Université
de Bretagne Sud
U.F.R.
Lettres Langues Sciences Humaines et Sociales
Master
Littératures et Langages
Retour de l’U.R.S.S.
d’André Gide :
une œuvre sous tensions
Gide sur l'aérodrome du Bourget, en partance pour
Moscou,
via Berlin, 16 juin 1936.
|
Caroline
Le Grel
Mémoire
de Master 2
Sous
la direction de Madame Ioana Galleron
Année universitaire
2013/2014
Remerciements
Je tiens à remercier très
chaleureusement ma directrice de mémoire, Madame Ioana Galleron, pour
sa présence, son aide et ses conseils, mais aussi pour ses
encouragements et son soutien, tout au long de ces deux dernières
années.
Je remercie également Xavier
Teisseire et Chrystel Millon pour leur aide dans la mise en page de
ce mémoire, Michel Henrichot pour ses conseils en matière de normes
typographiques et son soutien, ainsi que Jean-Baptiste Bruneau pour
ses conseils bibliographiques.
Enfin, je remercie Marie-Christine
Darenne et Véronique Dréan pour leurs encouragements et leur
accompagnement dans mes démarches administratives de reprise
d’études, ainsi que ma famille, mes collègues et mes amis pour
leur soutien.
Dans le contexte des années 1930, pour de
nombreux intellectuels, seules deux voies d’engagement sont
possibles : la foi fasciste ou la foi communiste. Entre ces deux
modes de pensée, ils considèrent que seule la bourgeoisie inerte et
passive ne veut pas choisir. C’est donc le moment pour de nombreux
intellectuels et pour Gide particulièrement, de se ranger aux côtés
du communisme, qu’ils considèrent comme défenseur de la paix et
du bonheur. La voie ouverte par l’Union
Soviétique apparaît à l’écrivain français comme celle de la
construction, meilleure alliée contre le capitalisme et le fascisme,
qui eux, se manifestent comme celle de la destruction.
Aux lendemains de la Révolution russe de 1917,
rien ne prédisposait Gide à un engagement aux côtés du
communisme :
Lucien Maury, avec qui je déjeunais l’autre jour à Paris, s’inquiète beaucoup de cette vague de socialisme qu’il sent monter et qu’il pressent devoir submerger notre vieux monde après qu’on croira la guerre finie. Il croit inévitable la révolution et ne sait comment on pourra s’y opposer. Quand je lui parle de l’organisation de résistance que travaille à former L’Action française, il s’indigne ; Maurras l’exaspère et Léon Daudet l’indigne. Je comprends lui dis-je, qu’ils ne vous satisfassent point. Mais vous serez bien forcé de vous mettre avec eux si vous avez souci de résister. Il n’y aura pas de troisième parti. Ce sera comme au moment de l’affaire Dreyfus ; on devra être pour ou contre, malgré qu’on en ait. Le groupement de L’Action française ne vous plaît pas ? Ce n’est pas que moi-même je l’estime le meilleur – mais c’est le seul1.
Au vu de ces propos, Gide aurait
presque pu se ranger aux côtés de L’Action française, au
détail près, peut-être, qu’il fut du côté des Dreyfusards
vingt ans plus tôt. Conscient qu’il faudra choisir le moment venu
et qu’il n’y aura pas de demi-mesure possible, son camp semble, à
l’aube de mars 1918, loin d’être défini d’avance.
Après les événements du 6 février 1934,
donnant lieu à Paris à de violentes manifestations des ligues
d’extrême droite, trois intellectuels français, Alain, Paul
Langevin, et Paul Rivet fondent au mois de mars de la même année le
Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes, qui réunissait
bon nombre d’intellectuels tels que Gide et Malraux. Ramon
Fernandez, quant à lui, défend l’apolitisme chez les
intellectuels. Ainsi explique-t-il dans une lettre ouverte à André
Gide, sa volonté de n’appartenir à aucun parti : « Vous
êtes communiste et je ne le suis pas encore : et je persiste à
croire que mieux vaut ne l’être pas encore quand on veut
servir, de la place où je suis les intérêts essentiels du
prolétariat2. »
L’intellectuel doit, selon lui, rester maître de toute sa liberté
critique afin d’éclairer la classe prolétarienne, souvent trop
portée à l’action directe. Cependant, cette liberté est un
trompe-l’œil comme le montre l’utilisation même du vocabulaire
communiste (« prolétariat »). Ainsi, Fernandez
poursuit :
Aujourd’hui, c’est différent, parce que toute absence dans le camp du prolétariat suscite une présence dans le camp des ennemis. […] Le redressement farouche et fou du capitalisme que nous constatons aujourd’hui a cette conséquence que le marxisme, vaille que vaille, est devenu l’unique rempart des opprimés, je veux dire simplement de ceux qui ont faim... Courons donc au plus pressé et laissons les arguties pour des temps meilleurs... […] Je suis de ceux qui ont cru, voici quelques années, à la possibilité d’une idéologie, d’une éthique de droite. Après le 6 février cet espoir n’est définitivement plus permis. […] Pour nous, rejoindre le prolétariat, c’est satisfaire un égoïsme bien compris. C’est faire œuvre de purification, gagner le droit d’une démarche assure, d’un regard ferme. C’est, au sens religieux du terme, nous sauver3.
Ce cheminement idéologique et politique, décrit
par Ramon Fermandez, est aussi celui de Gide. Cet engagement est
d’autant plus facile que, pour bon nombre d’intellectuels,
l’Union Soviétique bénéficie du prestige mythique d’un monde
meilleur placé sous le signe de la liberté et du bonheur. Pour
Gide, il s’agit de l’espoir d’une « société humaine
pou[vant] répondre entièrement à son idéal : la divination
de l’humain4 ».
En outre, l’U.R.S.S. organisait les voyages pour les intellectuels
français, très utiles dans la propagation du mythe en Europe :
« Le pèlerinage à Moscou est à la mode,
et les Soviétiques ont acquis un art presque parfait dans la
réception des hôtes de marque5. »
Rachel Mazuy observe qu’il est possible de « reconstruire
ainsi une sorte de voyage type
dont le récit
passe par des moments clés toujours semblables et passés au prisme
de l’enthousiasme ému, qui vont constituer autant de repères6 ».
Il est possible de voir, dans l’ensemble des récits de témoignage
sur l’U.R.S.S., trois axes majeurs récurrents dans l’ensemble
des lieux visités7 :
« les grands projets en construction et les réalisations
grandioses qui attestent de l’ambition du régime8 »,
« les aspects les plus novateurs mis en place par ces sociétés
révolutionnaires et égalitaires9 »
comme par exemple le village de Bolchevo, ou encore les kolkhozes et
les sovkhozes, « le cœur géographique, symbolique et
politique du régime révolutionnaire10 »,
tel que la place Rouge, le Mausolée de Lénine. L’objectif de ces
visites était de masquer la réalité au voyageur afin de propager,
voire exalter le mythe de la grande U.R.S.S. en Occident.
François Furet explique que le séjour de Romain
Rolland fut un succès pour l’U.R.S.S. en matière de propagande.
L’Union soviétique veut donc renouveler l’expérience :
après plusieurs hésitations, mais néanmoins flatté, Gide cède.
Il arrive à Moscou, un an après Rolland, avec son compagnon de
voyage Pierre Herbart, qui était rentré d’U.R.S.S. depuis
quelques temps. Il retrouve ensuite à Leningrad quatre de ses amis
proches qui sont aussi du voyage : Eugène Dabit, Jef Last,
Louis Guilloux et Jacques Schiffrin. Il reçoit de la part des
soviétiques un accueil des plus chaleureux, rien n’est laissé au
hasard. L’U.R.S.S. avait fait imprimer 300 000 cartes postales de
son portrait11.
Selon
Thierry Maulnier, le mythe marxiste repose en Occident sur la
confusion entre humanisme et humanitaire. L’humanisme, qui peut se
définir comme le souci de connaissance par la culture, du plus haut
développement de l’esprit en vue de la réalisation de soi et du
bonheur personnel de l’homme, est confondu avec l’humanitaire qui
lui tend à l’égalité entre tous, égalité sociale, mais aussi
égalité dans le savoir et les esprits. De là, un risque
d’uniformisation et de stagnation des productions culturelles
apparaît, et que l’humanisme méconnaît. La « morale
humanitaire12 »
occidentale issue du marxisme prend donc sa source d’une part dans
l’humanisme, avec la notion d’intellectualisme, et d’autre part
dans le christianisme, avec la notion de charité. Elle exerce toute
sa fascination sur Gide, l’auteur ayant pour obsession l’humanité
dans son sens global.
De plus, comme l’explique Lucien Duran,
l’écrivain éprouve un mal être profond, notamment depuis son
voyage au Congo en 1925 :
Gide traverse une des périodes de forte tension de son existence. Les événements l’ont bousculé, arraché (du moins pour cette période) à l’art. Il est allé trop loin dans la découverte de la souffrance physique, la plus insupportable, s’il faut en croire Montaigne13.
Choqué par ce qu’il a vu, l’esthète
s’éloigne de son art au profit de « la cause des peuples14 ».
Quand la réalité est trop grave, elle ne peut être retranscrite
par le roman, l’art ne suffit plus. François de Roux écrivait :
« Il n’y a, pour lui, qu’un seul problème, qui les englobe
tous : le problème de l’homme et de sa destinée. L’art est
une limite arbitraire de ces problèmes15. »
Ainsi Gide considère-t-il la question sociale comme relais de la
création littéraire : « Si les questions sociales
occupent aujourd’hui ma pensée, c’est aussi que le démon
créateur s’en retire. Ces questions n’occupent la place que
l’autre ne l’ait déjà cédée16. »
Le mythe soviétique s’impose à l’écrivain en panne
d’inspiration, et ayant perçu le monde autrement : « Ce
besoin anxieux de rejoindre le monde des hommes, de les servir, la
grande expérience soviétique paraît à Gide la seule qui puisse
désormais le satisfaire17. »
Il est, en outre, attiré par l’U.R.S.S. parce
qu’il l’est par la foule et notamment par la jeunesse. Ayant
toujours eu pour obsession la crainte de la dégénérescence
physique, l’auteur s’est toujours senti proche des
jeunes qui lui communiquent leur enthousiasme, et en qui il aperçoit
l’aube du nouvel avenir. Ainsi Jean Loisy18
établissait-il un parallèle entre l’engagement de Gide et son
œuvre de 1907, Le Retour de l’Enfant prodigue. L’intrigue,
en effet, relate l’histoire de l’enfant quittant le domicile
familiale par soif d’aventure et volonté de découvrir le monde.
Vaincu par la misère, il rentre chez son père. À
la différence de l’Évangile,
celui-ci, à présent trop vieux, va ensuite aider son frère cadet à
partir à son tour. Gide serait alors, par son engagement pour le
soviétisme, semblable à cet enfant : à la recherche du
nouveau monde, et de l’homme nouveau, mais conscient de son grand
âge, il va encourager la jeunesse soviétique. Jean Guéhenno
décrivait Gide ainsi : « Un homme qui vieillit et
qui veut mourir jeune : tel m’apparaît M. Gide. Il ne veut
surtout pas que la mort le saisisse, prononçant une parole de
vieux19.
[...] » La fatigue de son voyage en Afrique et sa progression
dans l’âge l’amenaient « à subir et à amplifier
l’attrait de cette terre jeune et ardente20 ».
Aussi Gide déclarait-il lors de son allocution du 21 mars 1933 :
Jeunes gens de l’U.R.S.S., de tout cœur j’étais avec vous dès avant votre avènement dans l’histoire. Mais ce qui devait devenir, grâce à vous, réalité, ne m’apparaissait encore qu’utopie. Je doutais qu’une réalisation fut aussitôt possible, de ce que j’osais à peine entrevoir. Voilà pourquoi ce que vous apportez à notre vieux monde de jeune, de vivace et de neuf, mon cœur l’accueille avec reconnaissance : des raisons de dévouement enthousiaste qui redonnent du goût à la vie. […] Grâce à vous sera ce que l’on déclarait ne pas pouvoir être. Vous avez brisé les chaînes d’un passé qui pèse encore sur nous lourdement. Jeunes gens de l’U.R.S.S., merci pour cet immense espoir que vous permettez à nos cœurs et pour votre exemple admirable. Désormais, c’est les regards tournés vers vous que nous marchons21.
Tout concourt ainsi pour que Gide se rallie au
communisme au début des années 1930 :
Voyageur philosophe, nouveau Montaigne, il a dénoncé les violences de la colonisation française en Afrique. Bien qu’il ait emprunté à Nietzsche des accents littéraires, le fond de son esprit est fait des Évangiles d’une foi christique, mélange instable de révolte et de culpabilité, chemin classique vers les utopies révolutionnaires22.
De plus, Gide attend beaucoup du
développement de la culture. Porté par la révolution d’Octobre,
l’essor des préoccupations culturelles enthousiasment l’esthète.
Comme l’explique Claude Frioux, « le nouveau régime y répond
sans lésiner sur les moyens : studios de formation artistique
pour amateurs, revues, publications, éditions de toutes sortes […].
Une pléiade de jeunes écrivains chargés d’un riche bagage
d’impressions par la révolution et la guerre civile remplit
l’arène littéraire23. »
Gide n’en garde pas moins
sa liberté d’indépendance. Ainsi a-t-il toujours refusé d’être
inscrit au Parti, et représente-t-il parfaitement ce qu’on appelle
le « compagnon de route24 ».
Cependant, ce ralliement constitue un
tournant dans l’œuvre et la vie de l’écrivain. Esthète
héritier de Montaigne, Gide ne s’est jamais essayé à la
politique, et n’avait jamais réellement pris position
politiquement dans ses œuvres avant 1927. L’écrivain entre ainsi
en contradiction avec lui-même, d’autant plus qu’il n’est pas
un prolétaire, mais un bourgeois. Anticlérical, mais fervent
croyant des Évangiles ;
homme de lettres attaché à son indépendance d’esprit, et qui
prône la liberté de l’écrivain ; esthète ignorant les
rouages du monde politique et économique ; cet engagement ne va
pas de soi.
Retour de
l’U.R.S.S.
représente donc une rupture dans l’œuvre de Gide. C’est aussi
une œuvre problématique, car elle rend compte du choc entre les
raisons et les fantasmes qui motivent l’engagement, et une réalité
qui n’y correspond pas. L’auteur tente de concilier l’aspiration
et le vécu, avec un succès mitigé. Mais entre espoirs et
désillusions, entre applaudissements et controverses, entre
engagement et retour à l’art, le séjour en Union Soviétique de
l’écrivain n’est pas facile à penser.
L’objectif
de ce mémoire, qui sera présenté ici sous forme d'une série d'articles correspondants aux parties et chapitres qui le composent, est d’analyser le Retour
de l’U.R.S.S. comme
une œuvre rendant compte des multiples tensions qui s’exercent sur
l’écrivain dans les années 30 : tension entre l’esthète
et l’engagé, entre les projections imaginaires et les découvertes
réelles, entre la vérité et l’espoir... Ainsi,
alors que Retour
de l’U.R.S.S.
est habituellement regardé comme le livre de la lucidité et de la
prise de distance, la perspective ici adoptée sera de le considérer
comme un livre qui prolonge l’auto-illusionnement25.
Il importe d’étudier
au préalable, le communisme gidien et ses différences par rapport à
la doctrine marxiste-léniniste. L’objectif sera ensuite d’analyser
comment cette incompréhension idéologique fondamentale se traduit
dans un traitement particulier de la réalité vécue pendant le
voyage, et comment elle laisse progressivement place à la déception.
Enfin, par l’étude de la réception du Retour
et de l’écriture des Retouches,
il importera d’analyser les conclusions de Gide sur le communisme,
et dans quelle mesure le Retour
fut celui de l’écrivain à ses positions d’esthète.
1André
Gide,
Journal, Tome I : 1887-1925, Gallimard, coll. « Bibliothèque
de la Pléiade », édition établie, présentée et annotée
par Éric
Marty, 1996, 3 mars 1918, p. 1060.
2Ramon
Fernandez, « Lettre
ouverte à André Gide », La Nouvelle Revue Française,
n° 247, avril 1934, p. 137.
3Id.,
p. 138.
4André
Rousseaux,
« Question à M. André Gide », Figaro,
18 janvier 1936, in
http://www.gidiana.net/articles/GideDetail2.1936.96.pdf. [le
03/02/2013]
5François
Furet,
Le
passé d’une illusion,
in
Penser le XXe
siècle,
Laffont, coll. Bouquins, 2007, p. 836.
6Rachel
Mazuy, « Les
‘Amis de l’U.R.S.S.’ et le voyage en Union soviétique. La
mise en scène d’une conversion (1933-1939) », Politix,
vol. 5, n° 18, deuxième trimestre 1992,
p. 119.
7« Moscou,
Leningrad, le Caucase et la mer Noire, voici une route bien
conventionnelle que Gide suivit au cours des neuf semaines de son
séjour en U.R.S.S.. » Rudolf Maurer,
André Gide et l’U.R.S.S., Tillier, 1983, p. 104.
8François
Hourmant, « La
croisière rouge, entre simulacre et théâtrocratie. Le système
des privilèges des voyageurs au pays de l’Avenir Radieux »,
Revue historique, janvier/mars 2000, p. 128.
9Id.,
p. 129.
10Id.,
p. 130.
12Thierry
Maulnier, « Le
Collectivisme Humanitaire », La Revue universelle,
volume 57, 1934, p. 246.
13Lucien
Duran, « André
Gide et l’U.R.S.S. », Mercure de France, volume 246,
15 août 1933, p. 103.
14Frank
Lestringant, André
Gide
l’inquiéteur,
Tome
II : le sel de la terre ou l’inquiétude assumée
1919-1951, Flammarion, 2012, p. 533.
15François
de Roux,
« André Gide communiste », Activités,
mai 1933, in
http://www.gidiana.net/comm193332.htm. [le 04/02/2013]
16André
Gide, Journal,
Tome II : 1926-1950, Gallimard, coll. « Bibliothèque
de la Pléiade », édition établie,
présentée et annotée par Martine Sagaert, 1997,
p. 377.
17Jean
de
Saint-Charmant, « André
Gide et le communisme », La
Vie Intellectuelle, 25 octobre
1935, in
http://www.gidiana.net/articles/GideDetail2.1935.90.pdf. [le
10/03/2013]
18Jean
Loisy, « Gide et le communisme », La
Revue du siècle, 1934, in
http://www.gidiana.net/articles/GideDetail1917.54.htm. [le
13/04/2013]
20Lucien
Duran, « André
Gide et l’U.R.S.S. », art. cit.,
p. 94.
23Claude
Frioux, « Profil
de la critique littéraire en Russie (1918-1930) », Cahiers
du monde russe et soviétique, vol. 1, n°1, mai 1959, p. 109.
24Le
« compagnon de route » est « un intellectuel qui,
le plus souvent, n’adhère pas au parti et ne se sert guère du
marxisme […]. Son engagement est ‘à distance’. Il appelle de
tous ses vœux la révolution mondiale, sauf chez lui : pour
André Gide, ‘cette expérience (le léninisme), c’est en Russie
quelle devait être tentée [...]’. Vis-à-vis du parti communiste
local, le compagnon fait quelques gestes : il appelle à voter
pour lui, parfois sans prendre la peine de voter lui-même,
participe à des réunions... […] Les mobiles sont complexes. Il y
a d’abord la haine de la société capitaliste […]. Il y a la
volonté masochiste d’expier (pas trop douloureusement) des
origines bourgeoises et de communier avec le peuple. » David
Caute, « Les
compagnons de route. 1917-1968 », Politique étrangère,
vol. 47, n°3, 1982, p. 752.
25Selon
Marcel Koch, qui est allé deux fois en U.R.S.S., les récits
élogieux de ces voyages soviétiques constituent « une
illusion fondée sur l’idéalisation d’une société mythique
qui pourrait s’apparenter à de l’aveuglement ». Ainsi
écrit-il : « Les contacts que j’avais eus en Russie,
ne m’avaient pas donné toute satisfaction […]. Mais,
j’idéalisais. On a besoin d’idéaliser les choses […]. »
Rachel Mazuy, « Les
‘Amis de l’U.R.S.S.’ et le voyage en Union soviétique. La
mise en scène d’une conversion (1933-1939) », art. cit.,
p. 123.