lundi 14 octobre 2019

Y'a-t-il un droit à la révolte ?

    La révolte est-elle légitime ? Est-elle compatible avec la loi ? Le droit représente un acte autorisé par la loi. La révolte, quant à elle, se définit par une attitude d'opposition à l'autorité établie. Elle peut conduire à la guerre civile ou à la dictature, tout comme elle peut se révéler justifiée sous un régime totalitaire. Mais comment définir les cas où la révolte serait légitime ? La loi est incompatible avec la révolte. Cette dernière peut néanmoins s'avérer légitime et peut être autorisée par la morale, si elle ne l'est pas par la loi, au nom de la défense de la liberté de l'homme. La révolte est donc légitime dans le cas de la défense des droits naturels et de l'intérêt général, mais, dans le cas contraire, elle peut représenter une menace. 

    S'il y a un droit à la révolte, ce droit ne peut être que moral. En effet, la loi ne peut autoriser la révolte puisqu'elle représente l'ensemble des règles qui ont pour objectif de régir les rapports entre les hommes au sein d'une société. Ceci désigne le droit positif, à savoir, le respect des lois établies par l'Etat auxquelles les hommes se doivent tous d'obéir : c'est l'idée du principe d'équité. Afin de respecter les droits d'autrui, il importe d'en avoir connaissance et, par conséquent, qu'ils soient identiques pour tous. Il importe d'accorder aux autres les droits que l'on réclame soi-même. Si une personne au sein d'une entreprise réclame une augmentation de salaire, il est légitime qu'elle s'applique à tous les employés. Or, ceci n'est pas toujours possible. Il faut parfois se contenter de ce que la loi autorise de faire, car tous les hommes n'ont pas la même conception de la justice. Ainsi les lois offrent-elles la possibilité d'instaurer un cadre, en prenant en compte l'intérêt général. La révolte, dans ce cas, n'est donc pas légitime.

    D'une part, le non respect des lois risque d'entraîner l'anarchie. Le peuple se révolte contre les lois instaurées par l'Etat afin de les changer ou de les abolir. Or, l'anarchie, c'est-à-dire l'absence de pouvoir, d'un état et de lois, entraîne nécessairement la guerre civile. Chacun se retrouve livré à lui-même. Personne n'est assez fort pour défendre ses intérêts : le recours à la force devient alors nécessaire pour les satisfaire. Dans Le Léviathan, Thomas Hobbes explique que la guerre civile n'a d'intérêt pour personne. Si l'anarchie s'instaurait, il serait impossible d'en sortir car personne ne serait suffisamment puissant pour imposer sa propre loi. L'homme mènerait alors une vie animale guidée par l'instinct de survie. De plus, la société serait d'autant plus inégalitaire : pourquoi certaines personnes travailleraient et d'autres non alors que tout le monde aurait les mêmes propriétés ? Par ailleurs, comment assurer la sécurité de tous ? Ainsi Nietzsche écrit-il : "l'homme est le plus faible des animaux".  La révolte constitue donc un risque pour la vie et le bien-être de l'humanité, ce qui ramène, là encore, à remarquer qu'elle est illégitime.

    D'autre part, si la révolte trouve une justification, le droit n'existe plus puisqu'il est régi par la loi. Lors d'une révolte, il y a un risque de dictature. C'est le cas des coups d'état et de  toute la violence qui s'ensuit. Lors de son arrivée au pouvoir en URSS, Staline fait éliminer tous ses opposants afin de créer un parti unique et de faire appliquer son idéologie à l'ensemble de la population par la répression. Les opposants sont déportés en Sibérie, dans les goulags, les camps de travail.

    Il en ressort donc, encore une fois, que la révolte s'oppose à la loi. En légitimant la révolte, le risque d'inégalités est encore plus élevé qu'auparavant. En résultent alors l'anarchie, au sein de laquelle l'homme ne vit plus mais survit, ou la dictature où le peuple se retrouve opprimé par un petit groupe de dirigeants qui se sont emparés du pouvoir. Ainsi n'existerait-t-il pas de justice universelle.

    Néanmoins, le droit positif, qui représente le respect des lois établies par l'Etat, ne respecte pas toujours le droit naturel qui désigne les droits de la nature humaine. Quelque soit le régime politique, la dignité de chacun, le droit au bonheur, la liberté de pensée et le droit à différence devraient être accordés à tous. Or, l'histoire montre que ceci fut loin d'être toujours le cas. Lors de la Deuxième guerre mondiale, sous le régime totalitariste nazi d'Hitler, le droit positif s'opposait catégoriquement au droit naturel. Plusieurs couches de la population étaient discriminées, dont majoritairement les Juifs. La dignité humaine fut bafouée dans les camps de concentration et d'extermination. La population et les jeunes soldats étaient conditionnés par l'idéologie nazie. Face à une telle déshumanisation, la révolte apparaît comme un droit, plus que légitime, afin de défendre le respect de la vie et de l'être humain, quelques soient ses différences.

    Par ailleurs, l'Etat n'est pas naturellement juste. Afin de tenter de définir une justice universelle, il faudrait que l'ensemble des personnes agisse dans l'intérêt général. Or, les exemples ne manquent pas quant à la mauvaise répartitions des richesses, dans maintes sociétés. Le peuple constitue la majeure partie de la population, et c'est lui qui est contraint d'obéir aux lois instaurées par l'Etat. Il ne serait alors pas incohérent, au vu du nombre de personnes que représente le peuple face aux dirigeants, qu'il puisse prendre des décisions dans la vie politique dans laquelle il souhaite vivre. Il est vrai que, pour ce faire, les urnes sont déjà présentes. Mais sont-elles suffisantes à une véritable participation de la population à la vie politique ? Les mesures sociales prises par l'Etat la concernent, et si elles lui semblent injustes, il est légitime qu'elle se révolte.

    Dans certains cas, la révolte est légitime et même nécessaire. Lors d'une dictature, l'homme doit se révolter afin de défendre ses droits naturels. C'est le cas de la Résistance au cours de la période nazie. Par ailleurs, l'Etat ne distribue pas toujours correctement les richesses entre les hommes. Le peuple applique les lois, il est donc en droit de se révolter contre des mesures afin d'éviter une loi qui lui semblerait être finalement une soumission, une injustice.

    Interdire la révolte reviendrait à justifier la dictature : l'obéissance à toute idéologie quelle qu'elle soit. Thomas Hobbes justifiait le totalitarisme afin d'éviter la guerre civile. Or, oppresser le peuple revient à le déshumaniser et à annihiler ses droits naturels. Selon Kant, l'homme doit fuir la soumission et se mettre en quête de liberté afin de penser par lui-même. Il a donc tout à fait le droit de se révolter afin de revendiquer sa participation active à la vie politique lorsqu'il en est exclu. 

    Or, l'homme ne doit pas se révolter chaque fois que l'un de ses intérêts se trouve insatisfait. Il doit penser en terme d'intérêt général. La révolte est légitime dans le cas du bien-être de l'ensemble de la population et non d'une infime partie de personnes, notamment dans la lutte contre la violence, contre le non-respect à la différence, contre la discrimination.

    La révolte s'oppose à la loi. Le droit est accordé par une loi votée par l'Etat : personne ne peut se le lui accorder lui-même. L'ensemble des personnes vivant dans une société régie par ces lois se doivent de les appliquer, sans se révolter, afin d'appliquer le principe d'équité, et donc, d'éviter l'anarchie et la guerre civile. La révolte est néanmoins légitime lors d'une dictature, lors du non-respect des droits naturels. Le peuple est aussi souverain : il lui appartient donc de décider du monde social dans lequel il souhaite vivre. La révolte n'a alors rien d'illégitime tant qu'elle est guidée par le respect des droits naturels. L'humanité devrait pouvoir accéder aux mêmes droits, et la révolte est finalement, parfois, nécessaire à cette égalité des droits.


    


samedi 12 octobre 2019

Calibre : la tentative d'une plateforme unique de distribution d'ouvrages

    Calibre était un outil de distribution des ouvrages d'éditeurs dont la taille, le niveau des ventes, ou encore la faible rotation des stocks, ne leur permettaient pas d'être distribués par les industriels du secteur. La société a été créée le 12 janvier 2007 et son activité a commencé le 15 juin de la même année.

    Une réflexion sur la situation des petites structures d'édition est conduite au sein du Syndicat National de l'Edition (SNE) depuis la création d'un groupe de travail à l'automne 2003. Cette réflexion et ces échanges ont mis en avant la grande diversité des petites structures éditoriales, leur caractère très hétérogène ainsi que certaines de leurs attentes. Le Syndicat s'est appuyé sur ces travaux pour s'engager dans la mise en oeuvre d'un exemple de mesures concrètes qui ont été annoncées au salon du livre lors du forum du 20 mars 2005. Un an plus tard, une avancée importante en matière de distribution est marquée par l'annonce du projet Calibre.

    Une des mesures principales était d'alléger la trésorerie : les éditeurs qui passent contrat avec un distributeur se voient souvent imposer une retenue sur leur chiffre d'affaires en terme de garantie. Pour faciliter à l'éditeur l'obtention d'une caution bancaire afin de substituer cette retenue de garantie, le SNE s'est rapproché de l'Institut de Financement des Industries Culturelles (IFCIC), un établissement financier spécialisé, afin de mettre au point un mécanisme à la fois simple et adapté aux besoins.

    C'est au salon du livre, le 21 mars 2006, qu'a lieu la première présentation du projet Calibre qui vise à assurer la distribution des petits éditeurs généralement auto-distribués. Cette société est le fruit d'un travail collectif de plusieurs mois entre le SNE, le SLF (Syndicat des Libraires Français), le Ministère de la Culture et le Dilicom.

    Calibre est une société à but non lucratif. Elle vise l'atteinte de l'équilibre financier, la baisse de la commission de distribution et l'amélioration du service. A son commencement, son financement est assuré par les actionnaires et par une importante subvention de Cercle de la librairie qui marque ainsi son intérêt pour l'action interprofessionnelle.

    Sa conception et sa mise en place s'appuient sur la consolidation entre les flux d'information et les flux financiers, l'utilisation des circuits d'informations tels que Dilicom et Internet, le maintien des relations directes entre l'éditeur et le point de vente afin de fixer le taux de remise (Calibre n'assure que la distribution des ouvrages), ainsi que sur la possibilité de l'éditeur de garder une maîtrise sur ses ouvrages (ils sont conservés dans ses murs et non chez Calibre).

    La présidence de Calibre a été confiée à Jean-Manuel Bourgeois, PDG des éditions Magnard-Vuibert et de Dilisco, et ancien président du SNE. La direction générale a été assurée par Rémi Amar, précédemment directeur général adjoint de la diffusion des éditions du Seuil, puis de Volumen. Le conseil d'administration accueillait, outre les fondateurs, un représentant des éditeurs distribués. Il était ensuite épaulé d'un comité technique qui rassemblait éditeurs, libraires, ainsi qu'un représentant du Ministère de la Culture. Les premiers éditeurs à avoir rejoint Calibre sont : les éditions Gaud, les éditions Panacoco Roger Le Guern, Teramo éditions, les éditions Onan, les éditions Grand Sud, et les éditions Krakoen.

    Le principe de Calibre était de regrouper les commandes, les expéditions et les facturations afin d'assurer une baisse des coûts. Les libraires passaient directement commande à Calibre et non plus aux éditeurs. Calibre s’approvisionnait alors de la quantité des ouvrages concernés auprès des éditeurs. Les délais étaient fixés par ces derniers qui effectuaient la livraison sur la plateforme de distribution de Calibre. Le stock restait chez l'éditeur qui s'occupait de la gestion des ouvrages. Après réception des ouvrages, Calibre expédiait l'ensemble des volumes et des factures, tous éditeurs confondus, aux points de vente.

    En fin de mois, Calibre établissait le relevé des ouvrages vendus pour chaque éditeur. Le transport des livres, de la maison d'édition à la plateforme de distribution Calibre, restait à la charge de l'éditeur. L'utilisation d'un suivi informatisé permettait aux différents intervenants (points de vente, Calibre et éditeurs) de suivre, à tout moment, via Internet, l'avancement de chacune des commandes. Les prestations de Calibre étaient financées par une commission rémunérée par les éditeurs. La logistique fut confiée au CELF (Centre d'Exportation du Livre Français) à Paris.

    Les regroupements réalisés par Calibre offraient des avantages tant aux éditeurs qu'aux points de vente. La diminution des frais fixes et la baisse des coûts engendraient des économies pour chacun des intervenants et permettaient une plus grande souplesse dans la distribution des ouvrages.

    Le gain de temps permettait alors à chacun de se consacrer davantage à sa profession. L'éditeur édite et fait connaître sa production (Calibre n'étant pas diffuseur). Le point de vente oriente et conseille la clientèle vers une plus grande diversité d'ouvrages avec une meilleure connaissance de la petite édition.

   L'éditeur n'émettait qu'une seule facture par mois des commandes traitées à Calibre, alors qu'auparavant, il devait émettre autant de factures que d'envois effectués vers les différents points de vente. Par ailleurs, il était certain d'être payé, quel que soit le client : le recouvrement et le risque d'impayés étaient à la charge de Calibre qui gérait les comptes des éditeurs. L'éditeur recevait chaque mois des statistiques de vente lui permettant d'ajuster sa diffusion, de gérer ses stocks et ses tirages.

    Quant au point de vente, il émettait une commande unique auprès de Calibre au lieu d'émettre autant de commandes que d'éditeurs concernés. Le point de vente réceptionnait alors un envoi unique de la part de la plateforme unique de distribution. De plus, il recevait une seule facture par envoi, tous éditeurs confondus.

    S'il semble que le projet Calibre contenait plusieurs avantages et ait été reçu favorablement par la plupart des libraires, il a tout de même suscité un fort rejet auprès de certains éditeurs.

    La région PACA, deuxième région française de l'activité éditoriale, compte au moins trois associations professionnelles d'éditeurs dont "Editer en Haute-Provence". L'incohérence du projet Calibre résidait dans le fait qu'aucune de ces trois associations n'avait été consultée dans la définition de ce projet. Selon "Editer en Haute-Provence", trois aspects de la société Calibre ne changeaient en rien, voire aggravaient la situation entre éditeurs et libraires : l'acheminement des livres vers Paris restait aux frais de l'éditeur basé en province, Calibre ne possédait pas de stockage, et le règlement aux éditeurs ne se faisait que sous 90 jours. Selon eux, un outil commun de distribution ne sera acceptable que si ce sont les petits éditeurs indépendants eux-mêmes qui en définissent le projet économique et commercial en concertation avec les libraires. De plus, il importerait que cet outil soit décentralisé et structuré en plusieurs plateformes régionales ou inter-régionales. Ainsi, "Editer en haute-Provence" appelait à la "redéfinition complète de ce projet dans le cadre d'une réelle concertation".

    Selon les éditions Laurence Mauguin, "Calibre est un danger pour une petite structure d'édition" car ce projet ne tient pas compte de la différence entre les petites structures spécialisées et les grandes structures généralistes. Par ailleurs, ce projet restait onéreux pour l'éditeur puisque 14% de la vente d'un livre le lui était prélevé, ce qui représente un coût trop important à apporter à la distribution. Aussi les petites structures sont-elles trop hétérogènes pour être toutes gérées par une même société de distribution.

    Le projet Calibre permettait aux éditeurs et aux libraires de faire des économies et de gagner du temps afin de mieux se consacrer à leurs professions respectives. Ceci devait alors entraîner une augmentation des ventes. Cependant, certains éditeurs n'ont pas été consultés dans la constitution du projet, celui-ci pouvant avoir des conséquences néfastes pour certaines structures de petite taille, et a ainsi suscité une vive polémique.

    Au cours de l'année 2011, après quatre ans d'activité, Calibre a déposé le bilan. Elle pensait convaincre au minimum 250 éditeurs. Elle en distribuait en réalité 135 et travaillait avec près de 2 500 librairies. Mais son incapacité à stocker les ouvrages, les frais de transport à la charge de l'éditeur vers la plateforme parisienne et des délais de livraison souvent trop longs expliquent en partie la fin de la société. La diffusion dans les points de vente ne s'est pas montrée assez efficace. Cette antenne de distribution unique n'a donc pas fonctionné. L'Agence Régionale du Livre Provence Alpes Côte d'Azur conclut que "cette fermeture témoigne une nouvelle fois des écarts existants entre petites et grandes structures d'édition".

jeudi 26 septembre 2019

Jean-Marie Blas de Roblès, L’île du Point Némo : un roman déroutant

       Comment décrire cette oeuvre de Jean-Marie Blas de Roblès ? Vaste question. Un roman d'aventures où les nombreuses analepses et digressions interviennent au milieu d'une quête au cours de laquelle viennent se greffer péripéties et bon nombre de références intertextuelles. Les premières pages sont assez déroutantes : le lecteur se perd dans la chronologie et le récit, et  il ne comprend pas bien où l'auteur souhaite l'emmener. Au fil des pages, le roman commence à prendre sens. Les nombreuses références littéraires et philosophiques sont au service du récit et bien souvent traitées avec ironie : c'est notamment le cas du chapitre intitulé 'Leibniz est un crétin". Entre péripéties, mise en abîme, digressions humoristiques de la misérable vie sexuelle du personnage de Dieumercie, et références littéraires et philosophiques dotées d'une ironie omniprésente, de Leibniz et Schopenhauer à Flaubert et Balzac, l'auteur ne cesse de surprendre son lecteur et de l'entraîner dans les méandres d'un roman d'aventures qui se révèle également comme une parabole de la lecture et de la littérature.

samedi 21 septembre 2019

Le Cousins Pons d'Honoré de Balzac : entre fiction et peinture socio-culturelle

    La Comédie Humaine de Balzac est une gigantesque entreprise littéraire regroupant la quasi totalité de l'oeuvre de son auteur, à savoir, quatre-vingt-dix ouvrages, de 1829 à 1850. Elle se dessine en plusieurs sections et se veut en cela exhaustive quant à la peinture des mœurs et des caractères humains au sein de cadres spacio-temporels  et socio-culturels différents. Ainsi est-elle divisée en trois grandes sections dont L'Etude des mœurs est la plus abondante. Celle-ci regroupe les Scènes de la vie privée, les Scènes de la vie de Province ainsi que les Scènes de la vie parisienne. Aussi Balzac écrit-il dans une lettre à Mme Hanska du 26 octobre 1834 : "Les Etudes de mœurs représentent tous les effets sociaux sans que ni une situation de la vie,  ni une  physionomie, ni un caractère d’homme ou de femme, ni une manière de vivre, une profession, ni une  zone  sociale, ni un pays français, ni quoi que ce soit de l’enfance, de la vieillesse, de l’âge mûr, de la  politique, de la justice, de la guerre, ait été oublié."

    Le Cousin Pons, publié en premier lieu en feuilleton dans Le Constitutionnel, devait être, à l'origine, une nouvelle d'une quarantaine de pages. Au fur et à mesure de son écriture, Balzac se plaît à la transformer en roman en y ajoutant toute l'intrigue et les péripéties autour du 'Musée Pons". Le titre de l'oeuvre n'a pas été immédiatement celui sous lequel elle est aujourd'hui connue. Après, entre autres, Le Bonhomme Pons et Les Deux musiciens, le roman est finalement publié sous le nom du Cousin Pons en 1847 et, constitue, avec La Cousine Bette, l'un des derniers romans des Scènes de la vie parisienne.

    L'oeuvre balzacienne est marquée par le réalisme. Le genre romanesque permet à l'écrivain d'intégrer une fiction à un contexte social, politique et historique (Les Chouans relèvent d'ailleurs du roman historique). La fiction est au service de la peinture d'une société : elle permet de mettre lumière tant les bienfaits que les méfaits de la répercussion d'un contexte sociétal sur les vices et les vertus de l'être humain. 

     Pour ce faire, Balzac crée des 'types", c'est-à-dire des caractères humains sur une toile de fond historique omniprésente. La fin de chaque récit peint une issue heureuse ou malheureuse des héros au prisme d'un cadre socio-culturel et spacio-temporel particuliers. Ces personnages représentent un type de personne de la société tels que la concierge, la portière, le juriste, le collectionneur, l'artiste... L'auteur crée ainsi des personnages redondants au fil de La Comédie Humaine qui évoluent différemment selon le contexte dans lequel ils sont immergés. Mme de Marville, présente dans Le Cousin Pons, apparaissait déjà dans des œuvres antérieures. Elle se caractérise par l'importance accordée à son ascension sociale. De même, le personnage de Schmucke était déjà présent dans Une Fille d'Eve en tant que professeur de musique où il connaît une fin heureuse, contrairement à sa destinée dans Le Cousin Pons. Le personnage balzacien est doté d'une physionomie correspondant à son caractère qui suscite l'intérêt du lecteur par sympathie ou antipathie.

    Les fins des œuvres de Balzac se concluent sur une chute, heureuse ou malheureuse, qui invite le lecteur à une active réflexion. Le Colonel Chabert et Le Père Goriot, tout comme Le Cousin Pons, mettent en exergue le triomphe des vices sociaux et spéculaires sur les valeurs morales. Le réalisme balzacien, de du début à la fin, inclut le lecteur dans une sorte de dimension didactique des comportements humains au sein d'un cadre spacio-temporels et socio-culturels donnés. 

    Dans Le Cousin Pons, Balzac met en scène des personnages représentants d'une identité, d'une ethnie, ou d'une classe sociale sur fond 'd'un appât du gain permanent et de manipulation tant morale que juridique. Aussi cette oeuvre pourrait-elle bine être une "comédie terrible". Pons et Schmucke, surnommés "les deux casses-noisettes", sont deux célibataires résidents dans l'appartement de Sylvain Pons. Ils sont liés par un amitié des plus sincères. Tous deux musiciens, et Pons, également collectionneur d'art, vivement en marge de la société de spéculation de la vie parisienne de la première moitié du XIXe siècle. Ils représentent le "type" de l'artiste aux vertus esthètes et morales. Les personnages qui les entourent s'avèrent malveillantes : elles tentent par toutes les formes de manipulation d'acquérir le "Musée Pons" et de déshériter l'ami Schmucke par n'importe quelle controverse. Les Marville, dont Sylvain Pons est le cousin, tentent, par tous les moyens, notamment avec l'aide de Fraisier et son ami le docteur Poulain, de récupérer la collection d'art après sa mort au détriment du brave allemand dont Pons avait fait son légataire universel. 

    Ces éléments ne sont pas sans rapport avec la situation personnelle de Balzac au moment où il rédige son roman : le poids familial règne également sur lui puisqu'il est surendetté auprès de sa mère. De même, l'isotopie du bric-à-brac peut être rapprochée des lettres envoyées à Mme Hanska lors de l'écriture du Cousin Pons et de La Cousine Bette lorsqu'il écrit à sa future épouse qu'il songe à la recherche de meubles pour leur future installation.

    La Cibot et La Sauvage représentent la classe sociale basse des portières, prêtes à tout pour amasser de l'argent et s'élever socialement. De même Elie Magus et Remonencq se révèlent être des prédateurs de la collection Pons au nom du bric-à-brac qui leur est cher et, bien sûr, de sa valeur. Seul personnage moralement bon et venant en aide à Schmucke à la mort de Pons : l'ami du théâtre, Topinard.

    Dans Le Cousin Pons, les personnages sont grandement caractérisés par leur appartenance ethnique. Schmucke représente l'Allemand naïf, artiste au bon cœur inaccoutumé aux mœurs économiques françaises. C'est d'ailleurs ce qui le perdra puisqu'il se fait dépouiller par les Marville par méconnaissance de la juridiction française ainsi que par son ancrage dans le chagrin de la perte de son ami. Bruner, autre figure allemande du roman, avec qui Pons échoue à marier sa cousine Cécile, représente l'Allemand romantique et métisse puisqu'il est d'origine juive. Elie Magus représente la figure du commerçant juif telle que s'en fait Balzac, mais aussi du collectionneur, bien que ce soit d'une manière différente de celle de Pons. C'est ainsi que lorsque Magus s'intéresse au "Musée Pons", Rémonencq rétorque : "Tous les Juifs ne vivent pas en Israël". Il ne faudrait pas se méprendre en voyant là un Balzac antisémite : il s'agit davantage d'un stéréotype du commerçant juif du XIXe siècle cherchant à faire de bonnes affaires. Quant à l'Auvergnat Rémonencq, il ne manque pas d'idée pour s'enquérir de la collection Pons, jusqu'à épousé La Cibot. Ce personnage sera néanmoins châtié puisqu'il s'empoisonne lui-même en voulant assassiner sa femme.

    Plus encore que la création de "types" ethniques, Balzac associe à chacun de ces personnages un idiolecte socio-culturel. Les discours directs en sont très représentatifs : La Cibot use d'un vocabulaire simpliste, naïf, intellectuellement bas avec un accent la rendant idiote et grossière que Balzac se plaît à relater phonétiquement. Il en est de même pour l'accent allemand de Schmucke dont les discours directs sont rapportés de manière phonétique, tout comme pour Rémonencq avec son accent auvergnat.

    La supercherie et la manipulation constituent les fils conducteur du Cousin Pons. Substitutions de tableaux et de testament en sont les deux exemples les plus pertinents. Les valeurs morales sont alors bafouées par l'appât du gain et la volonté d'ascension sociale des personnages qui gravitent autour des "deux casses-noisettes", à l'exception de Topinard, l'ami du théâtre, dont il importe de relever les qualités morales. La fin de l'oeuvre s'apparente à la "comédie terrible" dans laquelle Pons, puis Schmucke, trouvent la mort. Par ailleurs, la collection Pons ne revient pas à Elie Magus, lui aussi collectionneur d'art, ce qui aurait pu paraître comme un moindre mal en dépit du décès du fidèle ami allemand dépassé par les événements. Ainsi les liens familiaux, le complot et l'aspect pécuniaire l'emportent-ils sur les valeurs morales. 


vendredi 20 septembre 2019

Jules Supervielle, Gravitations,"Le matin du monde"

    Jules Supervielle publie en 1925 l'un de ses plus grands recueils : Gravitations. Ne relevant d'aucune école particulière, il apparaît, par ses choix thématiques et stylistiques, comme le réconciliateur entre la poétique traditionnaliste et la poétique moderniste. Gravitations est marqué par l'omniprésence du thème cosmique et de la place de l'homme dans l'univers : remonter le temps, c'est tendre vers l'origine de la Terre, mais aussi de l'individu.

    "Le matin du monde" est extrait de la deuxième section du recueil (composé de neuf sections) intitulée "Matins du monde". La dédicace au traducteur argentin Victor Llona a toute son importance. Ce dernier traduit notamment Un Flâneur en Patagonie et Sous le vent de la Pampa de William Henry Hudson, récits de séjours en Amérique latine d'où est originaire Supervielle. De plus, ces œuvres évoquent des instants d'éblouissement face à un paysage décrit dans sa sauvagerie première comme aux premiers matins du monde. Il est à noter que "Le matin du monde" avait pour titre, dans l'édition originale : "Ville natale". Ainsi l'auteur reviendrait-il sur le lieu de ses propres origines par un retour aux origines du monde. Dans ce poème, le poète établit une description progressive du lever du monde en y insérant, dans un ordre différent, les éléments constituant l'origine du monde issus de la Genèse.

Le traitement du fantastique dans les œuvres de Jorge Luis Borges et d’Edgar Allan Poe


   
    L'écrivain argentin Jorge Luis Borges peut être désigné comme l’un des maîtres de la littérature fantastique du XXe siècle. Ses Fictions (1944) et L’Aleph (1949) sont en effet très représentatives du genre. Grâce aux origines anglaises de sa grand-mère paternelle, Borges était bilingue et s’est ainsi beaucoup intéressé à la littérature anglophone, notamment à celle de l’Amérique du Nord. Ainsi est-il possible de voir dans certaines de ses fictions l’influence qu’a pu avoir sur lui un autre maître du fantastique : Edgar Allan Poe. Plus encore, Borges cite explicitement l’auteur américain dans le tout premier texte qu’il écrit aux suites de son accident à la tête, « Pierre Ménard, auteur du Quichotte » (1939). Il décrit l’auteur fictif de sa nouvelle, tel « un symboliste de Nîmes, essentiellement dévot de Poe1 ». De plus, Ménard écrit dans sa lettre : « Je ne peux pas imaginer l’univers sans l’exclamation d’Edgar Allan Poe : Ah, bear mind this garden was enchanted2 !3 ». Au-delà de cette influence explicite, plusieurs éléments ayant trait au genre fantastique sont présents chez Borges aussi bien que chez Poe. Il est ainsi intéressant d’effectuer une comparaison entre plusieurs nouvelles de ces deux auteurs quant à leur manière dont ils sont traités. Cette analyse s’appuiera sur « Tlön Uqbar Obis Tertius », « La Bibliothèque de Babel », « Le Livre de Sable », et « L’Aleph » de Borges ; en comparaison avec « Double assassinat dans la rue Morgue », « La lettre volée », « Le scarabée d’or », et « La Chute de la maison Uher » de Poe. L’objectif sera d’étudier la manière dont sont abordés les motifs du fantastique chez ces deux auteurs, leur goût pour les énigmes et les manuscrits, ainsi que leur conception particulière de la place de l’homme dans l’univers.


1 Les motifs du fantastique

    Le genre fantastique est, par définition, caractérisé par l’irruption d’un événement inexpliqué dans une situation réelle. Ces motifs, qui créent une atmosphère angoissante pour le lecteur, sont récurrents mais diffèrent dans leur traitement et dans leur signification selon les auteurs.
    La situation temporelle dans les nouvelles de Borges et de Poe est assez similaire. En effet, il s’écoule toujours un laps de temps entre la découverte de l’élément fantastique et l’action. Dans « La Chute de la maison Usher », il s’écoule quinze jours entre la mort présumée de Lady Madeline et sa réapparition, temps au cours duquel la santé mentale d’Uher se dégrade, tout comme où il s’écoule 1 mois dans « La lettre volée » sans que le préfet n’ait trouvé quelconque indice sur la cachette de ladite lettre. Dans « le scarabée d’or », suite à la découverte du scarabée, Legrand attend un mois avant de recontacter son ami, ce qui lui a laissé le temps d’évoluer dans un état d’agitation avancée, de même que dans « L’Aleph » où le narrateur n’a pas de nouvelles de Carlos Argentino pendant plusieurs mois, jusqu’à ce que ce dernier soit devenu mentalement très perturbé suite à la découverte de l’Aleph. La période écoulée suite à la découverte fantastique représente l’espace temporel qui peut exister sur les agissements de l’être humain dans une situation telle.
    La situation initiale, chez Poe comme chez Borges, se déroule généralement à l’extérieur de leur domicile, dans des lieux plus ou moins atypiques, plus ou moins inquiétants. Dans « La Chute de la maison Usher », le narrateur parle de « la mélancolique Maison Uher4 ». Dans « L’Aleph », il semble s’agir d’une maison hantée par l’amie morte du narrateur : « il s’agissait d’une maison qui, pour moi, ne cessait de parler de Beatriz », un peu à l’image de la maison Usher chez Poe, hantée par Lady Madeline ; et où l’action principale se déroule dans une cave. Dans « Le scarabée d’or », les événements se déroulent sur une « île des plus singulières5 », qui « n’est guère composée que de sable de mer6 », et dans « Tlön Uqbar Orbis Tertius » dans une villa où « le miroir inquiétait le fond d’un couloir7 ». La récurrence du reflet du miroir a également toute son importance chez ces deux auteurs. Dans ce conte de Borges, c’est précisément le miroir qui permet la découverte de l’objet insolite : « C’est à la conjonction d’un miroir et d’une encyclopédie que je dois la découverte d’Uqbar8. » De plus, ce motif du miroir dans la littérature fantastique, faisant presque l’objet d’une personnalisation, a pour effet de renforcer l’inquiétude et l’étrangeté. C’est en ce sens que le narrateur poursuit : « Du fond lointain du couloir le miroir nous guettait. Nous découvrîmes (à une heure avancée de la nuit cette découverte est inévitable) que les miroirs ont quelque chose de monstrueux9 », et parle-t-il de « fond illusoire des miroirs10 ». Le miroir devient alors un objet d’angoisse, reflétant une réflexion plus profonde sur la représentation des éléments dans l’univers : « Bioy Casares se rappela alors qu’un des hérésiarques d’Uqbar avait déclaré que les miroirs et la copulation étaient abominables, parce qu’ils multipliaient le nombre des hommes11. » Ces propos font également écho à ceux de « La Bibliothèque de Babel : « Dans le couloir il y a une glace, qui double fidèlement les apparences12. » Il en est de même dans « La chute de la maison Uher » où, le miroir, métaphorisé par l’étang, reflète tous les éléments les plus étranges et les plus angoissants : « un noir et lugubre étang, qui, miroir immobile, s’étalait devant le bâtiment ; et je regardai – mais avec un frisson plus pénétrant encore que la première fois – les images répercutées et renversées13 ». Il est à noter que la disparition de cet étang-miroir coïncide avec celle de la maison : « l’étang profond et croupi placé à mes pieds se referma tristement et silencieusement sur les ruines de la Maison Usher14. »
    L’emploi de la lumière et de l’obscurité ont également leur importance dans la signification des éléments. L’obscurité, souvent représentée par la nuit, ou par une pièce mal éclairée, signifie généralement l’obscurantisme intellectuel (au début de la « Bibliothèque de Babel », « ces globes [les lampes] émettent une lumière insuffisante, incessante15 » ; dans le « scarabée d’or », les « lanternes sourdes16 » sont associées à la tourmente du personnage), ou l’angoisse (« la nuit, comme une propriété qui lui aurait été inhérente, déversait sur tous les objets de l’univers physique et moral une irradiation incessante de ténèbres17 »). La lumière, qui se décline sous différentes formes (lampes, lanternes, or brillant, soleil éclatant, feu), est souvent la métaphore de la connaissance et de la découverte. À la fin de « La Bibliothèque de Babel », le narrateur « soupçonne que l’espèce humaine […] est près de s’éteindre, tandis que la Bibliothèque se perpétuera : éclairée18 [...] », et défend ainsi l’idée d’une connaissance totale et immortelle. Il en est de même dans « L’Aleph » : d’une part le narrateur voit l’Aleph lorsqu’il ouvre les yeux, et d’autre part il écrit que « Si tous les lieux de la terre sont dans l’Aleph, il y aura aussi toutes les lampes, toutes les sources de lumière19 ». Dans « Le scarabée d’or », c’est grâce à la force de la lumière et à la chaleur du feu, que le personnage va pouvoir lire le message du parchemin : « Quand j’eus bien considéré toutes ces circonstances, je ne doutai pas un instant que la chaleur n’eût été l’agent qui avait fait apparaître sur le parchemin le crâne dont je voyais l’image20 ». Il est également frappant de constater dans cette nouvelle que lors de la découverte du coffre après résolution de l’énigme, « les rayons des lanternes tombaient dans la fosse, et faisaient jaillir d’un amas confus d’or et de bijoux des éclairs et des splendeurs qui nous éblouissaient positivement les yeux21 ». Ce qui était précédemment symbole d’obscurité intellectuelle laisse place à l’éblouissement de la connaissance.
    Apparaît dans ces textes une mise en abîme de la littérature fantastique, conjointement à l’angoisse du narrateur, ou à la thématique du double, souvent utilisée dans le genre. Chez Borges, lorsqu’il semble se produire un phénomène étrange dans la comparaison des articles de l’Encyclopœdia Britannica, le narrateur écrit que « la littérature d’Uqbar était de caractère fantastique22 » ; tandis que chez Poe, il parle du « caractère fantastique23 » des compositions musicales. L’incompréhension des personnages y est souvent liée, ce qui amène le narrateur à des conclusions surnaturelles : « caractère très extraordinaire, presque surnaturel ». La description de l’angoisse du narrateur, par l’énumération et le champ lexical de la peur dans ces nouvelles, est également typique du genre fantastique. Après la découverte de « L’Aleph », le narrateur à « l’impression de revenir d’ailleurs24 » et est victime d’insomnies, tandis que dans l’étrange demeure d’Usher, il décrit ses peurs en réfléchissant aux associations d’éléments pouvant susciter la terreur25. Intervient, face à l’observation de l’étrange, le motif du double : « Dans Tlön les choses se dédoublent », tandis que chez Poe le narrateur écrit à propos de son ami : « Je l’observais dans ces allures, et je rêvais souvent à la vieille philosophie de l’âme double –  je m’amusais de l’idée d’un Dupin double, – un Dupin créateur et un Dupin analyste26 ». Tandis que Borges imagine un passage d’un monde à l’autre (du nôtre au monde imaginaire de Tlön), que la vérité de l’univers résiderait dans cette sorte d’univers total, Poe imagine son ami Dupin comme un homme total. C’est précisément dans cette idée d’infini et de totalité, de l’univers et de l’individu, que Borges et Poe manient la thématique fantastique du double au sein de leurs contes.


2 Le goût des énigmes

    Ces deux auteurs se rejoignent incontestablement par leur goût des énigmes. Bien qu’elles se présentent sous des angles différents, de nombreuses similarités se dessinent. Leur point de départ correspond souvent à la rencontre du narrateur avec un ami ou une personne atypique dans une situation étrange. Dans « Le Livre de sable », le vendeur du livre constitue le point de départ de l’intrigue qui va s’en suivre. Dans « Tlön Uqbar Orbis Tertius », Borges met en scène son véritable ami, l’écrivain argentin Bioy Casares. L’absence de l’article sur Uqbar dans l’Encyclopédie déclenche toute l’énigme de Tlön, et a pour effet d’affoler Casares (« Bioy, un peu affolé, interrogea les tomes de l’index27 »). Dans les nouvelles de Poe, la rencontre avec la figure récurrente de l’enquêteur-érudit Dupin (« Les livres étaient véritablement son seul luxe », « Je fus aussi fort étonné de la prodigieuse étendue de ses lectures28 ») est synonyme d’intrigue policière29, tandis que la lettre envoyée par Usher, dont « l’écriture portait la trace d’une agitation nerveuse30 », est la cause même de la venue du narrateur au manoir. Plus que l’assignation d’une énigme à la rencontre d’une personne, certaines nouvelles des deux auteurs introduisent le thème de la folie : la découverte d’un objet insolite fragilise la santé mentale du personnage qui apparaît alors aliéné, voire possédé par quelque chose de mystérieux et d’incompréhensible, à tel point que le narrateur le perçoive comme fou. Dans « Le scarabée d’or », le narrateur écrit « À vous seuls ! Ah ! Le malheureux est fou, à coup sûr !31 » et « « Je n’aurais pas hésité à ramener par la force notre fou chez lui32 », de la même manière qu’il est écrit dans « L’Aleph » : « Tout à coup, je compris le danger que je courais : je m’étais laissé enterré par un fou, après avoir bu un poison33. » Mais cette pathologie mentale, sur laquelle chacun des deux narrateurs revient par la suite, est directement liée à l’effet de l’objet mystérieux. Dans le « Livre de sable », le narrateur décrit le livre comme un « objet de cauchemar, une chose obscène qui diffamait et corrompait la réalité34 », tandis que chez Poe, Jupiter s’exclame, au sujet de l’insecte qui fait entreprendre à son maître moult actions obsessionnelles et illogiques : « Damné scarabée !35 » Il est important de noter la force de l’objet en question sur les personnages : après avoir pris connaissance du dénouement de l’énigme, le narrateur devient, comme son ami, fasciné par la chose. Dans « Le scarabée d’or », il dit : « jamais je n’ai passé dix minutes dans une aussi vive exaltation36 » ; et : « Je ressentis une vénération infinie, une pitié infinie37 » à la vue de l’Aleph.
     La place de l’écrit dans ces nouvelles occupe une place primordiale. Qu’il se décline sous forme de livre, de lettre ou de parchemin, il constitue l’objet de fascination, de la découverte, la clé de l’énigme, voire l’énigme elle-même, ou encore le miroir de la réalité avec une mise en abîme de son contenu ayant pour effet de renforcer le phénomène fantastique. Dans « Le Livre de sable », il est à lui-même l’objet et la tourmente du personnage et l’énigme toute entière du conte. L’auteur se plaît alors à introduire un langage de chiffres par lequel le narrateur tente de résoudre l’énigme du livre infini. Ce « jeu de piste » est très typique de l’écriture de l’auteur argentin. Dans « Tlön Uqbar Orbis Tertius », le livre fait là aussi l’objet d’une énigme, que le personnage tente de résoudre en en décodant son contenu, d’autant plus qu’il décrit un monde imaginaire. Intervient alors une mise en abîme entre l’objet fantastique et la réalité où, dans ce conte, se produit le passage d’un monde à l’autre, c’est-à-dire que ce qui est écrit dans le livre se produit dans la réalité : mystérieuse coïncidence que ces « petits cônes très lourds » représentant « l’image de la divinité dans certaines religions de Tlön38 », tombés de la ceinture du jeune homme retrouvé mort... Le même phénomène est observable chez l’écrivain nord-américain dans « La Chute de la Maison Usher » : au fur et à mesure de la lecture du Mad trist, la réalité semble être contaminée par les événements du livre, comme si le monde des livres détenait le pouvoir d’agir sur le réel, comme s’il détenait la vérité sur le monde. La lettre constitue, quant à elle, l’objet déclencheur de la nouvelle (Usher envoie une lettre inquiétante au narrateur, tout comme Legrand dans « Le scarabée d’or »), l’objet de l’intrigue (« La Lettre volée »), ou encore l’objet de la vérité (« on découvrit une lettre manuscrite [...] la lettre élucidait entièrement le mystère de Tlön39 »).
    Le traitement de la résolution de l’énigme ainsi que la place de son explication détaillée sont également similaires chez les deux auteurs. La solution est donnée après que le fait se soit produit. Dans « L’Aleph », le narrateur en explique la signification après l’avoir vu, tout comme Legrand livre le cheminement du décryptage du parchemin après la découverte du coffre dans « Le scarabée d’or ». Dans « La lettre volée », Dupin explique son raisonnement après avoir retrouvé la lettre, tandis que dans « Tlön, Uqbar Orbis Tertius », le narrateur élucide « le mystère de Tlön » après avoir découvert une lettre manuscrite.
    Tous deux se plaisent à élaborer des énigmes dont la solution réside dans un codage chiffré, selon lequel toute lettre correspondrait à un chiffre selon des associations logiques et des équations mathématiques (dans « Double assassinat dans la rue Morgue », Dupin évoque d’ailleurs de « l’espérance de déchiffrer l’énigme entière40 »). Dans « Tlön Uqbar Orbis Tertius », le narrateur montre des « tables duodécimales » traduites en « tables sexagésimales (dans lesquelles soixante s’écrit 1041) ». Dans « Livre de sable » et « Tlön Uqbar Orbis Tertius », il existe une insistance sur les numéros des pages du livre qui sont une des essences même de l’introduction du caractère fantastique du texte, et dont le narrateur se targue de résoudre. De même, dans « La Bibliothèque de Babel », une idée mystique du livre est véhiculée par la récurrence des lettres « MCV » se répétant de la première à la dernière ligne. Quant à William Legrand dans « Le scarabée d’or », il explique le décryptage de l’énigme du parchemin par un système de tables dans lesquelles chaque signe correspond à une lettre et ce, décodée à l’aide d’un système de probabilités. Ces tables sont d’ailleurs livrées sous leur forme propre et non sous forme de phrases, tout comme les deux auteurs se plaisent à inscrire plusieurs mots ou groupes de mots en italique afin d’attirer l’attention de leur importance chez le lecteur. Dupin s’amuse même, dans « Double assassinat dans la rue Morgue », à décliner la conjugaison du verbe « falloir » en italique. À noter également la présence des épigraphes à chaque début de nouvelle de Poe et de Borges, ainsi que les nombreuses marques d’intertextualité au sein du texte. Cette intertextualité apparaît aussi bien de manière fictive entre les nouvelles elles-même (le personnage de Dupin chez Poe) que par des références littéraires récurrentes (Les 1001 nuits chez Borges, Crébillon chez Poe) ou ponctuelles pour référer à une idée plus ou moins explicite (comparaison, chez Borges, de l’univers de Tlön à la littérature d’anticipation en citant de manière quelque peu implicite, A Brave New Word d’Aldous Huxley). Cette intertextualité et ces épigraphes ne sont pas anodines et concourent non seulement à la bonne compréhension du texte, mais renvoient également à l’idée qu’il existe une corrélation entre tous les éléments (par exemple chez Poe, l’importance de l’observation minutieuse dans « La lettre volée » et dans « Double assassinat dans la Rue Morgue » ; et chez Borges les propos suivants dans « La Bibliothèque de Babel » : « Je ne puis combiner une série quelconque de caractères, par exemple dhcmrlchtdj que la divine Bibliothèque n’ait déjà prévue, et qui dans quelqu’une de ses langues secrètes ne renferme une signification terrible42. »), toutes les œuvres (donc à l’idée de l’œuvre totale) et que tout (à la manière dont le note Borges) est doté d’un sens.


3 La conception de l’infini

    La mise en scène de toutes ces énigmes à travers le genre fantastique renferme une réflexion sur le monde, sur l’infini, et sur la place que l’homme y occupe, comme en attestent ces propos de Herbert H. Knecht : « Toute histoire naturelle du fantastique commence à l’infini43 ». Cette notion d’infini, la réflexion sur le rapport entre le mathématicien et le poète, sur la raison, ainsi que la corrélation entre les éléments physiques de l’univers et l’homme dans les nouvelles étudiées, sont déjà très parlantes en ce sens et mériteraient une analyse plus approfondie. Mais il s’agira ici de relever l’emploi de ces théories dans le domaine fantastique, l’essence de leur considération pour observer les conclusions défendues par chacun des deux auteurs, tout en précisant qu’il n’existe chez aucun d’eux quelconque message moraliste, mais davantage une conception particulière du monde.
    Cette conception de l’infini n’est pas, chez Borges, sans influence de la philosophie de Leibniz et de Pascal, où cette notion est constamment abordée. Dans ses Pensées, Pascal posait d’ailleurs la vaste question de « Qu’est-ce qu’un homme dans l’infini44 ? ». Par ailleurs, selon Herbert H. Knecht :
[...]ce rapprochement entre les œuvres de l’écrivain argentin et la philosophie leibnizienne s’observe par « l’analogie des sujets abordés […] : même émerveillement face à l’enchaînement enchevêtré des causes et des effets où aucun événement ne manque cependant de sa justification, même fascination devant les ramifications sans bornes des possibilités diverses, mêmes méditations sur les paradoxes innombrables de l’infini, même génie de l’invention combinatoire45.
À la fin de « La Bibliothèque de Babel », le narrateur écrit : « Je viens d’écrire infinie. […] j’insinue cette solution : la Bibliothèque est illimitée et périodique ». Ainsi peut-on y voir une référence à la théorie leibnizienne du « labyrinthe continu46 », théorie selon laquelle il existerait une loi de continuité à l’infini47, et où il est alors possible de voir le labyrinthe comme la métaphore d’une périodicité illimitée.
    « L’Aleph » est sans doute le conte le plus révélateur et le plus explicite de la réflexion de Borges sur l’infini, au vue de la définition donnée dans le texte : « un point où convergent tous les points48 ». Cependant, « La Bibliothèque de Babel » n’en est pas moins, où la théorie est alors inversée puisqu’il ne s’agit plus d’un point particulier. C’est alors aux théories de Pascal sur l’infiniment grand et l’infiniment petit, que se réfère ici Borges. La citation en italique « la Bibliothèque est une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque, et dont la circonférence est inaccessible », semble renvoyer directement aux propos du philosophe-physicien pour désigner le monde (déjà repris de la préface de Mlle de Gournay aux Essais de Montaigne) : « C’est une sphère dont le centre est partout, la circonférence nulle part49 ».
    Outre l’objet de fascination que peut représenter l’infini aux yeux de Borges, c’est aussi un motif d’angoisse, d’où sa conjonction avec le fantastique. L’idée de l’infini amène en effet également à la question du sens : si tout est infini, tout peut-il réellement avoir un sens ? Cette crainte se trouve notamment dans « L’Alpeh » ou le narrateur écrit : « ici commence mon désespoir d’écrivain. Tout langage est un alphabet de symboles dont l’exercice suppose un passé que les interlocuteurs partagent ; comment transmettre aux autres l’Aleph infini que ma craintive mémoire embrasse à peine ?50 » (Aleph comme idée de langue totale qui renfermerait la clé du langage) ; et dans « Le Livre de Sable » où il cherche désespérément un ordre et un sens à ce livre infini. L’absence de sens entraîne l’aliénation et la folie de l’homme.
    Cette notion d’infini est, chez Borges, aussi bien liée à cette angoisse du non-sens qu’à l’idée d’œuvre totale : « À présent, j’avais sous la main un vaste fragment méthodique de l’histoire totale d’une planète inconnue51.» Il n’est pas étonnant te trouver le nom de Leibniz cité quelques lignes au-dessus, puisque l’objectif du philosophe scientifique était aussi de pouvoir créer une Encyclopédie qui regrouperait toutes les connaissances possibles. Ainsi l’univers, par son infini, serait-il source de perdition, mais par la connaissance, une fascinante énigme sortant l’homme de l’obscurité, un peu à la manière de ce fragment de Pascal : « par l’espace, l’univers me comprend et m’engloutit comme un point ; par la pensée, je le comprends52 » (à noter ici la double signification du verbe « comprendre » : à la fois connaître et englober).
    Une certaine conception métaphysique de la place de l’homme dans l’univers est également présente chez Poe. Au début de « Double assassinat dans la rue Morgue », le narrateur livre une réflexion sur l’univers et les facultés de l’esprit, en utilisant l’échiquier comme métaphore de l’esprit face au monde. Ces considérations sur l’univers à l’aide de termes scientifiques font écho à l’incipit de « La Bibliothèque de Babel » où l’univers est décrit selon la théorie philosophique de l’atomisme : « L’univers (que d’autres appellent la Bibliothèque) se compose d’un nombre indéfini, et peut-être infini, de galeries hexagonales, avec au centre de vastes puits d’aération bordés par des balustrades très basses53 ». Ainsi Poe, mais aussi Borges avec l’idée de connaissance totale, apporte-t-il par ses nouvelles une réflexion sur les possibles de l’intelligence humaine. Poe évoque la question du rapport entre le mathématicien et le poète. Dans « La lettre volée », Dupin oppose la médiocrité de la police qui s’appuie sur un raisonnement purement mathématique sans se soucier des facultés de l’imagination. Ainsi le préfet, étouffé par des axiomes théoriques, est-il aveuglé devant l’intelligence que Dupin nomme celle du « poète54 », et ne découvre pas la lettre se trouvant pourtant sous ses yeux.
    Cet aveuglement de la police face à l’évidence semble ainsi reprendre de manière implicite le mythe biblique de l’aveugle-né55, selon lequel l’homme se refuse à voir l’évidence lorsqu’il est trop enfermé dans ses connaissances. C’est également en ce sens que le narrateur parle de « noire divinité56 » en opposition à la « débile clarté57 ». L’influence de la Bible est en effet présente dans les textes des deux auteurs, pourtant tous deux athés. Chez Poe, elle apparaît de manière plus détournée et implicite que chez Borges, comme dans « La lettre volée », et souvent dans l’idée de l’existence d’une divinité supérieure. Dans « Le Livre de sable », l’objet échangé pour l’obtention dudit objet est précisément une Bible, œuvre totale, opposée à son « antélivre » que serait le Livre de sable, aliénant car dépourvu de sens58. Les deux auteurs utilisent néanmoins le même mythe, celui de la Tour de Babel59. Dans « Double assassinat dans la rue Morgue » : la voix entendue par les riverains est parfois espagnole, française, russe, anglaise, mais toutes semblent s’accorder sur les termes entendus : « Mon Dieu ! ». Quant à Borges, il s’y réfère très clairement dans « La Bibliothèque de Babel », conjointement au « nombre n de langages possibles60 » et par une allégorie de l’ignorance des limites du monde : « Toi, qui me lis, es-tu sûr de comprendre ma langue61 ? » Dans « Tlön Uqbar Orbis Tertius », le monde imaginaire de Tlön semble revenir avant que les hommes aient été frappés par le châtiment divin des différentes langues : « Alors l’Anglais, le Français et l’Espagnol lui-même disparaîtront de la planète. Le monde sera Tlön62. »


    Borges et Poe, ces deux grands maîtres du fantastique se rejoignent dans leur manière d’aborder cette littérature. Outre la récurrence des éléments caractéristiques du genre chez chacun d’entre eux, c’est bien d’une réflexion plus profonde sur la place de l’homme dans l’univers que relèvent leurs œuvres. Leur goût pour les énigmes est notamment un moyen de mettre en lumière tous les possibles de l’intelligence humaine. Le narrateur chez Poe l’exprime d’ailleurs explicitement dans ses considérations de « l’homme analyste » qui « raffole des énigmes, des rébus, des hiéroglyphes63 ». L’importance de la signification des chiffres et des mots, reflète chez les deux écrivains la question du sens des choses, en corrélation avec l’idée d’infini : l’infini comme œuvre totale de la connaissance et des possibilités, mais aussi l’infini comme aboutissement à un non-sens qui aliénerait l’homme. Plus que de simples nouvelles fantastiques, ces textes de Poe et de Borges, par la présence d’énigmes et de réflexions mathématiques, apparaissent comme le miroir d’une réflexion philosophique sur le monde à laquelle se prête fort bien le genre, et qu’il serait intéressant d’étudier plus précisément à la lumière des philosophies scientifiques de Leibniz et de Pascal.



1 Jorge Luis Borges, Fictions, « Pierre Ménard, auteur du Quichotte », Gallimard, Folio, 2013 [1944], p. 47.
2 On pourrait traduire ces propos par « Ah ! Garde à l’esprit que ce jardin était enchanté. »
3 Jorge Luis Borges, Fictions, « Pierre Ménard, auteur du Quichotte », op. cit., p. 47.
4 Edgar Allan Poe, Nouvelles histoires extraordinaires, « La Chute de la maison Uher », Garnier-Flammarion, 1965 [1856], p. 127.
5 Edgar Allan Poe, Histoires extraordinaires, « Le scarabée d’or », Gallimard, Folio classique, 1998 [1857], p. 115.
6 Id.
7 J L. Borges, Fictions, « Tlön Uqbar Orbis Tertius », op. cit., p. 11.
8 Id.
9 Ibid.
10 Ibid. p. 15.
11 Ibid. p. 11.
12 J L. Borges, Fictions, « La Bibliothèque de Babel », op. cit., p. 71.
13 E A. Poe, Nouvelles histoires extraordinaires, « La Chute de la maison Uher », op. cit., p. 128.
14 Id., p. 149.
15 J L. Borges, Fictions, « La Bibliothèque de Babel », op. cit., p. 72.
16 E A. Poe, Histoires extraordinaires, « Le scarabée d’or », op. cit. p. 127.
17 E A. Poe, Nouvelles histoires extraordinaires, « La Chute de la maison Uher », op. cit., p. 135.
18 J L. Borges, Fictions, « La Bibliothèque de Babel », op. cit., p. 81.
19 J L. Borges, L’Aleph, « L’Aleph », Gallimard, N.R.F, 1968 [1949], p. 202.
20 E A. Poe, Histoires extraordinaires, « Le scarabée d’or », op. cit. p. 145.
21 Id., p. 138.
22 J L. Borges, Fictions, « Tlön Uqbar Orbis Tertius », op. cit., p. 14.
23 E A. Poe, Nouvelles histoires extraordinaires, « La Chute de la maison Uher », op. cit., p. 137.
24 J L. Borges, L’Aleph, « L’Aleph », op. cit., p. 208.
25 E A. Poe, Nouvelles histoires extraordinaires, « La Chute de la maison Uher », op. cit., p. 130.
26 E A. Poe, Histoires extraordinaires, « Double assassinat dans la rue Morgue », op. cit., p. 53.
27 J L. Borges, Fictions, « Tlön Uqbar Orbis Tertius », op. cit., p. 12.
28 E A. Poe, Histoires extraordinaires, « Double assassinat dans la rue Morgue », op. cit., p. 51.
29 E A. Poe, Histoires extraordinaires, « Double assassinat dans la rue Morgue », « La lettre volée », op. cit., p. 47-113.
30 E A. Poe, Nouvelles histoires extraordinaires, « La Chute de la maison Uher », op. cit., p. 128.
31 E A. Poe, Histoires extraordinaires, « Le scarabée d’or », op. cit., p. 127.
32 Id., p. 134.
33 J L. Borges, L’Aleph, « L’Aleph », op. cit., p. 204.
34 J L. Borges, Le Livre de sable, « Le Livre de sable », Gallimard, Folio, 1978 [1975], p. 102.
35 E A. Poe, Histoires extraordinaires, « Le scarabée d’or », op. cit., p. 127.
36 Id., p. 138.
37 J L. Borges, L’Aleph, « L’Aleph », op. cit., p. 207.
38 J L. Borges, Fictions, « Tlön Uqbar Orbis Tertius », op. cit., p. 29.
39 Id., p. 26.
40 E A. Poe, Histoires extraordinaires, « Double assassinat dans la rue Morgue », op. cit., p. 69.
41 J L. Borges, Fictions, « Tlön Uqbar Orbis Tertius », op. cit., p. 15.
42 J L. Borges, Fictions, « La Bibliothèque de Babel », op. cit., p. 80.
43 Herbert H. Knecht, « Leibniz le poète et Borges le philosophe. Pour une lecture fantastique de Leibniz », Variaciones Borges, Vol. 9, 2000, p. 141.
44 Blaise Pascal, Pensées, Librairie Générale Française, Le Livre de poche, 1972, section II, 72, p. 27.
45 H. H. Knecht, « Leibniz le poète et Borges le philosophe. Pour une lecture fantastique de Leibniz », art. cit., p. 112-113.
47 Idée que bien qu’illimité, l’infini ne serait pas pour autant dépourvu de sens.
48 J L. Borges, L’Aleph, « L’Aleph », op. cit., p. 210.
49 B. Pascal, Pensées, op. cit., section II, 72, p. 26.
50 J L. Borges, L’Aleph, « L’Aleph », op. cit., p. 204.
51 J L. Borges, Fictions, « Tlön Uqbar Orbis Tertius », op. cit., p. 16.
52 B. Pascal, Pensées, op. cit., section VI, 348, p. 162.
53 J L. Borges, Fictions, « La Bibliothèque de Babel », op. cit., p. 71.
54 Edgar Allan Poe, Histoires extraordinaires, « La lettre volée », op. cit., p. 105-107.
55 Jean, chapitre IX, versets 28-30.
56 E A. Poe, Histoires extraordinaires, « Double assassinat dans la rue Morgue », op. cit., p. 52.
57 Id.
58 Borges écrivait d’ailleurs en 1937 : « Il n’y a pas de livre sans son contre-livre. »
59 Genèse, 11, 1-9.
60 J L. Borges, Fictions, « La Bibliothèque de Babel », op. cit., p. 80.
61 Id.
62 J L. Borges, Fictions, « Tlön Uqbar Orbis Tertius », op. cit., p. 31.
63 E A. Poe, Histoires extraordinaires, « Double assassinat dans la rue Morgue », op. cit., p. 47.