeuvre sous tensions - Introduction


Université de Bretagne Sud

U.F.R. Lettres Langues Sciences Humaines et Sociales

Master Littératures et Langages





Retour de l’U.R.S.S. 

d’André Gide :

une œuvre sous tensions





Gide sur l'aérodrome du Bourget, en partance pour Moscou, 
via Berlin, 16 juin 1936.




Caroline Le Grel
Mémoire de Master 2
Sous la direction de Madame Ioana Galleron

Année universitaire 2013/2014








        Remerciements

    Je tiens à remercier très chaleureusement ma directrice de mémoire, Madame Ioana Galleron, pour sa présence, son aide et ses conseils, mais aussi pour ses encouragements et son soutien, tout au long de ces deux dernières années.
    
    Je remercie également Xavier Teisseire et Chrystel Millon pour leur aide dans la mise en page de ce mémoire, Michel Henrichot pour ses conseils en matière de normes typographiques et son soutien, ainsi que Jean-Baptiste Bruneau pour ses conseils bibliographiques.

    Enfin, je remercie Marie-Christine Darenne et Véronique Dréan pour leurs encouragements et leur accompagnement dans mes démarches administratives de reprise d’études, ainsi que ma famille, mes collègues et mes amis pour leur soutien.









    Dans le contexte des années 1930, pour de nombreux intellectuels, seules deux voies d’engagement sont possibles : la foi fasciste ou la foi communiste. Entre ces deux modes de pensée, ils considèrent que seule la bourgeoisie inerte et passive ne veut pas choisir. C’est donc le moment pour de nombreux intellectuels et pour Gide particulièrement, de se ranger aux côtés du communisme, qu’ils considèrent comme défenseur de la paix et du bonheur. La voie ouverte par l’Union Soviétique apparaît à l’écrivain français comme celle de la construction, meilleure alliée contre le capitalisme et le fascisme, qui eux, se manifestent comme celle de la destruction.

    Aux lendemains de la Révolution russe de 1917, rien ne prédisposait Gide à un engagement aux côtés du communisme :
Lucien Maury, avec qui je déjeunais l’autre jour à Paris, s’inquiète beaucoup de cette vague de socialisme qu’il sent monter et qu’il pressent devoir submerger notre vieux monde après qu’on croira la guerre finie. Il croit inévitable la révolution et ne sait comment on pourra s’y opposer. Quand je lui parle de l’organisation de résistance que travaille à former L’Action française, il s’indigne ; Maurras l’exaspère et Léon Daudet l’indigne. Je comprends lui dis-je, qu’ils ne vous satisfassent point. Mais vous serez bien forcé de vous mettre avec eux si vous avez souci de résister. Il n’y aura pas de troisième parti. Ce sera comme au moment de l’affaire Dreyfus ; on devra être pour ou contre, malgré qu’on en ait. Le groupement de L’Action française ne vous plaît pas ? Ce n’est pas que moi-même je l’estime le meilleur – mais c’est le seul1.
Au vu de ces propos, Gide aurait presque pu se ranger aux côtés de L’Action française, au détail près, peut-être, qu’il fut du côté des Dreyfusards vingt ans plus tôt. Conscient qu’il faudra choisir le moment venu et qu’il n’y aura pas de demi-mesure possible, son camp semble, à l’aube de mars 1918, loin d’être défini d’avance.

    Après les événements du 6 février 1934, donnant lieu à Paris à de violentes manifestations des ligues d’extrême droite, trois intellectuels français, Alain, Paul Langevin, et Paul Rivet fondent au mois de mars de la même année le Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes, qui réunissait bon nombre d’intellectuels tels que Gide et Malraux. Ramon Fernandez, quant à lui, défend l’apolitisme chez les intellectuels. Ainsi explique-t-il dans une lettre ouverte à André Gide, sa volonté de n’appartenir à aucun parti : « Vous êtes communiste et je ne le suis pas encore : et je persiste à croire que mieux vaut ne l’être pas encore quand on veut servir, de la place où je suis les intérêts essentiels du prolétariat2. » L’intellectuel doit, selon lui, rester maître de toute sa liberté critique afin d’éclairer la classe prolétarienne, souvent trop portée à l’action directe. Cependant, cette liberté est un trompe-l’œil comme le montre l’utilisation même du vocabulaire communiste (« prolétariat »). Ainsi, Fernandez poursuit : 
Aujourd’hui, c’est différent, parce que toute absence dans le camp du prolétariat suscite une présence dans le camp des ennemis. […] Le redressement farouche et fou du capitalisme que nous constatons aujourd’hui a cette conséquence que le marxisme, vaille que vaille, est devenu l’unique rempart des opprimés, je veux dire simplement de ceux qui ont faim... Courons donc au plus pressé et laissons les arguties pour des temps meilleurs... […] Je suis de ceux qui ont cru, voici quelques années, à la possibilité d’une idéologie, d’une éthique de droite. Après le 6 février cet espoir n’est définitivement plus permis. […] Pour nous, rejoindre le prolétariat, c’est satisfaire un égoïsme bien compris. C’est faire œuvre de purification, gagner le droit d’une démarche assure, d’un regard ferme. C’est, au sens religieux du terme, nous sauver3.
    Ce cheminement idéologique et politique, décrit par Ramon Fermandez, est aussi celui de Gide. Cet engagement est d’autant plus facile que, pour bon nombre d’intellectuels, l’Union Soviétique bénéficie du prestige mythique d’un monde meilleur placé sous le signe de la liberté et du bonheur. Pour Gide, il s’agit de l’espoir d’une « société humaine pou[vant] répondre entièrement à son idéal : la divination de l’humain4 ». En outre, l’U.R.S.S. organisait les voyages pour les intellectuels français, très utiles dans la propagation du mythe en Europe : « Le pèlerinage à Moscou est à la mode, et les Soviétiques ont acquis un art presque parfait dans la réception des hôtes de marque5. » Rachel Mazuy observe qu’il est possible de « reconstruire ainsi une sorte de voyage type dont le récit passe par des moments clés toujours semblables et passés au prisme de l’enthousiasme ému, qui vont constituer autant de repères6 ». Il est possible de voir, dans l’ensemble des récits de témoignage sur l’U.R.S.S., trois axes majeurs récurrents dans l’ensemble des lieux visités7 : « les grands projets en construction et les réalisations grandioses qui attestent de l’ambition du régime8 », « les aspects les plus novateurs mis en place par ces sociétés révolutionnaires et égalitaires9 » comme par exemple le village de Bolchevo, ou encore les kolkhozes et les sovkhozes, « le cœur géographique, symbolique et politique du régime révolutionnaire10 », tel que la place Rouge, le Mausolée de Lénine. L’objectif de ces visites était de masquer la réalité au voyageur afin de propager, voire exalter le mythe de la grande U.R.S.S. en Occident.

    François Furet explique que le séjour de Romain Rolland fut un succès pour l’U.R.S.S. en matière de propagande. L’Union soviétique veut donc renouveler l’expérience : après plusieurs hésitations, mais néanmoins flatté, Gide cède. Il arrive à Moscou, un an après Rolland, avec son compagnon de voyage Pierre Herbart, qui était rentré d’U.R.S.S. depuis quelques temps. Il retrouve ensuite à Leningrad quatre de ses amis proches qui sont aussi du voyage : Eugène Dabit, Jef Last, Louis Guilloux et Jacques Schiffrin. Il reçoit de la part des soviétiques un accueil des plus chaleureux, rien n’est laissé au hasard. L’U.R.S.S. avait fait imprimer 300 000 cartes postales de son portrait11.

    Selon Thierry Maulnier, le mythe marxiste repose en Occident sur la confusion entre humanisme et humanitaire. L’humanisme, qui peut se définir comme le souci de connaissance par la culture, du plus haut développement de l’esprit en vue de la réalisation de soi et du bonheur personnel de l’homme, est confondu avec l’humanitaire qui lui tend à l’égalité entre tous, égalité sociale, mais aussi égalité dans le savoir et les esprits. De là, un risque d’uniformisation et de stagnation des productions culturelles apparaît, et que l’humanisme méconnaît. La « morale humanitaire12 » occidentale issue du marxisme prend donc sa source d’une part dans l’humanisme, avec la notion d’intellectualisme, et d’autre part dans le christianisme, avec la notion de charité. Elle exerce toute sa fascination sur Gide, l’auteur ayant pour obsession l’humanité dans son sens global.

    De plus, comme l’explique Lucien Duran, l’écrivain éprouve un mal être profond, notamment depuis son voyage au Congo en 1925 :
Gide traverse une des périodes de forte tension de son existence. Les événements l’ont bousculé, arraché (du moins pour cette période) à l’art. Il est allé trop loin dans la découverte de la souffrance physique, la plus insupportable, s’il faut en croire Montaigne13.
    Choqué par ce qu’il a vu, l’esthète s’éloigne de son art au profit de « la cause des peuples14 ». Quand la réalité est trop grave, elle ne peut être retranscrite par le roman, l’art ne suffit plus. François de Roux écrivait : « Il n’y a, pour lui, qu’un seul problème, qui les englobe tous : le problème de l’homme et de sa destinée. L’art est une limite arbitraire de ces problèmes15. » Ainsi Gide considère-t-il la question sociale comme relais de la création littéraire : « Si les questions sociales occupent aujourd’hui ma pensée, c’est aussi que le démon créateur s’en retire. Ces questions n’occupent la place que l’autre ne l’ait déjà cédée16. » Le mythe soviétique s’impose à l’écrivain en panne d’inspiration, et ayant perçu le monde autrement : « Ce besoin anxieux de rejoindre le monde des hommes, de les servir, la grande expérience soviétique paraît à Gide la seule qui puisse désormais le satisfaire17. »

    Il est, en outre, attiré par l’U.R.S.S. parce qu’il l’est par la foule et notamment par la jeunesse. Ayant toujours eu pour obsession la crainte de la dégénérescence physique, l’auteur s’est toujours senti proche des jeunes qui lui communiquent leur enthousiasme, et en qui il aperçoit l’aube du nouvel avenir. Ainsi Jean Loisy18 établissait-il un parallèle entre l’engagement de Gide et son œuvre de 1907, Le Retour de l’Enfant prodigue. L’intrigue, en effet, relate l’histoire de l’enfant quittant le domicile familiale par soif d’aventure et volonté de découvrir le monde. Vaincu par la misère, il rentre chez son père. À la différence de l’Évangile, celui-ci, à présent trop vieux, va ensuite aider son frère cadet à partir à son tour. Gide serait alors, par son engagement pour le soviétisme, semblable à cet enfant : à la recherche du nouveau monde, et de l’homme nouveau, mais conscient de son grand âge, il va encourager la jeunesse soviétique. Jean Guéhenno décrivait Gide ainsi : « Un homme qui vieillit et qui veut mourir jeune : tel m’apparaît M. Gide. Il ne veut surtout pas que la mort le saisisse, prononçant une parole de vieux19. [...] » La fatigue de son voyage en Afrique et sa progression dans l’âge l’amenaient « à subir et à amplifier l’attrait de cette terre jeune et ardente20 ». Aussi Gide déclarait-il lors de son allocution du 21 mars 1933 :
Jeunes gens de l’U.R.S.S., de tout cœur j’étais avec vous dès avant votre avènement dans l’histoire. Mais ce qui devait devenir, grâce à vous, réalité, ne m’apparaissait encore qu’utopie. Je doutais qu’une réalisation fut aussitôt possible, de ce que j’osais à peine entrevoir. Voilà pourquoi ce que vous apportez à notre vieux monde de jeune, de vivace et de neuf, mon cœur l’accueille avec reconnaissance : des raisons de dévouement enthousiaste qui redonnent du goût à la vie. […] Grâce à vous sera ce que l’on déclarait ne pas pouvoir être. Vous avez brisé les chaînes d’un passé qui pèse encore sur nous lourdement. Jeunes gens de l’U.R.S.S., merci pour cet immense espoir que vous permettez à nos cœurs et pour votre exemple admirable. Désormais, c’est les regards tournés vers vous que nous marchons21.
    Tout concourt ainsi pour que Gide se rallie au communisme au début des années 1930 :
Voyageur philosophe, nouveau Montaigne, il a dénoncé les violences de la colonisation française en Afrique. Bien qu’il ait emprunté à Nietzsche des accents littéraires, le fond de son esprit est fait des Évangiles d’une foi christique, mélange instable de révolte et de culpabilité, chemin classique vers les utopies révolutionnaires22.
De plus, Gide attend beaucoup du développement de la culture. Porté par la révolution d’Octobre, l’essor des préoccupations culturelles enthousiasment l’esthète. Comme l’explique Claude Frioux, « le nouveau régime y répond sans lésiner sur les moyens : studios de formation artistique pour amateurs, revues, publications, éditions de toutes sortes […]. Une pléiade de jeunes écrivains chargés d’un riche bagage d’impressions par la révolution et la guerre civile remplit l’arène littéraire23. »

    Gide n’en garde pas moins sa liberté d’indépendance. Ainsi a-t-il toujours refusé d’être inscrit au Parti, et représente-t-il parfaitement ce qu’on appelle le « compagnon de route24 ». Cependant, ce ralliement constitue un tournant dans l’œuvre et la vie de l’écrivain. Esthète héritier de Montaigne, Gide ne s’est jamais essayé à la politique, et n’avait jamais réellement pris position politiquement dans ses œuvres avant 1927. L’écrivain entre ainsi en contradiction avec lui-même, d’autant plus qu’il n’est pas un prolétaire, mais un bourgeois. Anticlérical, mais fervent croyant des Évangiles ; homme de lettres attaché à son indépendance d’esprit, et qui prône la liberté de l’écrivain ; esthète ignorant les rouages du monde politique et économique ; cet engagement ne va pas de soi.

    Retour de l’U.R.S.S. représente donc une rupture dans l’œuvre de Gide. C’est aussi une œuvre problématique, car elle rend compte du choc entre les raisons et les fantasmes qui motivent l’engagement, et une réalité qui n’y correspond pas. L’auteur tente de concilier l’aspiration et le vécu, avec un succès mitigé. Mais entre espoirs et désillusions, entre applaudissements et controverses, entre engagement et retour à l’art, le séjour en Union Soviétique de l’écrivain n’est pas facile à penser.

    L’objectif de ce mémoire, qui sera présenté ici sous forme d'une série d'articles correspondants aux parties et chapitres qui le composent, est d’analyser le Retour de l’U.R.S.S. comme une œuvre rendant compte des multiples tensions qui s’exercent sur l’écrivain dans les années 30 : tension entre l’esthète et l’engagé, entre les projections imaginaires et les découvertes réelles, entre la vérité et l’espoir... Ainsi, alors que Retour de l’U.R.S.S. est habituellement regardé comme le livre de la lucidité et de la prise de distance, la perspective ici adoptée sera de le considérer comme un livre qui prolonge l’auto-illusionnement25. Il importe d’étudier au préalable, le communisme gidien et ses différences par rapport à la doctrine marxiste-léniniste. L’objectif sera ensuite d’analyser comment cette incompréhension idéologique fondamentale se traduit dans un traitement particulier de la réalité vécue pendant le voyage, et comment elle laisse progressivement place à la déception. Enfin, par l’étude de la réception du Retour et de l’écriture des Retouches, il importera d’analyser les conclusions de Gide sur le communisme, et dans quelle mesure le Retour fut celui de l’écrivain à ses positions d’esthète.




1André Gide, Journal, Tome I : 1887-1925, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », édition établie, présentée et annotée par Éric Marty, 1996, 3 mars 1918, p. 1060.
2Ramon Fernandez, « Lettre ouverte à André Gide », La Nouvelle Revue Française, n° 247, avril 1934, p. 137.
3Id., p. 138.
4André Rousseaux, « Question à M. André Gide », Figaro, 18 janvier 1936, in http://www.gidiana.net/articles/GideDetail2.1936.96.pdf. [le 03/02/2013]
5François Furet, Le passé d’une illusion, in Penser le XXe siècle, Laffont, coll. Bouquins, 2007, p. 836.
6Rachel Mazuy, « Les ‘Amis de l’U.R.S.S.’ et le voyage en Union soviétique. La mise en scène d’une conversion (1933-1939) », Politix, vol. 5, n° 18, deuxième trimestre 1992, p. 119.
7« Moscou, Leningrad, le Caucase et la mer Noire, voici une route bien conventionnelle que Gide suivit au cours des neuf semaines de son séjour en U.R.S.S.. » Rudolf Maurer, André Gide et l’U.R.S.S., Tillier, 1983, p. 104.
8François Hourmant, « La croisière rouge, entre simulacre et théâtrocratie. Le système des privilèges des voyageurs au pays de l’Avenir Radieux », Revue historique, janvier/mars 2000, p. 128.
9Id., p. 129.
10Id., p. 130.
11François Furet, Le passé d’une illusion, op. cit., p. 837.
12Thierry Maulnier, « Le Collectivisme Humanitaire », La Revue universelle, volume 57, 1934, p. 246.
13Lucien Duran, « André Gide et l’U.R.S.S. », Mercure de France, volume 246, 15 août 1933, p. 103.
14Frank Lestringant, André Gide l’inquiéteur, Tome II : le sel de la terre ou l’inquiétude assumée 1919-1951, Flammarion, 2012, p. 533.
15François de Roux, « André Gide communiste », Activités, mai 1933, in http://www.gidiana.net/comm193332.htm. [le 04/02/2013]
16André Gide, Journal, Tome II : 1926-1950, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », édition établie, présentée et annotée par Martine Sagaert, 1997, p. 377.
17Jean de Saint-Charmant, « André Gide et le communisme », La Vie Intellectuelle, 25 octobre 1935, in http://www.gidiana.net/articles/GideDetail2.1935.90.pdf. [le 10/03/2013]
18Jean Loisy, « Gide et le communisme », La Revue du siècle, 1934, in http://www.gidiana.net/articles/GideDetail1917.54.htm. [le 13/04/2013]
19Jean Guéhenno in Henri Massis, Débats, volume 1, Plon, 1934, p. 67.
20Lucien Duran, « André Gide et l’U.R.S.S. », art. cit., p. 94.
21André Gide, Littérature engagée, Gallimard, 1950, « À la jeunesse de l’U.R.S.S. », p. 26-27.
22François Furet, Le passé d’une illusion, op. cit., p. 834.
23Claude Frioux, « Profil de la critique littéraire en Russie (1918-1930) », Cahiers du monde russe et soviétique, vol. 1, n°1, mai 1959, p. 109.
24Le « compagnon de route » est « un intellectuel qui, le plus souvent, n’adhère pas au parti et ne se sert guère du marxisme […]. Son engagement est ‘à distance’. Il appelle de tous ses vœux la révolution mondiale, sauf chez lui : pour André Gide, ‘cette expérience (le léninisme), c’est en Russie quelle devait être tentée [...]’. Vis-à-vis du parti communiste local, le compagnon fait quelques gestes : il appelle à voter pour lui, parfois sans prendre la peine de voter lui-même, participe à des réunions... […] Les mobiles sont complexes. Il y a d’abord la haine de la société capitaliste […]. Il y a la volonté masochiste d’expier (pas trop douloureusement) des origines bourgeoises et de communier avec le peuple. » David Caute, « Les compagnons de route. 1917-1968 », Politique étrangère, vol. 47, n°3, 1982, p. 752.
25Selon Marcel Koch, qui est allé deux fois en U.R.S.S., les récits élogieux de ces voyages soviétiques constituent « une illusion fondée sur l’idéalisation d’une société mythique qui pourrait s’apparenter à de l’aveuglement ». Ainsi écrit-il : « Les contacts que j’avais eus en Russie, ne m’avaient pas donné toute satisfaction […]. Mais, j’idéalisais. On a besoin d’idéaliser les choses […]. » Rachel Mazuy, « Les ‘Amis de l’U.R.S.S.’ et le voyage en Union soviétique. La mise en scène d’une conversion (1933-1939) », art. cit., p. 123.






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